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700 millions de dollars et une «renationalisation» d'El Hadjar

par Ferhat Yazid

Une recapitalisation-renationalisation et un plan de développement de 700 millions de dollars financé par la Banque extérieure d'Algérie.

Le complexe sidérurgique d'El Hadjar, toujours géré par ArcelorMittal, se dote d'une feuille de route pour un nouveau départ.

ArcelorMittal et le groupe public SIDER se sont mis d'accord sur une feuille de route pour la réhabilitation du complexe sidérurgique d'El Hadjar (Annaba). Selon le document, dont Maghreb Emergent a obtenu une copie, la renationalisation du complexe est acquise, selon la règle des 51/49. «51% des actifs sont désormais détenus par l'Etat algérien (46% des actifs au groupe SIDER et 5% des au Fonds national d'investissement) et 49% groupe ArcelorMittal». Le géant mondial de l'acier ArcelorMittal détient actuellement 70 % du complexe d'El Hadjar contre 30 % pour SIDER. Cette recapitalisation-renationalisation va permettre une injection en cash de près de 156 millions de dollars par les deux principaux partenaires : 100 millions pour SIDER et 56 millions pour ArcelorMittal). L'opération implique une banque publique dans le cadre de l'effort général naissant en vue d'une utilisation économique des énormes fonds oisifs des institutions bancaires. La Banque extérieure d'Algérie (BEA) apporte ainsi un financement substantiel de 700 millions de dollars au plan de développement du complexe. «Le Plan de développement sera financé par l'apport de 700 millions de dollars de la Banque extérieure d'Algérie (BEA) sur la base d'un échéancier et en fonction de la réalisation du plan2014/2017» indique le document en précisant qu'à l'horizon 2017,«le complexe sera en pleine capacité de production (2,2 millions de tonnes d'acier». Sans remettre en cause le management d'ArcelorMittal, la recapitalisation va induire quelques aménagements à l'organisation managériale. Ainsi le Conseil d'Administration sera «présidé par un cadre dirigeant algérien avec attribution de sélectionner les propositions d'ArcelorMittal en matière de management soit : sélection des administrateurs et sélection du staff dirigeant du complexe (DG DRH?, avec formule 50/50 de la composante dirigeante)».

VISION NOUVELLE

Dans cette nouvelle configuration, les deux partenaires dans le complexe sidérurgique veulent parler d'une «vision nouvelle». Le partenariat relooké ambitionne de réaliser le plan de développement basée sur une stratégie de production axée sur deux filières : la fonte (haut fourneau, agglomération) et l'électrique. Avec une prévision de production de 1,2 millions de tonnes d'acier pour la filière fonte. Une production devant servir en priorité à combler la demande en produits plats. La filière électrique qui devrait être basé à terme sur une production locale en pré-réduit Direct ReducedIron (DRI) permettra d'augmenter les capacités de production de 1 million de tonne d'acier/an en sus de la valorisation des ressources locales en ferrailles. Le DRI, explique un site spécialisé, est une matière métallique produite à partir de la réduction-oxydation directe du minerai de fer par un gaz réducteur (un processus de transformation chimique qui élimine l'oxygène et le carbone sans que la température de fonte du fer soit atteinte). Le fonctionnement du DRI en gaz naturel permettra un gain de 200 dollars par tonne d'acier. Les capacités de production du complexe sidérurgique sont actuellement de l'ordre de 1,8 millions de tonnes/an. En 2012, il n'a produit que 580.000 tonnes d'acier, loin de l'objectif de 700.000 tonnes/an assigné une année auparavant. Cette production couvre environ 20 % des besoins domestiques évalués à plus 5 millions de tonnes. En 2011, l'Algérie a importé pour 10 milliard de dollars de produits sidérurgique, selon les statistiques du ministère de l'Industrie et de la promotion des investissements. Le complexe n'est pas parvenu à tourner à pleine capacité ces dernières années en raison d'une dégradation de sa situation industrielle et de ses problèmes financiers. A cela s'est ajouté un climat social délétère marqué par des conflits sociaux à répétition qui ont causé des perturbations continues dans la production. Pour l'année 2012, les pertes d'El Hadjar sont estimées à 45 millions de dollars de chiffre d'affaires.

UNE «OPPORTUNITE A SAISIR»

Avec la mise en route du plan développement, les deux principaux partenaires prévoient un «impact social positif». La feuille de route se veut rassurante : «l'accroissement durable des capacités permettra une utilisation efficace du capital humain et n'engendre aucun départ forcé, au contraire un maintien et recrutement des effectifs pour permettre au complexe d'avoir une gestion performante de son capital humain». Les trois partenaires prévoient aussi la «mise en place d'un centre de formation, développement des compétences techniques et managériales permettant d'assurer l'émergence des talents et la relève durablement in fine l'employabilité des salariés».Mais pour ne pas retomber dans les conflits endémiques, le plan de développement est «strictement conditionné par la mise en place d'un pacte de stabilité sociale (PSS) qui permettra d'obtenir la confiance et l'engagement des partenaires du projet». «La paix sociale est un pré requis d'investissement demandé par l'ensemble des parties prenantes», affirment les rédacteurs du document. Une main tendue au partenaire syndical avec l'assurance donnée pour un «droit de regard des travailleurs sur les actes de gestion de la société par la désignation de 02 administrateurs de droit représentant le comité de participation (comme le stipule la loi 90 -11 régissant les relations de travail et le code du commerce) ; la mise en place d'une nouvelle convention collective qui cadre avec le nouveau statut de la société et l'institution d'une prime d'intéressement et participation au bénéfice de la société».C'est en forme d'appel et d'avertissement que le document souligne l'importance de saisir l'opportunité de «transformer ce complexe avec la bonne volonté de tous. Il en va de la performance économique et sociale de toute une région quasi sinistrée».