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SOUHAITS IMPERIAUX

par M. Saadoune

Il n'y a eu aucun imprévu dans la tournée maghrébine de Mme Hillary Clinton. Pas même cette rencontre avec la «société civile» qui semble perturber, après coup, le ministre de l'Intérieur algérien. Il n'hésite pas en effet à parler «d'ingérence étrangère» au sujet des invités algériens de l'ambassade US. Il aurait mieux valu continuer à faire le «dos rond» comme cela s'est fait jusque-là. Et surtout, il est inutile de mettre en garde les personnes invitées par l'ambassade, leur dénier la qualité de membres de la «société civile» ou les prévenir, un tantinet menaçant, qu'elles devront assumer leurs responsabilités. On est dans le puéril. La visite de Mme Clinton étant placée ouvertement et officiellement sur des thèmes «intérieurs», cette mise en cause de l'ingérence est surréaliste.

L'ambassade US n'a pas avisé les autorités algériennes de ces rencontres ? Parions que les Affaires étrangères algériennes, dont le porte-parole n'a perçu aucune ingérence, savaient peut-être que Mme Clinton allait rencontrer des Algériens pas très connus? et que cette fausse polémique est en train de rendre célèbres. En réalité, la chef de la diplomatie américaine est venue en Algérie pour adresser quelques petits messages classiques et clairs.

Pour être édifié, il suffit d'aller sur le site du département d'Etat et lire le compte-rendu du briefing à la presse fait par un responsable du State Département dans l'avion qui menait Mme Clinton. Les Etats-Unis, ce n'est pas une découverte, sont pour le secteur privé. Et, c'est du classique, ils tissent des liens avec la «société civile». Dans le contexte algérien où l'espace public est hypercontrôlé, cela signifie de manière élastique des personnes «non officielles». Et, à moins d'une loi non écrite, rien au plan légal n'interdit à des Algériens connus ou non de se rendre à une invitation d'une ambassade. Le reste est question d'appréciation subjective.

Et au-delà de ces messages doctrinaux classiques, de ce fameux «tabouret à trois pieds» et de la vision qu'elle a de l'Algérie pour les cinquante prochaines années, Mme Clinton est venue porteuse d'un souhait «pressant», celui de l'ouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc. Focaliser sur les invités de l'ambassade des Etats-Unis ne peut le faire oublier. «Je souhaite que le Maroc et l'Algérie procèdent à la réouverture de leurs frontières terrestres et à la promotion de la coopération économique. Les deux pays doivent coopérer dans le domaine sécuritaire du fait qu'ils font face aux mêmes menaces qui proviennent du Sud ». La messe est dite. Les souhaits américains vont devenir de plus en plus forts.

Et le plus affligeant est que des Algériens qui ne «vont pas dans les ambassades» (apparemment, c'est d'une grande importance, une sorte de brevet de nationalisme) disent depuis longtemps que cette frontière fermée n'a plus aucun sens. Et que si elle a servi à un moment de moyen et de message de riposte à une accusation fallacieuse des autorités marocaines, elle a trop duré. Elle n'a aucune incidence sur les trafics frontaliers, thème souvent invoqué de manière alarmiste pour maintenir le statu quo.

Il y avait beaucoup de raisons pour rouvrir cette frontière puisque, officiellement, la question du Sahara Occidental relève des Nations unies. On pouvait se passer de cette «ingérence» de Mme Hillary Clinton en procédant à cette réouverture, par nous-mêmes, sans attendre ses impériaux souhaits...