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Un sit-in devant le siège de la télévision, empêché

par Ghania Oukazi

Des camions anti-émeutes, de nombreux policiers de la brigade d'intervention sans compter les agents de l'ordre public ainsi que le personnel de la sécurité du siège de la télévision nationale et de la radio ont pris position, hier tôt le matin, au niveau du boulevard des Martyrs.

 Drôle de célébration que le pouvoir politique a choisie de réserver, hier, à la presse à l'occasion de la journée de la consécration de sa liberté. Il a suffi de quelques lignes sur Internet pour que les gouvernants s'affolent et érigent (encore une fois) l'Etat policier en remparts. Pour cette fois, il n'était pas question d'empêcher une grève ou une émeute, de se déclencher mais seulement pour dissuader des journalistes d'organiser un sit-in devant la siège de la Télévision nationale, sise au boulevard des Martyrs, en plein centre de la capitale. Lancée hier par voie électronique par un groupe de journalistes, l'idée de ce sit-in n'a même pas eu le temps de mûrir que la levée de boucliers a été exécutée. Les journalistes avaient prévu de donner un seul mot d'ordre à leur rassemblement à savoir «Libérez la télévision!»

 Tôt le matin, hier en ce 3 mai, journée internationale de la liberté de la presse, le quartier en question s'est réveillé, en effet, sur une réalité que le pouvoir politique a toujours tenté de camoufler en usant de subterfuges saugrenus. Pour cette année, ses représentants ont mis en avant la révision du code de l'information qu'ils promettent de finaliser très prochainement. Mais rien n'indique que les gouvernants procéderont à l'allégement de l'arsenal répressif qui pèse sur la tête des journalistes. On en veut pour preuve, aux nombreux appels en faveur de la dépénalisation de l'acte de presse, le ministère de l'Intérieur a répondu, hier, par une mise en place d'un dispositif sécuritaire impressionnant. Pourtant, ses responsables savent pertinemment qu'un sit-in de journalistes ne pourra jamais être une démonstration de force physique. Les professionnels de la presse voulaient juste réclamer un droit consacré par les lois de la République mais que le pouvoir politique bafoue sans aucun scrupule. L'ouverture du champ audiovisuel est, en effet, consacrée par des textes de lois depuis plus d'une vingtaine d'années.

 A la vue du dispositif sécuritaire qui a été déployé, hier au niveau des sièges de la télévision et de la radio publique, les citoyens voulaient comprendre le pourquoi du comment de la chose. Nombreux d'entre eux, y compris les journalistes des deux institutions audio visuelles avaient tenté de trouver une relation de cause à effet entre la présence des brigades anti-émeutes et le renvoi des journalistes cachetiers par une des radios publiques. Mais il semble que le «bouche à oreille» avait bien fonctionné puisque dès 10h du matin, la nouvelle de la tentative d'organiser un sit-in de la presse, s'était vite propagée. En fait, il n'y a eu même pas de tentative de le tenir mais juste une annonce qui vite a été étouffée dans l'air. Un premier petit groupe de journalistes s'était formé en haut de l'hôtel El Djazaïr. Mais il a vite désenchanté. Personne n'a osé s'aventurer et pénétrer le boulevard des Martyrs. «La liberté de la presse ne doit pas être un vain mot, elle doit être conforme à la réalité», disait dimanche, le secrétaire général du FLN, ministre d'Etat et représentant personnel du président de la République. La réalité, les journalistes la connaissent pour la vivre, chaque fois qu'il s'agit pour elle de réclamer ses droits. Le pouvoir politique, lui, a, encore une fois, confirmé sa ferme volonté de ne pas lui accorder la liberté dont ils ont besoin pour s'épanouir et devenir de vrais professionnels. Il la leur a refusée même à titre provisoire puisqu'il a décidé de leur confisquer la parole et le geste, le jour même où le monde entier célèbre l'indépendance et la souveraineté de la liberté de la presse.