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Ben Laden, la fin d'un mythe mais pas de la menace terroriste

par Kharroubi Habib

L'annonce confirmée par les plus hautes sources à Washington de la mort d'Oussama Ben Laden, abattu dans la nuit de dimanche à lundi par un commando des forces spéciales américaines au Pakistan, a donné lieu à des démonstrations de liesse en Amérique et provoqué des réactions de satisfaction internationales.

 Il aura fallu dix ans de traque aux Etats-Unis, épaulés par leurs alliés, pour venir à bout de celui qui était leur ennemi public n°1 pour leur avoir infligé la plus grande humiliation qu'ils ont subie avec les attentats du 11 septembre, dont il a revendiqué la paternité. Dix ans pendant lesquels Ben Laden s'est acquis une sinistre réputation à la tête d'Al-Qaïda qui fut derrière les spectaculaires et sanglantes opérations terroristes ayant endeuillé de nombreux pays de la planète.

 Que son élimination réjouisse les Américains n'est pas pour choquer, mais qu'elle leur fasse croire que c'en est fini du terrorisme international dont il a été la figure emblématique, c'est là une conclusion dont ils doivent se garder. Sa mort est incontestablement un coup dur pour la nébuleuse qu'il représentait, mais elle n'entraînera pas son extinction et l'arrêt du terrorisme «djihadiste». Celui-ci n'est pas l'œuvre du seul Ben Laden, même s'il en a été l'incarnation charismatique.

 Al-Qaïda survivra à son fondateur tant qu'il se trouvera dans le monde musulman des personnes convaincues que leur religion et leurs nations sont confrontées à «une croisade» menée contre elles par l'Amérique et l'Occident, relayés par des gouvernants nationaux à leurs ordres.

 Hélas, l'Amérique et l'Occident font tout pour accréditer cette vision. L'islamophobie s'exprime sans retenue en ces contrées et marque de son empreinte les rapports que celles-ci ont avec le monde arabe et musulman. Tant que cela sera le cas, Al-Qaïda ne manquera pas de recruter pour soi-disant combattre au nom de la sauvegarde de l'Islam et de ses principes.

 A l'Amérique et l'Occident de comprendre que pour que cesse ce terrorisme «djihadiste», il leur faut changer de vision sur l'Islam et les musulmans. Qu'ils cessent de faire l'amalgame entre cette religion et le terrorisme et établissent des rapports de respect et de confiance avec ceux qui se réclament de l'Islam.

 Le Printemps arabe démontre que les musulmans, dans leur immense majorité, ne sont pas des extrémistes voués à détruire la civilisation occidentale et ses valeurs. Ils revendiquent néanmoins le droit de vivre leur croyance, qui n'est pas antagonique avec la démocratie et le respect des droits et libertés individuels. Que l'Occident accompagne et aide sincèrement les peuples musulmans à réaliser cette aspiration. Ce serait de sa part une contribution décisive à la mise en échec des tentations extrémistes qui s'expriment dans le monde musulman.

 Le Printemps arabe a démystifié la thèse du conflit des civilisations chère aux extrémistes des deux bords. Ben Laden a quitté ce monde en sachant que les peuples au nom desquels il agissait prétendument rejettent et sa théorie et la forme de combat qu'il a choisi pour la faire valoir.

 Le pire des scénarios dont les successeurs de Ben Laden trouveraient matière à légitimer la poursuite de leurs criminels desseins serait que sous prétexte de leurs intérêts géopolitiques et économiques, les Occidentaux participent à dévoyer ce Printemps arabe en accordant leurs onction et aide à ceux qui veulent le vider de l'aspiration démocratique et libertaire qui en a été le moteur.