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Mandat d'arrêt contre Kadhafi : L'Union africaine tourne le dos à la CPI

par Salem Ferdi

«Ocampo it's a joke». Ocampo est une blague ! Le président de la Commission de l'Union africaine, Jean Ping, a exprimé très clairement ce que de très nombreux pays africains, y compris ceux qui ont signé le traité sur la Cour pénale internationale, pensent du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo.

Un homme qui a une charge très importante en terme de droit mais qui en abuse en faisant de la politique. La remarque de M. Jean Ping est intervenue à la suite de la décision du sommet de l'Union africaine, réuni à Malabo, de ne pas exécuter le mandat international lancé par la Cour pénale internationale contre le colonel Mouammar Kadhafi, son fils Seif Al Islam et le chef des services de renseignements libyens Abdallah Al-Senoussi. Dans sa résolution, l'Union africaine a décidé que les «Etats membres ne coopéreront pas à l'exécution du mandat d'arrêt » et demande au Conseil de sécurité de mettre «en œuvre les dispositions en vue d'annuler le processus de la CPI sur la Libye ». L'UA se dit «préoccupée par la manière dont le procureur de la Cour pénale internationale gère la situation en Libye, affaire déférée auprès de la CPI par le Conseil de sécurité des Nations unies ». La réaction des Etats de l'UA y compris ceux qui reconnaissent la CPI exprime un agacement très clair sur la manière dont M. Ocampo met la CPI au service de l'agenda des Occidentaux. Le colonel Kadhafi n'est bien entendu pas un ange innocent et il est effectivement responsable des exactions et massacres qui ont eu lieu dans son pays. Mais lancer un mandat d'arrêt international contre lui alors que l'Union africaine multiplie les efforts pour essayer de le convaincre d'accepter une solution dans laquelle il ne ferait pas partie, est très clairement une entreprise destinée à empêcher toute solution.

Un procureur politique prêt aux mensonges

De ce point de vue, le procureur de la CPI agit en supplétif de l'Otan et de l'entreprise guerrière des Occidentaux. L'Union africaine note clairement que le «mandat d'arrêt (...) complique sérieusement les efforts visant à trouver une solution politique négociée à la crise en Libye et à traiter les questions d'impunité et de réconciliation de manière à prendre en compte l'intérêt mutuel des parties concernées». Elle n'est pas loin de penser que M. Ocampo, en collaboration avec les Etats occidentaux, cherche effectivement à rendre impossible une solution. Il y a une prise en otage politique de la justice internationale par un procureur dont l'intérêt pour la justice est à géométrie très variable. Le procureur Luis Moreno-Ocampo a même accepté de relayer des informations totalement fantaisistes selon lesquelles Kadhafi utilisait l'arme du viol.

L'accusation lancée de Benghazi où l'on fait normalement de la propagande est devenue une affirmation dans la bouche de M. Ocampo qui a indiqué disposer «d'informations pouvant attester que le pouvoir libyen aurait fait distribuer aux soldats des stimulants sexuels de type Viagra». Une affirmation mensongère. Les organisations internationales sérieuses comme Human Rights Watch, ou Amnesty International n'ont constaté rien de tel. Mieux, le chef de la commission d'enquête de l'Onu, Mahmoud Cherif Bassiouni, a rejeté ces accusations en relevant que les récits relatifs aux viols et au Viagra étaient le fait des gens de Benghazi «dans un contexte d'hystérie collective». M. Ocampo a cessé, après cette mise au point, de parler de «l'arme du viol» mais l'incident est révélateur de sa manière de fonctionner. En politique, en propagandiste et non en homme de justice.

Dire le droit au lieu de faire de la politique

De fait, M. Ocampo discrédite la justice internationale. Que M. Ping parle de lui comme d'une «blague» et la CPI serait sans doute beaucoup plus crédible sans lui. «Nous sommes contre l'impunité. Nous sommes pour la lutte contre l'impunité. 31 pays africains font partie de la Cour pénale internationale mais nous sommes contre la manière dont elle fonctionne », a-t-il noté. Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo « ne condamne que des Africains, il ne juge que des Africains. En Afghanistan, au Pakistan, à Gaza, en Tchétchénie... Au Sri Lanka. Il n'y a qu'en Afrique qu'il y a des problèmes ? C'est la question qu'on se pose? Il existe trois tribunaux internationaux (Yougoslavie, Rwanda...) Vous les voyez (les magistrats) à la télé comme Ocampo. Vous les voyez en train de parader. On lui dit de lire le droit, pas de faire la politique. Comme l'a dit un dirigeant: +Ocampo, it's a joke+ (Ocampo c'est une blague)».