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Les quotas institutionnels de l'au-delà

par Moncef Wafi

Qui a droit au pèlerinage ? Le point d'interrogation nous vient directement de Sidi Bel-Abbès d'un ami qui s'est tourné un beau matin vers La Mecque en se demandant qui avait la primeur d'un laissez-passer pour le paradis terrestre. Suivent quelques éléments de réponse. Pas Ben Laden puisqu'il a été américanisé. Non plus Moubarak, père et fils, ils sont en prison. Ni Ben Ali, il est sur un lit d'hôpital, agonisant en espérant que la coiffeuse se rappellera de son existence. Encore moins Kadhafi, il attend une bombe de l'OTAN; Amr Moussa, il veut devenir le prochain pharaon; Salah du Yémen, il tire toujours sur son peuple sous un parapluie américain, loin de la rancœur raciste du demi-Napoléon. Les émirs enturbannés n'iront pas non plus au Paradis, ils tirent toujours l'outarde et les blondes platinées.

 L'accès est également interdit à tous les présidents de la terre pour l'ensemble de leurs œuvres. Les trois quarts des Arabes sont exclus d'office, le reste du monde est sur la liste d'attente. En Algérie, ceux qui prétendent à un passeport spécial sont, par contre, nombreux. Les citoyens originaires de l'Algérie d'en bas qui ont grimpé jusqu'aux hauteurs d'Alger à dos de patronymes au passé douteux, au présent doré et à l'avenir sur écoute.

 Sur les barreaux de l'échelle sociale, ceux qui prétendent au Paradis ont des bureaux chics avec des secrétaires chocs, des comptes en banque à l'étranger et des nationalités de rechange. Leurs enfants ne vont pas à l'école de Benbouzid, ne se font pas tabasser par les policiers de la République, en empruntant la route d'El-Mouradia, ne marchent pas à pied et ne vivent pas sous le ciel bleu de l'Indépendance confisquée. Ils passent à la télévision mais jamais par les droits chemins, s'achètent des virginités politiques et des casiers judiciaires neufs. Ils condamnent, fustigent et dénoncent la corruption au Bangladesh. Ils applaudissent, se lèvent de leurs sièges pour mieux prendre leurs aises. Font semblant d'oeuvrer pour la prospérité du pays et s'inquiètent de leurs pourcentages dans les affaires. Parlent pour ne rien dire et se taisent pour ne pas écouter le peuple.

 Pour les prétendants au sésame divin, on rencontre aussi sur le chemin de l'ascension, ceux qui rampent, qui trahissent les idéaux et tirent dans le dos. Il y a également ceux qui montent dans un ascenseur, ceux-là sont nés ailleurs, ont grandi dans les étoiles et sont devenus actionnaires majoritaires de l'entreprise Algérie. Il y a ceux qui ont un peu de foi et mâchent beaucoup de foie en regardant, par les fenêtres du Palais, le peuple assiéger leur porte. Il y a ceux qui veulent acheter un droit de passage, une bonne conduite et un billet d'accès sur le dos des fiches de paie des autres. Enfin, il y a ceux qui attendent tout simplement la chance d'être tirés au tirage en priant qu'aucune main ne vienne sortir le nom d'un fils de ou d'un cousin de l'autre. L'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions ?