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Crash de l'avion affrété par Air Algérie : La piste mène vers la météo

par Moncef Wafi

Après le crash, les interrogations. Sitôt l'information de la disparition des radars du vol AH 2017 ralliant Ouagadougou à Alger, des cellules de crise ont été installées aussi bien dans la capitale algérienne, du côté burkinabé qu'à Paris et dans les autres pays d'où sont originaires les victimes.

L'épave du MD-83 affrété par Air Algérie à la société espagnole Swiftair a été retrouvée dans le nord du Mali, précisément près du village de Boulekessi à cinquante kilomètres au nord de la frontière avec le Burkina Faso. C'est un drone d'observation de l'armée de l'air française, un Reaper, qui a localisé la zone de l'épave dans la région de Gossi. Un détachement héliporté venu de Gao s'y est ensuite rendu pour finalement identifier formellement l'appareil malgré son état. Un communiqué de l'Elysée a annoncé également qu'un «détachement militaire français a été envoyé sur place pour sécuriser le site et recueillir les premiers éléments d'information». Les soldats français ont retrouvé, hier, l'une des boîtes noire de l'appareil qui sera acheminée dans la foulée à Gao. Jeudi, déjà, le général burkinabé, Gilbert Diendiéré, qui coordonne la cellule de crise au Burkina Faso, a déclaré que les restes de l'avion sont complètement brûlés et que des parties de corps ont été retrouvées, affirmant qu'il n'y avait aucun survivant. Des bergers, gardiens de troupeaux, ont informé les autorités après avoir vu l'avion tomber, déjà en feu, avant de s'écraser. Rappelons que l'avion s'est écrasé ce jeudi avec 118 personnes à son bord, dont six Algériens. Le contact avec le vol AH 2017 a été perdu une demi-heure après son décollage de Ouagadougou. Il devait atterrir à Alger quelque trois heures plus tard. La France, qui déplore le plus grand nombre de victimes dans le crash avec 51 morts, et qui est présente militairement dans la région, n'exclut pour le moment aucune hypothèse même si la thèse de l'accident semble actuellement la plus privilégiée. Frédéric Cuvillier, le ministre français des Transports, a indiqué, au sortir d'une réunion de crise qui s'est tenue hier en présence notamment du Premier ministre Manuel Valls, de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, que les autorités françaises écartaient «depuis le début la possibilité d'un tir depuis le sol, hautement improbable, voire impossible». Bernard Cazeneuve, le ministre français de l'Intérieur, abonde, quant à lui, dans le sens de l'accident. «Nous pensons que cet avion s'est abîmé pour des raisons qui tenaient aux conditions météorologiques», a-t-il déclaré hier matin. Invité pour donner son avis d'expert, Jean Serrat, ancien commandant de bord et président du syndicat, confirme que l'hypothèse météorologique est une éventualité probable. Il explique que cette saison de l'année est effectivement, du point de vue météo, la période la plus dangereuse. «La température est à son maximum au sol et avec ces courants d'air chauds, de l'humidité remonte de l'Atlantique, tout le long de la Côte d'Ivoire», souligne l'ancien pilote.

QUID DE LA RESPONSABILITE D'AIR ALGERIE

Pour le criminologue Alain Bauer, expert en sécurité et connaisseur de la sûreté aérienne, «le contexte de la météo difficile dans le secteur traversé par l'avion rend l'hypothèse de l'accident la plus plausible». L'équipage espagnol avait signalé à la tour de contrôle qu'il changeait de direction en raison de conditions météorologiques particulièrement difficiles. Par ailleurs, un deuil national de 48 heures a été décrété au Burkina Faso, qui compte 28 victimes dans cet accident, par le chef de l'Etat. Une cellule de crise a été ouverte à l'aéroport de Ouagadougou où les proches et familles des passagers du vol AH 2017 ont exprimé leur colère, l'un d'entre eux accusant même Air Algérie d'avoir «abandonné» les familles des victimes. Le McDonnell qui s'est écrasé dans le nord du Mali a été loué par la compagnie Air Algérie à la société espagnole Swiftair dans le cadre d'un contrat de sous-traitance dit «ACMI». Une compagnie créée en 1986, spécialisée dans les vols d'entreprises et la location de sa flotte estimée à une trentaine d'avions dont les McDonnell MD-83, de 18 ans d'âge (167 sièges), mais aussi des Boeing 727 et 737-300, des Embraer 120 et Fairchild Metroliner. Ses clients sont généralement des tours opérateurs et des compagnies aériennes. Elle n'avait jamais connu un tel accident et l'avion crashé avait subi une révision générale deux jours avant l'accident lors d'une escale à Marseille, selon le directeur général de l'aviation, Patrick Gandil. La problématique de l'affrètement se pose donc avec acuité puisqu'on prête volontiers à cet arrangement commercial une forme de relâchement dans la sécurité. Dans le cas du vol AH-2017, cette sous-traitance engendre au moins deux types de conséquences, selon les premières analyses. Si l'accident est lié à la météo, l'équipage espagnol n'avait pas forcément une connaissance très pointue du ciel de l'Ouest africain et de la manière d'aborder ses violents cumulonimbus. Un élément aggravé dans cette région du globe où le contrôle aérien n'est pas le plus performant au moins jusqu'à la frontière algérienne. D'autre part, une compagnie qui sous-traite ses vols à une autre ne sera pas très regardante en matière de sûreté lors de la phase de chargement du vol. Alain Bauer, lui, pointe du doigt les contrôles de sécurité parfois poreux de l'aéroport de Ouagadougou remettant en cause le contrôle d'accès à bord et du contrôle des bagages. Il évoque son expérience quand il affirme que le personnel de sûreté dans certains aéroports africains ne s'entoure pas forcément de toutes les précautions quand le passager est une connaissance avec 80 kg d'excédents de bagage, par exemple.