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Quand la consommation prend le relais en Allemagne

par Akram Belkaïd, Paris

Le modèle économique allemand continue d’alimenter les débats et la publication récente des chiffres de conjoncture de 2013 par l’Institut Destatis, l’office central de la statistique, ne devrait pas modifier la donne. On apprend ainsi que la croissance du produit intérieur brut (Pib) n’a progressé que de 0,4% l’année dernière, une performance somme toute modeste mais à l’image d’une zone euro qui peine à se relever de la crise de 2008. Après avoir progressé de 0,7% en 2012 et 3,3% en 2011, il est donc indéniable que l’économie germanique est en train de ralentir. Reste à savoir pourquoi.
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HAUSSE DE LA CONSOMMATION INTERIEURE
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L’analyse des chiffres publiés par Destatis, mais aussi les indications fournies par l’influent institut de conjoncture Ifo basé à Munich, montrent deux choses principales et pour le moins contradictoires. En premier lieu, il y a le fait que c’est la consommation intérieure, et non les exportations, qui a soutenu l’économie. Ainsi, les dépenses des ménages ont augmenté de 2,5% dans un contexte pourtant défavorable puisque les salaires n’ont progressé que de 2,1%. En clair, pour dépenser et consommer, les Allemands ont puisé dans leur épargne. C’est une nouveauté car, jusque-là, l’idée reçue était que la consommation passait au second plan devant la volonté d’épargner. Il convient de noter que ce regain de confiance, même timide, a eu lieu durant une année électorale ponctuée par un compromis entre la droite et la gauche pour un gouvernement de coalition.

En second lieu, Destatis a relevé que le commerce extérieur n’a guère contribué à la croissance (sa part est même négative à -0,3%) puisque les exportations ont progressé de manière moins rapide que les autres composantes de l’économie (consommation, investissement,…). Jusque-là, l’idée reçue était que la bonne santé économique de l’Allemagne passait d’abord par le dynamisme de son commerce extérieur. Et le plus étonnant dans l’affaire, c’est que, contribution négative ou pas à la croissance, ces exportations sont loin d’avoir fléchi puisqu’elles auraient atteint le niveau symbolique des 200 milliards d’euros (7,3% du pib). Comme le relève le quotidien Le Monde, « exprimé en dollars, l’excédent allemand (260 milliards de dollars) sera même nettement supérieur à l’excédent chinois (196 milliards) » (*). De quoi doucher l’euphorie qui s’est récemment emparée de la Chine dont les officiels ont peut-être trop vite décrété qu’elle était désormais la première puissance commerciale du monde.
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UNE QUESTION DE MARGES
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Il reste donc à comprendre comment un tel niveau d’exportations s’est avéré incapable de contribuer positivement à la croissance économique. De nombreux économistes insistent sur le fait que ces exportations sont le plus souvent des réexportations et que leur part de valeur ajoutée a tendance à diminuer. Exemple : une machine-outil, symbole du « made in Germany » est souvent fabriquée en divers endroits, notamment en Europe de l’Est, avant d’être assemblée en Allemagne et exportée. Comme les coûts salariaux des sous-traitants tchèques ou polonais augmentent, la marge finale diminue car, dans un contexte mondial marqué par le ralentissement des pays émergents (grands acheteurs de produits allemands), même le « made in Germany » ne peut imposer des hausses de prix. En clair, l’exportation n’a d’effet positif que si elle maintient ses marges.
 
(*) L’économie allemande a continué à ralentir en 2013, 16 janvier 2014.