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Les lupanars du djihad

par Abdelkader Leklek

Voila à, c'est officiel maintenant. Tout ce qui se racontait discrètement, et s'échangeait sous le manteau, est désormais publiquement dit et su.

C'est ce que vient de divulguer, Lotfi Benjeddou, le ministre de l'intérieur tunisien, en l'annonçant officiellement devant les députés de l'Assemblée Nationale Constituante, le jeudi 19 septembre 2013, lors de son audition. Ce qui n'était que rumeurs colportées par ceux qui sont contre le djihad en Syrie. Les catalogués comme athées, les laïcs et autres mécréants, comme bacchanales pour discréditer tous les combattants et les combats sur le chemin de la foi, au pays du Cham.

S'avèrera être une réalité confirmée en Tunisie, par le ministre de la police sûr de son sujet et bien informé de ce qui se déroule dans son pays. Il dira, parlant des jeunes tunisiens qui rejoignent les djihadistes en Syrie, que :'' le ministère de l'intérieur avait mis en place des contrôles stricts, notamment dans les aéroports du pays, pour empêcher les départs d'hommes et de femmes aussi, sur lesquels pèseraient des doutes et des suspicions, de vouloir se rendre en Syrie. Ainsi depuis le mois de mars 2013, 6 000 jeunes ont été interdits de partir, dont 86 uniquement durant ces trois derniers jours. Sur le théâtre des affrontements, nos jeunes sont placés aux premiers rangs lors des combats. On leur apprend à piller, à voler et à s'attaquer aux villageois démunis. Puis il assènera :'' excusez-moi, mais des réseaux bien organisés, envoient nos filles en Syrie, où elles couchaient avec 20, 30 voire 100 djihadistes, au nom du djihad al- nikah, et reviennent avec le fruit de ces relations sexuelles. Nous demeurons impuissants face à cette situation, et les bras croisés, nous observons le silence. Car certaines chapelles ici en Tunisie, mais aussi des organisations internationales, prétendues de défense des droits de l'homme, nous reprochent d'interdire aux jeunes tunisiens de voyager et de se rendre en Syrie''. Ce pavé balancé crûment,mais presque par dépit, dans le paysage politique tunisien, qui connaît des tiraillements et des crispations, entre l'organe qui parraine la transition, constitué de l'union générale tunisienne du travail, l'union tunisienne du commerce et de l'artisanat, l'organisation des avocat tunisiens et enfin la ligue tunisienne de défense des droits de l'homme, qui préconise comme sortie de crise, la démission du gouvernement islamiste en charge des affaires du pays et son remplacement par un cabinet de technocrates. Et En-Nahdha qui fait de la résistance, ne fera que compliquer les choses. D'ailleurs le samedi 21 septembre 2013, lors d'une conférence de presse, le porte parole de la médiation, Houssine Abassi, le secrétaire général de l'UGTT, avait ouvertement accusé les islamistes au pouvoir d'avoir par leur position ambiguë, paralysé les efforts fournis par les membres de cette médiation, pour sortir le pays de l'impasse, dans laquelle l'avait mis l'assassinat du député Mohamed Brahmi, leader du mouvement populaire. Assassinat dont avaient été prévenues les hautes autorités tunisiennes par une note émanant de la C I A, et dont une copie avait été soustraite et rendue public à partir des locaux du ministère de l'intérieur, direction de la sûreté nationale. Monsieur Abassi avait dit qu'En-Nahdha procède par manœuvres dilatoires, des interprétations et des lectures diverses, qu'elle louvoyait pour gagner du temps. Mais pas seulement, car d'un coté, cette déclaration confessée, par monsieur Ben Jeddou est sûrement basée sur des faits avérés et vérifiés. Et de l'autre coté, ce qu'avait révélé le ministre de l'intérieur, démythifie désormais, désacralise et met à nu, toute cette nébuleuse, politico religieuse activiste, qui par divers moyens et surtout par moult subterfuges, les Hyal, avait convaincu, des jeunes filles et de jeunes garçons à la fleur de l'age, de la conformité, de la justesse et de la validité de participer au djihad en Syrie contre le régime d'Al-Assad. Un empilement ininterrompu de fetwa, distribuées, en veux-tu, en voila, sur divers supports, numériques notamment, finit par accréditer tous les artifices et toutes les ruses, pour rendre possibles toutes les extravagances et autres absurdités et maintes énormités. Pour cette folie, ces prétendus oulama, ont élucubré une version du djihad dite du Nikah. Ce charlatanisme, parce que s'en est un, pèche par toutes ses facettes. En effet, les trois religions dites révélées ou monothéistes, n'admettent ni n'autorisent aucune relation sexuelle hors mariage. Et l'islam sunnite considère le mariage à durée déterminée, comme une union nulle et de nullité absolue. Quant au djihad, c'est de loin d'entre toutes les notions, la plus controversée de toute la doctrine développée autour des concepts de la religion musulmane, par les exégètes, les oulama et autres fouqaha. Les non musulmans et les occidentaux particulièrement, avaient dés les années 80, dévoyé ce concept jusqu'à ne plus en pouvoir. Ces derniers, conditionnés par leurs cadres de références, et emmurés dans leur européo égocentrisme culturel, avaient vite fait et quasiment par réflexe, d'accoler au djihad l'appellation et de lui coller les spécificités de Guerre Sainte, avec ce que tout cela comporte et véhicule comme connotations, liées à l'histoire, aux conflits de religions et aux croisades comme point nodal. Le tout nappé de violence de terreurs et d'injustice. En terre d'islam pareillement, le djihad est aussi dénaturé et dévergondé autant sinon plus qu'ailleurs, puisque des musulmans, échafaudent des préceptes fumeux, et le pratiquent dans une variante violente contre d'autres musulmans avec lesquels ils sont en désaccord, sur des choses de la vie, des relations sociales, les mouamalate, et notamment sur la politique et les projets de sociétés. Toutes ces altérations et ces diverses dénaturations du djihad constituent le fonds de commerce de toute une légion d'aventuriers prosélytes, dont les intérêts ne sont faits que de cupidité et concupiscence. Car ces acceptions corrompues sont l'exacte antithèse de l'originelle.

Ainsi l'égyptien Mohamed Saïd Al Ashmaoui, dans son livre :''l'Islam politique'' dit: au-delà de ces transformations, le sens profond du djihad demeure, à savoir, comme l'a expliqué le prophète, la lutte continue de l'âme contre les éléments négatifs, afin qu'elle gagne en force et en sérénité. Tel est le djihad majeur, tandis que la guerre sainte n'est que le djihad mineur''.

Cette approche est également corroborée par l'éminent juriste tunisien, feu Mohamed Charfi, dans son livre : ''Islam et liberté, le malentendu historique'', qui dit à ce propos que :'' la guerre ne peut-être qualifiée de sainte que si elle est défensive. C'est le seul djihad légitime. Toutes les agressions, toutes les guerres de conquêtes sont interdites''. Pour ce qui concerne l'Algérie, parmi les funestes conséquences de la décennie noire, figure en bonne et délicate case du puzzle, le cas des enfants nés dans les maquis terroristes. Certains d'entre eux, sont nés de mariages consentis, et encore, faudrait-il se mettre d'accord, sur l'entendement du consentement en la matière.

Il s'agit en réalité de mariages souvent arrangés, et validés par une Fatiha seulement. Ce qui au regard de la loi, est considéré comme inachevé, et du coup, sous l'empire du droit positif est illégal, puisque le mariage civil devant officier d'état civil n'est pas constaté et sa transcription sur les registres officiels de mariages faisant défaut. D'où des drames en plus, pour ces enfants, durant toutes les étapes de leur vie, tant que persistera le problème de leur filiation. Dans les familles, à l'école, dans le quartier, au travail etc.? Comme, par ailleurs, il y a aussi des cas d'enfants nés dans les maquis djihadistes d'union forcées, c'est-à-dire des gosses non désirés, puisque issus de viols. Ces enfants nés hors mariages, payent à chaque moment de leur vie, les effets des fautes commises par des adultes, satisfaisant leurs bas instincts sous couvert de la religion interprétée selon des intérêts pour le moins personnels, vils et inhumains. En plus de la violence faite aux femmes contraintes au mariage, ce sont des enfants qui récoltent toutes les calamités morales et physiques, leur vie durant. Ce dévergondage et cette dépravation de la religion, rappellent les pratiques sectatrices, qui donnent aux gourous et autres mentors tous les droits sur leurs adeptes. L'arme fatale dans ces relations de maîtres à disciples a pour munitions la manipulation. Les adeptes sont mis en rupture avec leur milieu social, considéré tantôt dépravé, tantôt mécréant, mais aussi matérialiste, païen et idolâtre. Cette désocialisation, qui est au final est un isolement insidieusement infligé, rend des êtres humains vulnérables, fragiles et facilement manipulables. Et ils seront dès lors, prêts à tout, pour atteindre de fallacieux idéaux, jusqu'à payer de leurs vie.

Quant aux relations sexuelles baptisées, dans notre cas, djihad al- Nikah, comme tribu, comme participation et contribution au djihad, cela leur paraîtra, aller de soi. Et comme la perversion n'a pas de limites, l'acception même du mot Nikah est tronquée par les zélateurs qui ont débauché à leur profit la religion, puisque ce mot signifie uniquement et seulement, mariage en langue arabe. Mais loin, très loin de sa nouvelle signification, entendue comme relations sexuelles. Et le mérite d'avoir mis en public cette encombrante question, pour la communauté des musulmans, qui a tendance à occulter certains problèmes de société, et les ranger dans la case impensables, comme dirait Mohamed Arkoun, revient à un ministre tunisien, même classé technocrate, mais appartenant à un gouvernement islamiste. Mais également, au-delà de la liberté de parole de cet homme et en même temps du paradoxe, cela donnera peut-être l'occasion aux musulmans d'en discuter et l'opportunité à ceux qui sont en charge de la religion dans les pays musulmans, d'apporter enfin des éclairages sur cette question et bien d'autres qui attendent prisonnières des conjonctures et des intérêts purement politiques. Profitant des évènements qui ont fortement marqué leurs tissus sociaux, les algériens et les tunisiens, ont la possibilité, du moins scientifique, pour débroussailler ces maquis, au sens premier, et éclaircir ces zones marécageuses, où officient des illuminés, qui n'arrêtent pas de causer du mal et beaucoup de dégâts à leurs populations. Cependant cette fonction de pionnier exige des sacrifices. Toutefois comparés à ceux qui ont inventé ce Djiaha al-Nikah mensonger, ces promoteurs là seront eux, nobles et humains.

Les crises culturelles et les amalgames idéologiques que subissent les populations dans les pays musulmans, les crétinisent, installent un large éventail de bigoterie et créent un monde fait de pseudo rigidités imposées par d'autres hommes, au lieu et place du Kitab et de la Sunna. Le djihad originel est spirituel, sui generis, comme diraient les juristes. C'est un combat personnel contre toutes les tentations, les attirances et les penchants, qu'aura à subir un être humain du fait de lui-même. Maîtriser intellectuellement ce combat psychique, c'est dominer tous ses besoins, c'est contrôler tous ses désirs et c'est aussi dompter toutes ses pulsions. C'est cela faire œuvre de djihad, le grand, à tout moment testé. Quant à vouloir accommoder le petit djihad à la fonction physiologique, que partage l'homme avec l'animal, et transformer le Nikah, le mariage, en acception exclusivement sexuelle, c'est s'engouffrer dans une tout autre chose, fondamentalement antinomique, avec le spirituel et le rituel qui font une religion.