Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

l'alternative islamiste à l'épreuve du pouvoir

par Benyassari

Les processus révolutionnaires, ayant concerné les différents pays arabes et la lame de fond qui n'a épargné ni le Maghreb, ni le Mashrek, ont contraint les Etats-Unis et l'Union européenne, après bien des louvoiements et des hésitations, à apporter leur caution à des mouvements populaires juvéniles, au contenu radical.

Il semble bien que la dynamique, atteint même aujourd'hui des pays dont l'islamisme est au pouvoir, comme l'Iran et la Turquie. Ce soutien tactique des occidentaux, n'était pas dénué de calcul. Le souci de faire naître un modèle démocratique, dans le monde arabo-musulman n'était pas la préoccupation majeure mais des enjeux géopolitiques et le maintien de l'équilibre des forces en faveur d'Israël, comme clé de la domination américaine au Moyen-Orient, étaient l'objectif cardinal. Il y a par ailleurs, le rôle stratégique d'un pays comme l'Egypte qui tient une place centrale dans l'économie mondiale de l'énergie (pétrole et gaz transitant par le canal de Suez) et sa position d'alter-ego dans le statu quo, face à Israël. Face à la déferlante populaire du 25 janvier 2011, les Etats-Unis ont préféré le pouvoir des frères musulmans qui leur garantit le maintien de l'Egypte au sein du système néolibéral mondial et le respect des traités de paix avec Israël.

De ce point de vue, le " printemps arabe ", n'est pas qu'un leurre. Il s'agit de ne pas confondre l'apparence du mouvement, avec son essence. Pour chevaucher le mouvement populaire et l'essouffler, les Etats-Unis dans le cas de l'Egypte, ont mis en place un deal à plusieurs. Il s'agit d'un scénario avec un partage des rôles, entre Israéliens, Saoudiens, Emiratis, militaires égyptiens et avec au centre la confrérie des frères musulmans seule organisation de masse capable de canaliser un mouvement populaire, vers d'autres objectifs, pour en dénaturer le sens. Ce deal conçu comme une tentative de rattraper une dynamique porteuse de beaucoup de risques, avait un double objectif : stabiliser une situation d'urgence et empêcher à tout prix un succès éventuel des frères musulmans, dans la gestion du pays. Le plan B, du scénario a été mis en place au lendemain de l'élection de Morsi. Tout a été fait ou quasiment tout, pour dégrader la vie quotidienne des égyptiens, avec une mauvaise volonté flagrante du FMI et des alliés, pour voler au secours d'un pays au bord de la faillite. Le même modus opérandi, semble être adopter pour abattre la révolution tunisienne. A ce stade de l'analyse, nous vient à l'esprit le fameux discours historique de Barack Obama, intitulé " Un nouveau départ " et prononcé à l'Université américaine du Caire, le 4 juin 2009 où il a donné la priorité " à l'écriture d'une nouvelle page entre les Etats-Unis et le monde musulman." Tout c'est évident, montre qu'avec Obama, les Etats-Unis ont procédé à un lifting de façade et ont continué à vouloir faire du neuf avec du vieux. Ils persistent à considérer les peuples comme une masse corvéable à merci, pour la sauvegarde de leurs intérêts de puissance hégémonique.

Avec la chute du président Morsi le 3 juillet 2013, l'Egypte amorce un tournant décisif de son histoire contemporaine. La transition n'en sera que plus longue. C'est un moment crucial pour toute la dynamique enclenchée par " le printemps arabe ". Ce tournant, met désormais la confrérie des frères musulmans, dans une extrême faiblesse. Aussi bien en Tunisie qu'en Egypte, l'arrivée des frères musulmans au pouvoir n'a pas tenu face à la réalité. Les islamistes sur la base d'une mobilisation populaire qui englobe toute la société qui était otage de l'ancien système, ont voulu imposer à la société, un projet global à caractère autocratique qui ne tient pas compte des aspirations démocratiques de toutes les couches sociales. Ni Morsi et les frères musulmans en Egypte, ni Ghannouchi et Ennahdha en Tunisie, n'ont été capable de produire un processus démocratique correspondant aux aspirations populaires et d'agréger les couches sociales qui au-delà des cercles concentriques islamistes, ont participé également et effectivement à la chute des dictatures en place. Dans les deux cas, les pouvoirs islamistes, ont failli par dogmatisme, voire par sectarisme, en prônant un retour à l'autoritarisme. Ils ont été incapables de gouverner, dans le sens de l'intérêt général et ont surtout été soucieux d'élargir la base sociale de leur mouvement. Leur gestion, a été caractérisée par de la mauvaise gouvernance au niveau économique, social et sécuritaire.

En Tunisie, comme en Egypte la victoire électorale des islamistes a mis d'abord en phase ces derniers, avec Washington. Pour les stratèges américains, seuls les islamistes sont à même d'endiguer la montée radicale des mobilisations populaires et de neutraliser le sentiment antiaméricain et l'hostilité, dont elles sont porteuses. De ce point de vue, Morsi a commencé à donner des gages, surtout par rapport à Israël. Sur le plan économique, il a engagé une offensive frontale pour opérer des coupes dans le pouvoir d'achat des couches modestes, en envisageant de supprimer les subventions des produits de première nécessité. Les Etats-Unis, ont commencé à lâcher les frères musulmans en Egypte, avec l'érosion de leur hégémonie dans la société, eut égard à leur gestion catastrophique de la réalité du pouvoir.

Dans le coup d'Etat du 3 juillet 2013, il y a comme un piège qui s'est refermé sur les frères musulmans, en Egypte et qui serait peut-être le seul trait de ressemblance susceptible d'autoriser de faire référence au " syndrome algérien ", nonobstant de toutes ressemblances auxquelles, il est fait parfois appel de façon abusive.

Mais, à bien des égards, les échecs islamistes en Algérie et en Egypte, à la porte du pouvoir pour les uns, et à la tête du pouvoir, pour les autres, renvoie à une vision de la pratique politique passéiste, déconnectée des couches sociales et des élites en mesure de faire basculer les forces sociales en faveur du changement et de la rupture avec le système en place.