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Une provoc facile sur le prophète dans un contexte tendu : Charlie Hebdo remet ça !

par Salem Ferdi

En remettre une louche sur le prophète de l'Islam, c'était facile, tentant et ça pouvait faire le buzz, le journal «satirique» Charlie Hebdo n'y a pas résisté. Il a donc remis ça, faisant pâmer d'aise Marine Le Pen qui est allée de son trémolo sur la liberté d'expression sacrée et du «quittez-la-France» si vous ne le supportez pas. L'affaire ne fait pas rire les responsables français même s'ils se contraignent à défendre la «liberté d'expression»

Le journal qui a déjà fait le même coup de pub, il y a une année, a donc cherché - et obtenu - le grand coup de réclame en grimant à nouveau le prophète dans un contexte rendu sensible par les réactions que suscite dans le monde musulman le film «Innocence of Muslims». Il est évident que taper sur les musulmans ça fait courageux sans risque et ça permet de doper les ventes. En France, où une manifestation contre le film antimusulman a été interdite (malgré le caractère officiellement intouchable de la liberté d'expression) et où les représentants officiels de l'Islam voulaient éviter toute expression «excessive» des musulmans, Charlie Hebdo a la partie facile. L'hebdomadaire, mis sous protection policière, joue avec un feu qui ne risque pas de l'atteindre? mais qui peut atteindre d'autres. C'est le premier souci qui transparaît dans les déclarations des officiels français. A l'image du Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, qui a "dans le contexte actuel" affirmé sa "désapprobation face à tout excès". Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est dit "préoccupé" et a donné des instructions pour que des précautions de sécurité soient prises dans certains pays musulmans. Tout en affirmant le principe de la liberté d'expression, le chef de la diplomatie française a mis en avant le contexte en rapport avec le film anti-islam : «Est-ce que c'est pertinent et intelligent de mettre de l'huile sur le feu ? La réponse est non».

DES AMBASSADES, CONSULATS ET ECOLES FRANÇAIS FERMES

Le Quai d'Orsay a annoncé la fermeture des ambassades, consulats et écoles français dans une vingtaine de pays musulmans vendredi prochain tout en précisant qu'"il n'y avait pas de menace avérée sur un quelconque établissement". En Tunisie, les établissements scolaires français seront fermés de mercredi à lundi par précaution même s'il n'y a eu «aucune menace directe». Du côté des «officiels» musulmans de France, l'indignation se combine à un appel au calme. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a exprimé son étonnement et son d'inquiétude au sujet d'une «publication qui risque d'exacerber l'indignation générale du monde musulman». Il a appelé à ne «pas verser de l'huile sur le feu» et a regretté que «l'incitation à la haine religieuse ne soit pas réprimée par la loi comme l'est l'incitation à la haine raciale». Il a indiqué qu'un message sera lu dans toutes les mosquées liées à son organisation. Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), s'est dit "profondément attaché à la liberté d'expression", tout en critiquant «un acte irresponsable qui, dans un contexte très tendu, risque d'exacerber les tensions et de provoquer des réactions préjudiciables».

UNE IRRESISTIBLE ODEUR DE SANG

Dénonçant «l'insulte et l'incitation à la haine», il a appelé les «musulmans de France à ne pas céder à la provocation» et «à exprimer leur indignation dans la sérénité avec des moyens légaux». La tendance dans les milieux politiques français est d'affirmer un attachement à la liberté d'expression, mais la désapprobation à l'égard de Charlie Hebdo, de son «irresponsabilité» est également présente. Rama Yade, ancienne ministre, le résume bien. «Si la liberté de la presse est un droit inébranlable, là je pense que c'est la 'une' de trop. On sent que ça a été fait dans un objectif de provocation, dans un contexte particulièrement dur dans le monde aujourd'hui, avec ces manifestations musulmanes un peu partout". Charlie Hebdo qui n'en est pas à son premier coup aime particulièrement jouer sur l'islamophobie ambiante en France et en Europe. Avec les réactions en chaîne suscitées par le film «Innocence of Muslims», l'aubaine était trop forte. Comme une odeur de sang pour un serial killer, il n'y résiste pas. Il y a une année, en novembre 2011, les locaux de Charlie Hebdo ont été incendiés après la publication d'un numéro spécial intitulé antimusulman. Cela a fait du gros buzz. Mais, jusqu'à présent, l'enquête n'a pas apporté de preuves que des musulmans aient commis l'attaque. Mais Charlie Chiotte Hebdo a eu sa réclame. Au nom de la liberté d'expression.