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Le grand écart des éditeurs sur la nouvelle politique du livre - Azzedine Guerfi : «C'est une loi révolutionnaire ! »

par Nejma rondeleux

Alors que s'ouvrait, jeudi à Alger, la 18e édition du Salon international du livre d'Alger (SILA), un nouveau chapitre sur le marché du livre est en train de s'écrire après l'adoption, le 29 septembre dernier en conseil des ministres, du projet de loi sur le Livre. Décriée par certains, la loi dont certains articles modifient sensiblement l'économie du livre a ses défenseurs

Bien écrit pour certains, copie à revoir pour d'autres, le «projet de loi relatif aux activités et au marché du livre» divise. Une chose est sûre : il remodèle complètement le marché du livre en s'attaquant à toute la chaîne de production, de l'édition à la formation en passant par l'impression, la commercialisation et la promotion. En cela, c'est une «loi révolutionnaire», juge Azzedine Guerfi, directeur général des éditions Chihab. «Cette loi touche au fond du problème de l'industrie du livre car elle part du lecteur jusqu'au libraire». Une industrie du livre exsangue «à force d'ouverture», estime le fondateur de la maison Chihab.

Ainsi, sur les 1100 sociétés enregistrées en 2012 au Centre national du registre de commerce (CNRC) ayant pour activité commerciale principale l'édition, seules 350 d'entre elles ont édité un ouvrage ou un opuscule, note Hadj Miliani, professeur à l'Université de Mostaganem. Quant aux librairies, elles se comptent sur les doigts de la main, déclare Azzedine Guerfi : «En dehors d'une quinzaine de librairies, il n'y a plus de marché en Algérie». La faute, selon lui, à une dérégulation du système de distribution. «Dans le monde entier, le premier acheteur des librairies sont les institutions. En Algérie, depuis 15 ans, les institutions s'approvisionnent directement chez des importateurs», souligne le directeur des éditions Chihab.

OUVERTURE DU MARCHE

En obligeant les institutions publiques, collectivités locales ou établissements publics à acquérir leurs livres «auprès des librairies situées dans la wilaya d'implantation de l'entité publique auteur de la commande», l'article 27 du projet de loi devrait mettre fin à un tel système. Pour Azzedine Guerfi, cette disposition est une «révolution» car elle garantit un marché aux librairies estimé à 40 milliards de dinars, selon notre interlocuteur, et permet ainsi le développement de librairies dans toutes les wilayas, celles du Sud comprises. Autre disposition susceptible d'assurer une rentabilité aux librairies : «[?] la généralisation de la lecture de livres dans les établissements d'enseignement primaire, moyen et secondaire» (article 47). «Avec près de 8.5 millions d'élèves inscrits en 2013-2014, l'obligation de la lecture à l'école représente un formidable marché pour l'édition nationale», s'exclame Azzedine Guerfi.

Le secteur de l'édition pourrait aussi subir de profonds changements avec la proposition d'ouvrir «l'édition, l'impression et la commercialisation aux compétences nationales» selon un «principe d'égal accès à la commande publique» (article 16). «Avec 67 millions d'exemplaires par an et plus de 170 titres, le livre scolaire donnerait a beaucoup d'éditeurs une assise économique telle qu'ils pourraient investir sur des collections et des ouvrages à rentabilité plus lente et plus risquée [?]», souligne le professeur Hadj Miliani dans son éclairage paru dans El Watan.

REGULATION DU PRIX DE VENTE

C'est un aspect important du projet de loi qui consacre une section entière au «prix de vente du livre au public» comportant cinq articles sur les 62 que compte le texte. L'article 32 limite les fluctuations des prix en fixant «un seuil» aux «remises pratiquées par les librairies, les éditeurs et les importateurs nationaux pour la vente de livres lors des festivals, salons, foires et manifestations autour du livre». «C'est une très bonne chose» estime Azzedine Guerfi qui voit dans cette mesure une arme efficace contre «ceux qui cassent les prix du marché avec des remises de 50 % voire plus».

Le prix unique du livre instauré par l'article 29 qui stipule que « les livres présentant un contenu identique et les mêmes caractéristiques de forme, sont vendus au même prix sur tout le territoire », participe aussi à réguler un marché bien débridé. « Cette disposition consacre les mêmes droits aux lecteurs, qu'ils se trouvent à Alger ou Tamanrasset » note le directeur des éditions Chihab. En attendant sa mise en place, tous les adeptes de lecture, nationaux et internationaux, trouveront au SILA 2013 leur bonheur livresque. Au même prix.