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1000 notaires en plus?  sans réduire les délais de transaction

par Mohamed Moutrif

Dans les annales de la profession de notaire, 2007 est particulière : 1000 nouvelles études ouvrent, presque autant que celles qui étaient déjà en activité. Une entrée «en masse» qui a coïncidé par des mesures du gouvernement entrainant une perte de domaines d'activité importants : délivrance des titres de propriété par voie d'enquête foncière et les hypothèques. Cet afflux a été sans incidence sur la réduction des délais de transactions.

Les autorités avaient estimé que les notaires en activité, issus des anciennes promotions (1989, 1991, 1993, 1996 et 1999), étaient débordés et n'arrivaient pas à prendre en charge un volume de travail croissant qui se traduisait par des délais d'attente importants pour le citoyen. Ce dernier était astreint à atteindre plusieurs jours ou semaine et, en raison de la concentration de l'activité au nord, à en faire des kilomètres. Du coup, en 2006, le ministre de la justice en poste Tayeb Belaïz a décidé de mettre sur le marché un millier de nouveaux notaires via un concours de recrutement qui restera dans les annales. L'examen s'était en effet déroulé dans des conditions controversée qui ont fait couler beaucoup d'encre. Jusque-là, les licenciés en droit prétendant à entrer dans la profession devaient justifier de cinq ans d'expérience dans un office notarial ou de sept ans d'une expérience de sept ans au sein des directions des Domaines, de la Conservation foncière, de la Direction des Impôts (service Enregistrement) ou de dix ans dans la Fonction publique de manière générale.

UNE FORMATION INSUFFISANTE

Ces conditions ont été supprimées pour l'examen de 2006, le ministère de la Justice considérant que 9 mois de stages auprès d'anciens notaires étaient suffisants pour parfaire la formation notaires-stagiaires. De nombreux notaires «anciens» affichent ouvertement leur scepticisme. «En neuf mois, ils ne peuvent même pas achever leur initiation» affirme l'un deux. Le paradoxe est que deux ans plus tard, la loi n°08/242 du 3 août 2008 fixant les conditions d'accès, d'exercice et de discipline de la profession de notaire et les règles de son organisation, exige que les candidats reçus au concours suivent une formation spécialisée de deux ans pour obtenir le certificat d'aptitude professionnelle du notariat. Les rédacteurs du texte de loi exprimaient ainsi clairement l'idée qu'une formation de 9 mois était insuffisante. Certes, le ministère de la justice avait envisagé, à l'exemple de ce qui se fait en France, la création d'une Ecole supérieure du notariat. Mais dans les faits, il a choisi de mettre 1000 nouveaux notaires inexpérimentés sur le marché, la création de l'école, qui aurait pu se charger et de la formation des stagiaires et du recyclage des anciens notaires, étant remise à plus tard. Une année après l'arrivée en masse de ces notaires, le constat était déjà établi d'une désaffection à l'égard des «nouveaux». Les clients, échaudés par l'inexpérience de ces derniers, sont revenus vers les anciennes études notariales, quitte à passer plus de temps. L'essentiel de l'activité des nouveaux notaires consiste en l'établissement de procurations, de baux et des frédha simples.

PERTE D'ACTIVITE ET BUREAUCRATISATION

Paradoxalement, au moment où il mettait plus de notaires sur le marché, l'Etat a décidé de les déposséder de la délivrance des titres de propriété par voie d'enquête foncière. Les banques feront de même avec les hypothèques. La nouvelle procédure de constatation du droit de propriété immobilière et de délivrance de titres de propriété par voie d'enquête foncière frappe en effet de plein fouet l'activité notariale. Outre les prescriptions acquisitives qui représentaient plus de 50% du volume de travail, les notaires ont été affecté par la possibilité donnée aux banques de délivrer des hypothèques à leur client sans passer par eux. Ce qui représentait 20% de l'activité. Cette réduction du champ des activités notariales a affecté durement les études notariales n'ayant pas de grande notoriété et ne disposant pas d'un carnet d'adresses fourni. Le pire, selon les notaires, que cela a pour incidence de créer un encombrement au niveau des conservations foncières qui sont dépassées. «On accuse un sérieux retard pour faire publier nos actes. Sans oublier les mises à jour à faire conséquemment aux transactions qui se déroulent quotidiennement entre d'un côté la Conservation foncière et le cadastre», dénonce un notaire. «On décide du jour au lendemain de transférer le travail qu'effectue un notaire et dont c'est la vocation - établir des actes de propriété - pour être confié aux services de la conservation foncière. Sincèrement, j'ai du mal à comprendre. Il y a quelque chose qui m'échappe», souligne dépité un notaire de Béjaïa, anciennement cadre à la direction des Domaines. Selon notre interlocuteur, dans la Wilaya de Béjaïa, à peine six actes ont été délivrés depuis 2008. «Avouez que c'est exagéré. Non seulement, on enlève du travail aux notaires mais en même temps on prive les gens de l'accès à la propriété.» Bref, la plupart des notaires ne comprennent qu'on confie cette tache à la conservation foncière alors qu'on sait «qu'on tombera forcément dans les travers de la bureaucratie et donc de la corruption. Il aurait fallu laisser ce travail au notaire et le faire contrôler au préalable par un contrôleur foncier.» L'effet des nouvelles procédures est de priver nombre de gens d'établir des actes pour leur terrain après les partages à l'amiable entre héritiers. Avec les nouvelles procédures, il faut en effet attendre des années avant de se faire délivrer l'acte de propriété? Entretemps, les choses évoluent. Un membre de la famille peut décéder et avoir un mineur pour héritier. On prive en même temps des entreprises de la possibilité d'acquérir des terrains en l'absence de titres de propriété...