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Ces «infidèles sujets» qui défient le Roi

par Kharroubi Habib

Dans son discours prononcé à l'occasion du 35e anniversaire de la «marche verte», le souverain marocain a versé un larme de crocodile sur le sort de «ses fidèles sujets» réfugiés à Tindouf, «que l'Algérie réprimerait en violation flagrante des principes les plus élémentaires du droit international humanitaire» et promis que le Royaume ne ménagera aucun effort pour qu'ils puissent exercer leurs droits fondamentaux, notamment le droit à la liberté d'expression, de mouvement et de retour à leur mère patrie.

Quelques jours seulement après ce discours, les Sahraouis ont eu à apprécier la nature de la «sollicitude royale» à leur égard. Mohammed VI l'a exprimée en lâchant contre ceux d'entre eux restés en territoire occupé sa soldatesque, ses forces de police et leurs supplétifs, les colons implantés en masse au Sahara Occidental. Ces Sahraouis, réprimés avec une violence ayant offusqué et indigné le monde, n'ont fait pourtant que revendiquer ce que le souverain du Maroc a dit vouloir obtenir pour «ses fidèles sujets réfugiés à Tindouf».

Autant le roi a fait dans l'apitoiement sur le sort des réfugiés à Tindouf, autant il a été impitoyable à l'égard de leurs compatriotes restés au pays de leurs aïeux, coupables à ses yeux de ne pas admettre «l'honneur de la marocanité» à laquelle le Makhzen veut les soumettre.

A qui le roi et sa propagande arriveront-ils à faire croire que les réfugiés de Tindouf sont de «fidèles sujets du Trône ?». Eux qui ont pris le parti de fuir leur patrie pour échapper aux massacres et à la répression que leurs tribus ont subis dans le prolongement de l'occupation par le Maroc de leur territoire national. Même ceux parmi les notables sahraouis qui ont succombé à la tentation de l'allégeance au Trône conviennent désormais que leurs compatriotes réfugiés à Tindouf ou restés au pays n'acceptent pas et n'accepteront jamais le fait de plier sous le joug marocain.

La répression déchaînée qui s'est abattue sur la population d'El-Ayoun et d'autres villes du Sahara Occidental est la preuve que le roi ne se fait aucune illusion sur le sentiment que les Sahraouis nourrissent à l'égard de son Trône et du Royaume. Leur intifada pacifique a totalement discrédité au plan international le discours de la monarchie présentant les Sahraouis en fidèles sujets ayant rejeté l'alternative indépendantiste défendue par le Polisario. Ceux parmi ces Sahraouis qui ont bravé en territoire occupé l'appareil répressif du Makhzen ne l'ont pas fait forcés et contraints par ce Polisario. C'est en toute conscience et animés par le seul courage puisé dans leur conviction patriotique qu'ils ont agi. Mohammed VI et le Makhzen le savent parfaitement, d'où le «black-out» qu'ils imposent sur ce qui se passe au Sahara Occidental.

Peine perdue pour eux pourtant : les Sahraouis ont remporté la victoire de la communication et ont réussi à faire prendre conscience aux opinions internationales que sous les oripeaux d'une fausse démocratie, la monarchie marocaine se perpétue et agit en régime violent et inaccessible au principe du droit et de la liberté des peuples. Qu'elle ne survit que par les soutiens que quelques puissances étrangères lui apportent en contrepartie de leur mise en coupe réglée des ressources du Royaume et du Sahara Occidental occupé.

Une considération qu'ont refusé de prendre en compte les parlementaires européens et qui ont voté à l'unanimité jeudi une résolution condamnant sans appel le comportement des Marocains au Sahara Occidental.

Dans l'enceinte du Parlement européen, la protection française du Trône alaouite n'a été d'aucune utilité. A force d'avoir cru qu'il peut tout se permettre, le Maroc est complètement désarçonné par le vote de ce Parlement et risque de se laisser aller à de dangereuses initiatives.