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Les milliards du Golfe affluent en Egypte : La pression s'accentue sur les Frères musulmans

par Salem Ferdi

Pas d'apaisement entre l'armée et les Frères musulmans une semaine après le coup de force contre le président Morsi. Les régimes du Golfe mettent la main à la poche pour soutenir la mise hors-jeu des «Frères».

Des milliards de dollars des pays du Golfe affluent vers l'Egypte : trois des Emirats, cinq de l'Arabie Saoudite et quatre du Koweït. Douze milliards de dollars, soit exactement la somme dont avait besoin l'Egypte pour équilibrer sa balance des paiements. Les régimes du Golfe, Qatar inclus, qui ont toujours été méfiants à l'égard des Frères musulmans et leur préfèrent les salafistes, ont ostensiblement appuyé le coup d'Etat de l'armée. Et alors que le bras de fer entre l'armée et les Frères musulmans se poursuit dans un climat très tendu, ils apportent une vraie bouffée d'oxygène à une économie égyptienne en situation délicate. Ces largesses des pays du Golfe éclairent aussi l'attitude du parti salafiste al-Nour qui a appuyé la destitution du président Morsi en prenant le risque de se faire accuser de «trahison» dans le camp islamiste. Alors que les Frères musulmans et les partis islamistes partie prenante de la Ligue de la défense de la légitimité continuent à occuper les places - leur adversaires aussi -, il n'existe aucun signe d'apaisement dans le bras de fer en cours depuis la destitution de Mohamed Morsi. Le nouveau chef de gouvernement désigné Hazem el-Beblawi a indiqué immédiatement qu'il avait prévu de proposer «quelques postes» aux Frères musulmans.

«NOUS NE PACTISONS PAS AVEC DES PUTSCHISTES»

La réponse est venue sèche : «Nous ne pactisons pas avec des putschistes. Nous rejetons tout ce qui émane de ce coup», a déclaré un dirigeant des Frères musulmans qui ont également rejeté le plan de transition présenté par Adly Mansour. Le cadre institutionnel provisoire annoncé par Adly Mansour prévoit l'adoption d'une nouvelle Constitution et la tenue d'élections législatives d'ici début 2014. Dans l'attente, le pouvoir législatif reste entre les mains du président par intérim. Certaines organisations anti-Morsi comme le Front de salut national (FSN), une coalition laïque, et le mouvement Tamarrod, ont également émis des réserves à l'égard du décret constitutionnel émis par le président provisoire. Mais ces réserves ne remettent pas en cause leur alliance avec l'armée contre les Frères musulmans. Et le nouveau Premier ministre aura pour objectif prioritaire de ramener le parti salafiste al-Nour dans le processus de transition. Les salafistes avaient claqué la porte des négociations des discussions, à la suite des violences de la Garde républicaine. Le retour des salafistes dans le jeu est d'autant plus important pour les militaires que la confrontation avec les Frères reste de mise. L'armée qui a publié un texte menaçant contre ceux qui perturbent le «délicat et complexe» processus de transition ne veut pas entendre parler d'un retour de Morsi, devenu l'exigence des Frères musulmans.

INGREDIENTS POUR UN DESASTRE

Le parquet a ordonné, hier, l'arrestation de Mohamed Badie, guide des Frères musulmans, et d'autres dirigeants en les accusant d'incitation à la violence en relation avec la tuerie devant le siège de la Garde républicaine au Caire qui a fait 51 morts et 435 blessés. Les Frères musulmans avaient dénoncé un massacre délibéré de l'armée contre des manifestants qui accomplissaient la prière. Pour Amnesty International, «même si certains manifestants ont pu se montrer violents, la réponse a été disproportionnée et est à l'origine de décès et de blessures parmi la foule». Hassiba Hadj Sahraoui, responsable régionale d'Amnesty, a souligné que «les ingrédients pour un désastre sont réunis» si l'armée ne donne pas «des consignes strictes en matière de recours à la force». Amnesty souligne que de «nombreuses victimes avaient été touchées (par balles) à la tête et sur le haut du corps». Le bilan des violences depuis le 3 juillet est de près de 90 morts et de 1500 blessés. Pour la première fois, le pouvoir a communiqué sur la situation de Mohamed Morsi. Le président ne fait «pour l'heure l'objet d'aucune poursuite» judiciaire, a assuré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Badr Abdelatty. «M. Morsi se trouve en lieu sûr, pour son propre bien, et il est traité dignement». La situation reste cependant très tendue. Les Frères musulmans ont décidé, malgré le début du mois de ramadhan, de maintenir leur protesta dans la rue et empêchent ainsi une «normalisation» souhaitée par l'armée.