Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une agence pour 25.000 habitants, les banques publiques algériennes à la traîne

par Yazid Taleb

Le dynamisme de certaines banques privées au cours des dernières années ne bouleverse pas un paysage financier algérien qui reste caractérisé par une sous-bancarisation persistante. Les compteurs semblent quasiment bloqués depuis des années : une agence pour 28.000 habitants, annonçait-on en mars dernier lors du séminaire du FCE. Une pour 25.000 habitants selon l'ABEF. Loin du Maroc où l'on compte une agence pour 12.000 habitants et de la Tunisie avec une agence pour 9.000 habitants.

Comment expliquer un retard aussi important et qui ne semble pas devoir se combler ?

LA BANQUE D'ALGERIE LACHE DU LEST

Du côté des banques privées et jusqu'à une date récente, l'explication semblait toute trouvée : le principal frein au développement de l'activité des banques privées est constitué par les lenteurs de la procédure d'autorisation d'ouverture de nouvelles agences par la Banque d'Algérie (BA). Une situation dont se plaignaient récemment encore la quasi-totalité des opérateurs. Dans son dernier rapport annuel publié au cours de l'été dernier, BNP Paribas El Djazaïr annonçait 58 agences opérationnelles mais encore 13 agences en attente d'agrément. Même son de cloche jusqu'à la fin de l'année dernière du côté de Société Générale Algérie (SGA) qui déplorait, également dans son dernier rapport annuel, que «le réseau d'agences n'ait pas connu, pour des raisons exogènes, l'expansion souhaitée». Apparemment les choses sont en voie de normalisation. Le nouveau président du directoire de la première banque privée du pays, M. Pierre Boursot, qui succède à un Gérald Lacaze qui avait pris des positions très en pointe dans ce domaine, affirmait en substance voici quelques semaines à l'occasion de la publication des résultats de la banque pour 2011, que SGA, qui a ouvert près d'une vingtaine d'agences au cours de l'année écoulée, ne rencontrait désormais plus de problème de ce point de vue. Même si la tendance indiquée par les dirigeants de SGA reste à confirmer auprès des autres opérateurs privés, les regards risquent de se tourner désormais de façon croissante vers les banques publiques.

PILOTAGE

Le pilotage exercé par la Banque d'Algérie semble en effet viser principalement à rééquilibrer le développement des réseaux en faveur des banques publiques. Certains cadres du secteur évoquaient voici quelques mois une correspondance adressée par le Premier ministère à la Banque d'Algérie demandant explicitement à cette dernière d'accélérer la délivrance des agréments en faveur des banques contrôlées par l'Etat. En fait, suivant une autre source, il s'agirait des résultats d'un Conseil interministériel réuni au cours de l'année dernière et dont les orientations principales concernaient également une attribution plus sélective de l'autorisation d'exercer dans le domaine du commerce extérieur. L'Autorité de régulation chercherait à rééquilibrer la part des 2 secteurs en faveur des banques publiques dans une activité dont la généralisation du crédit documentaire (Credoc) a renforcé la rentabilité. Elle devrait également contribuer à orienter davantage l'activité des banques privées vers le financement des PME ou encore le crédit immobilier qui sont depuis près de 2 ans des priorités explicitement désignées par les pouvoirs publics à l'adresse des banques.

LES RESSOURCES NE MANQUENT PAS

Quelles solutions pour stimuler le développement des réseaux bancaires et favoriser un meilleur financement de l'économie ? Un spécialiste du secteur tente de résumer les enjeux. «Si l'objectif des pouvoirs publics est de préserver la part de marché des banques contrôlées par l'Etat dans un secteur considéré comme stratégique, plutôt que de ralentir l'expansion des banques privées, la meilleure option à l'étape actuelle consiste à faire pression sur le management des banques publiques pour les amener à accélérer leurs programmes de modernisation du réseau et d'ouverture de nouvelles agences. Elles ne manquent d'ailleurs pas de ressources financières pour le faire». A l'appui de cette dernière affirmation, on relèvera les résultats financiers des banques au cours des dernières années. Le PDG de la BEA, M. Loukal, annonçait récemment un bénéfice supérieur à 19 milliards de dinars en 2010. Pour le CPA, il s'agit d'un bénéfice net de 12,8 milliards de dinars en 2010. Les bilans publiés par la BNA au cours des dernières années montrent également une croissance rapide de la rentabilité de la banque avec un bénéfice net qui est passé d'un peu plus de 6 milliards de dinars en 2007, et 11 milliards en 2008 à plus de 21 milliards (environ 200 millions d'euros) en 2009. En face de ressources financières aussi importantes, le rythme d'ouverture des agences nouvelles par les banques publiques semble très en retrait de leurs possibilités. A peine une dizaine d'agences nouvelles par an en moyenne, selon le responsable du réseau de l'une d'entre elles qui explique que «les efforts dans ce domaine ont plutôt porté au cours des dernières années sur la modernisation du réseau existant que sur son extension à de nouveaux point de vente».

LE PATRONAT POUR LA SUPPRESSION DES AGREMENTS

Si le statu quo semble aujourd'hui satisfaire les pouvoirs publics, ce sentiment est loin d'être partagé par la plupart des opérateurs économiques. Au cours des dernières semaines, c'est le patronat qui est monté au créneau. Le récent séminaire organisé par le FCE propose parmi les mesures prioritaires formulées par les patrons algériens d'«ouvrir de manière effective aux investisseurs privés nationaux l'ensemble des secteurs d'activité économique qui leur sont aujourd'hui, dans les faits, fermés». Parmi les secteurs concernés figurent ceux des «banques et assurances». Un peu plus loin dans les 50 propositions du FCE, l'organisation patronale dirigée par M. Réda Hamiani réclame la suppression pure et simple de l'agrément préalable de la Banque d'Algérie pour l'ouverture des agences bancaires «de sorte à impulser le développement du réseau bancaire national et à se rapprocher des normes régionales en la matière, soit une (1) agence bancaire en moyenne pour 10.000 habitants (contre 28.000 actuellement). Le FCE propose également «dans le même sillage de développer les réseaux de banques algériennes à l'étranger pour permettre de collecter les ressources financières détenues notamment par l'émigration nationale dans un certain nombre de pays partenaires».