Que s'est-il passé ? Rien. On n'a pas pu revenir vers 1982 même en y allant avec des avions et des aides de l'Etat et d'El Jazeera. Ni en peuple, ni en équipe. On ne peut pas rajeunir Saâdane avec un gros budget de peinture, ni relancer le pays autour de la terre avec un seul ballon dans une seule main. Concrètement, la bonne question est : qu'est-ce qu'il y a de différent entre 1982 et 2010 ? D'abord l'âge de l'entraîneur. A l'époque, Saâdane était jeune, le pays était jeune, l'Algérie était jeune. Le muscle était vif, l'œil mangeait l'horizon comme une bouche et nous avions quelque chose à prouver et pas à fuir : notre nationalité. Ensuite, nous étions 20 millions et pas trente-six. Tout le monde était vivant avant le terrorisme, les barrages étaient vrais ou seulement emplis d'eau, Boumediene n'était pas encore définitivement mort et donc les policiers étaient craints et respectés et pas contournés. Mais cela n'explique pas encore la différence.

 Pourquoi en 82 on a battu l'Allemagne en donnant à manger à nos joueurs seulement deux fromages et une flûte de pain et qu'on s'est fait battre hier en Afrique du Sud alors qu'on a offert à l'équipe des avions et des costumes ? Pourquoi bien nourris on se fait battre et gringalets vivaces on a fait s'agenouiller le géant blond ? Pas à cause de l'alimentation donc. Que reste-t-il à trouver pour expliquer ? L'archéologie de l'émotion : à l'époque la clémentine existait encore et le peuple croyait encore que l'Etat ce n'est pas uniquement un maquis urbain mais un fabricant de villes et d'avenir. L'Etat tenait debout par sa force et pas par le pipe-line et le ministère des bus et des budgets de donations alimentaires. Mais tout cela est une dérive de chroniqueur assis sur le crâne de sa nation, regardant passer les chamelles rétives de la gloire d'autrui.

 Le mieux pour nous aujourd'hui c'est donc de revenir chacun vers son pays portatif avec le moins de dégâts possibles. La Coupe du monde est presque finie pour nous sauf si Hamza d'Errissala vient jouer avec nous, lui et son cheval en même temps. L'autre solution est de faire rejouer l'équipe 82 malgré ses rides, ses genoux et son âge. On obtiendra au moins un nul honorable et nous reviendrons chez nous le nez réparable par quelques années d'auto-analyse. Il y a 4000 Algériens qui ont changé de coiffure en Afrique du Sud. Il faut vite les rapatrier pour les réintégrer dans le circuit du vieillissement national collectif.