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«Je veux vous parler de votre fils perdu à Guantanamo»: La lettre d'une avocate américaine aux Algériens

par M. Saadoune

Elle s'adresse au «grand peuple d'Algérie» auquel elle formule ses meilleurs vœux, avant de lui parler de «son fils perdu à Guantanamo, Saeed Bakhouch» (dans la transcription à l'algérienne, cela doit être Saïd Bakhouche).

Elle, c'est H. Candace Gorman, et elle  parle de son client Saïd Bakhouche, emprisonné à Guantanamo et qui aurait pu sortir de là si les autorités algériennes acceptaient de donner une information basique : la date de délivrance de son passeport.

Dans une lettre envoyée le 9 juin dernier, l'avocate nous parle de Saïd, un jeune homme qui a quitté son pays en quête «d'opportunités» qu'il n'a pas trouvées chez lui et qui finalement a accepté d'aller se former dans une école du mouvement Tabligh au Pakistan, où les gens étaient préparés à faire du prosélytisme religieux. Le voyage au Pakistan a eu lieu à un bien mauvais moment : en 2001, au moment où des terroristes ont attaqué les tours jumelles à New York. Mon gouvernement, explique l'avocate, était légitimement en colère. Mais dans sa quête des responsables, il a décidé «d'appréhender les Arabes sans distinction». Le régime pakistanais, sous la direction de Pervez Musharraf, s'est fait une spécialité de vendre les Arabes aux Américains et cela rapportait. Pour Saïd, les choses tournent mal. Deux semaines seulement après son arrivée à l'école, celle-ci fait l'objet d'une descente de police : Arabes arrêtés et livrés aux Américains, non Arabes élargis.

Complication supplémentaire : les Américains suspectaient l'un des pensionnaires arabes d'être Abou Zoubeyda, un des chefs d'Al-Qaïda. A tort. L'homme qu'ils ont arrêté et à qui ils ont fait subir pendant deux ans des «tortures terrifiantes» n'était pas Abou Zoubeyda. Et Saïd, qui ne connaissait personne, s'est retrouvé catalogué membre d'Al-Qaïda car «mon gouvernement a pensé qu'une personne vivant dans la même pension qu'Abou Zoubeyda doit également être membre d'Al-Qaïda».

L'avocate a entrepris de démontrer que son client n'était «ni un terroriste ni un sympathisant». Elle a demandé l'aide des autorités algériennes pour obtenir une information simple: la date à laquelle Saïd a obtenu son passeport. Connaître cette date était important pour l'avocate. Elle croyait que c'était une «obligation» de la part d'un «gouvernement responsable» d'aider ses citoyens dans des conditions semblables.

La «terrible vérité»

Après des appels ignorés par l'ambassade algérienne aux Etats-Unis, elle a fini par rencontrer un officiel et lui expliquer ce qu'elle voulait. L'officiel lui conseille de faire une demande écrite, ce que l'avocate a fait. Sans suite. Nouveaux appels téléphoniques ignorés. Finalement, elle a envoyé un email à l'officiel pour lui expliquer combien l'information était importante pour son client. «Quand j'ai reçu la réponse, j'ai compris la terrible vérité : le gouvernement algérien ne fera rien pour aider son citoyen détenu à Guantanamo. Pas même en répondant à cette simple requête».

Et au moment où elle a compris que le gouvernement algérien ne fournirait pas les informations sur la date de délivrance du passeport, le gouvernement des Etats-Unis a, une fois de plus, modifié les raisons pour lesquelles il détenait Saïd. Pour la première fois, durant l'été 2010, les Etats-Unis accusent Saïd d'être une «figure» d'Al-Qaïda depuis le milieu des années 90 sous le nom de Usama Al-Jazaïri. L'avocate a pu démontrer que celui qui utilise le surnom de Usama Al-Jazaïri ne pouvait être son client mais elle n'est toujours pas en mesure «de démontrer quelque chose de plus important au juge : que Saïd ne pouvait se trouver en Afghanistan dans le milieu des années 90 car il se trouvait en Algérie». Elle ne peut le faire car le «propre gouvernement de Saïd refuse de lui apporter une assistance basique pour le prouver».