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Où va la Tunisie, où va le monde arabe ?

par Bachir Ben Nadji

Quand j'ai pensé à écrire cette chronique, ça a coïncidé avec l'assassinat de l'opposant Mohamed El Brahmi, mais quand j'ai suivi ce qui s'est passé en Egypte j'ai compris que le monde arabe allait à sa ruine !

Pour ce qui concerne la Tunisie, mon thème premier, je vous dirais que le départ de Ben Ali et des Trabelsi, la révolution du jasmin et toutes les bonnes intentions qui ont précédé et qui ont suivi, ont ouvert la voie aux tunisiens pour voir un peu plus clair, se débarrasser de la police politique, des exactions, de la torture, de l'emprisonnement sans raisons, de la hogra, de la mal-vie, s'exprimer librement, entreprendre, voir d'autres volets de la politique tels qu'ils se pratiquent en occident ou les opposants tunisiens ont l'habitude de se rendre en exil.

Mais depuis janvier 2011, que c'est-il passé ? Il y a eu beaucoup de choses qui se sont produites en Tunisie. Les islamistes ont été «choisis» par les urnes car les tunisiens pensaient qu'il fallait se «rapprocher» de Dieu à travers ces «messies» pour que leur vie change, pour qu'ils peuvent trouver de l'emploi, pour s'enrichir, pour se développer, pour développer leur pays, pour bien vivre. En fin de compte, ils sont allés jusqu'à «s'autodétruire». Et cela nous le constatons au fil des jours depuis la mi-2011. Grèves sauvages, rébellion contre l'autorité notamment contre la police considérée comme l'ennemi du peuple alors que ces éléments sont issus du même peuple, le terrorisme a fait son apparition avec les salafistes venus de je ne sais ou pour régenter la vie des tunisiens, extrémisme religieux alors que le tunisien est par essence tolérant, destruction de l'économie touristique qui jouait un rôle de premier plan dans ce petit pays. Et j'en passe pour éviter d'énumérer tous les phénomènes négatifs qui ont marqué la vie de la Tunisie ces deux dernières années.

Mais le pire, c'est les assassinats politiques ! Qu'a fait Chokri Belaid pour être abattu en pleine rue, est ce que sa disparition de la scène politique a réglé quelque chose en Tunisie. Non, sa mort a mobilisé davantage la société civile tunisienne qui ne veut plus se laisser faire et qui veut faire changer l'opinion et la position aux tunisiens pour qu'ils sachent qui est leur ami et leur ennemi.

 Hé bien ceux qui n'aiment ni la Tunisie, ni la paix, ni son peuple, ni sa stabilité et qui eux-mêmes sont de nationalité tunisienne mais d'une autre obédience, ont continué à scier la branche sur laquelle tous le monde est assis, et ils ont assassiné une autre icône de la lutte démocratique et du nouveau paysage politique tunisien, auparavant dominé par les destouriens et néo-destouriens, Mohamed El Brahmi, en pleine rue lui aussi. Que veut dire ce geste idiot des assassins, arriveront-ils à leurs fins, hé bien non, et nous algériens en savons un petit bout. Les morts disparaissent et la société avance. La tempête de la Fitna n'a pas emmené l'Algérie avec elle et les assassins n'ont rien gagné. C'est la même chose qui se produira en Tunisie si les tunisiens opteront pour la paix et seront intelligents en mettant ces gens-là, les islamistes, les extrémistes, les salafistes, au ban de la société. Y parviendront-ils ? C'est à eux de voir. Nul ne peut leur dicter quoi que ce soit. Ils ont été capables de dire «Dégaaage» à un dictateur, ils pourront balayer la scène politique du virus qui la ronge avec la complicité de pseudos gouvernants qui n'ont rien fait et qui s'enorgueillissent des salafistes et islamistes, comme s'est enorgueilli Boudjerra Soltani d'avoir été en Afghanistan et d'avoir manié armes légères et armes lourdes. Boudjerra Soltani s'est de lui-même effacé de la scène politique algérienne et sûrement de l'histoire. Il restera un islamiste qui s'est enrichi sur le dos de la République et qui lui a été ingrat. Ghannouchi et tous ceux de son espèce, les pseudos islamistes modérés, portant cravate et tarbouche, doivent disparaitre et laisser la Tunisie aux tunisiens qui sont restés en Tunisie quand lui est allé se dorer sous le soleil doux des pays occidentaux et paraitre comme un héros grâce aux médias qui l'ont fabriqué et qui ont fabriqué son retour comme l'enfant prodigue, El Mahdi El Mountadhar, la chaine El Jazzera et le Qatar ont su le fabriquer et le mettre sur le piédestal pour qu'il occupe le haut du podium !

 Et puis plus rien ! Ces extra-terrestres ont fait entrer la Tunisie dans un tunnel, n'ont rien réglé des problèmes du pays et sont responsables du chaos qui mine la scène politique. Ni Constituante, ni gestionnaires réels du pays, tout est provisoire et par-dessus le marché, les postes de responsabilité sont attribués à la famille politique, et les autres qui sont-ils. Pour les islamistes, les autres familles politiques n'existent pas.

Je crois là que les assassinats de Chokri Belaid et de Mohamed El Brahmi, ont ouverts ou ouvriront les yeux des tunisiens épris de paix et de stabilité, pour prendre les choses en main, exiger que les islamistes quittent le pouvoir et de tenir le coup, de résister, et d'être vigilants. Il ne faudrait pas qu'ils s'attendent que cela soit une sinécure, ça sera ardu et ils recevront des propositions de toutes parts pour soi-disant les aider ou les conseiller. Niet, et il ne faudrait pas qu'ils tombent dans le piège des vautours qui viendront les amadouer pour leur donner des conseils. Non, c'est aux tunisiens de prendre leur destin en main, de faire ce qui doit être fait, et aller de l'avant pour ne pas tomber dans les travers du passé, et ne pas commettre les erreurs des autres, c'est ce qui payera et uniquement ça ! .

Et à travers le Monde Arabe les choses ne sont pas meilleures qu'en Tunisie. L'Egypte, la Libye, l'Irak, la Syrie, le Bahreïn, le Liban, la Palestine ne sont pas mieux lotis. Et sur le plan politique le Koweït bouge comme un peu partout. La même situation est vécue par le Maroc, au Soudan la situation n'est pas meilleure, le Yémen en a vu de toutes les couleurs et il est toujours dans une situation pas du tout enviable. Le feu couve aussi dans certains pays du golfe persique ou arabique, en dépit des apparences, et le reste chacun mène sa charrette comme elle veut et peut rouler. Mais la charrette ne roule pas au vent et il faut lui mettre des voiles pour la voir décoller et enfin chuter sans parachute, se casser en mille morceaux grâce aux conseils de BHL et des puissances occidentales qui «veulent du bien» à ces pays, pour les voir se détruire et ensuite les reconstruire, rubis sur ongles, payés avec la perte de leur indépendance, et cela sous une nouvelle forme de colonialisme.

 Et les conséquences nous les voyons en Libye, les armes ne se sont pas tues depuis le départ des Guedadfa, Maamar et ses fils, pas sa tribu qui restera pour toujours libyenne, mais qui ne se gênera pas de tenir rancune à ceux qui l'ont agressée pendant la «révolution de février 2012».

 En Irak, c'est la même chose, dix ans se sont écoulés depuis le «balayage» du Baath et de Saddam Hussein, et rien n'a changé, au contraire, le pays va de mal en pis. Les politiques installés par les amerlocs s'enrichissent, s'engraissent, le pays se détruit et les irakiens tombent comme des mouches avec des voitures piégées bourrées de dynamite qui arrive de n' importe où. Et qui la sert, qui la ramène, qui la stocke et qui la distribue aux exécutants ? Et pendant ce temps, l'Irak va de division en division, du politique au confessionnel, au régionalisme, et demain comment sera-t-il fait pour ce pays qui a été placé dans l'œil du cyclone depuis 1990 et qui s'est considérablement affaibli, faisant l'affaire des israéliens qui avaient pendant longtemps une peur bleue d'un Irak fort.

 Le tour de la Syrie est, semble-t-il, arrivé depuis plus de deux années, et il faut en faire comme on a fait chez le voisin. Tout cela afin d'abattre «un despote» et ruiner ce pays dont les politiques eux aussi gênent, depuis quelques années, les grands du monde occidental, notamment la France, la Grande Bretagne et les USA, et leurs suppôts du Golfe, exécutants de sales tâches par le biais de la Ligue arabe devenue une tribune de choix pour détruire ceux qui s'opposent aux émirs de la péninsule.

Et là, disons qu'il faudrait que le holà soit mis par les peuples pour éviter que les pays arabes ne disparaissent et faire en sorte que seules leurs ressources du sous sol soient «protégées», restent et profitent à ceux qui l'ont mis dans cette situation, sous prétexte d'avoir été leurs libérateurs des dictateurs, et de leur avoir permis de goûter à la liberté et d'instaurer la démocratie !

C'est ça le printemps des arabes, pensé et réalisé par les non arabes, exécuté par les arabes pour s'entretuer, détruire leurs pays. Et ou iront-ils et jusqu'ou iront-ils ?

Il est temps que les arabes se réveillent pour que leur avenir et celui des générations à venir ne soit pas compromis. Le feront-ils, prendront-ils conscience, nul ne peut s'avancer s'ils en seront capables, il y va de leur existence, à bon entendeur salut !