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A propos de la crise politique et diplomatique entre l'Algérie et l'Egypte

par Mohammed Si Ali *

Suite et fin

Aussi, faut-il ajouter qu'avec une inflation de 18% en 2008, 8,7% de chômeurs et surtout 11% de la population vivant sous le seuil de la pauvreté(4), le pays vit dans un marasme économique et social alarmant ! Par conséquent, une colère sourde mais profonde gronde au fond de la marmite de l'Egypte, depuis assez longtemps d'ailleurs.

 Il faut ajouter que le mécontentement populaire est exacerbé par la politique extérieure pro-sioniste du pouvoir en place, car ce dernier agit comme vassal et sous-traitant des Américains et des Israéliens dans la crise du Proche-Orient.

 Ceci, depuis la signature du traité de paix israélo-égyptien, un traité séparé avec Israël, en 1979. A titre d'exemple, récemment, la construction du mur souterrain en acier le long de la frontière Egypte-Gaza est en chantier. La conception, le financement et la réalisation sont assurés par les maîtres d'oeuvre.

 Nous vous donnons le soin de les identifier ! D'autant plus que ces types de mur ont été déjà réalisés en Palestine et aux Etats-Unis, le long du fleuve Rio Grande.

 Depuis plus de 28 ans que règne le clan Moubarak sur l'Egypte. La passation du pouvoir du père au fils devrait s'effectuer à travers les «élections présidentielles» prochainement. La nomenclature et la classe politique au pouvoir sont en train de monter le scénario le plus favorable à même d'introniser Moubarak junior, et par suite assurer la pérennité dynastique dont profiteront la famille régnante Moubarak et la composante humaine privilégiée du système.

 Le «génie» des dictatures actuelles dans les pays du tiers-monde est de pervertir une république en remplaçant celle-ci par une dynastie «républicaine». Il faut le faire !

 C'est dans ce contexte politique, économique et social du pays des pyramides qu'a lieu justement les éliminatoires de la CM et la CAN.

 L'ascension vertigineuse de l'équipe nationale algérienne dans le classement de la phase des éliminatoires des deux coupes jumelées et la victoire historique du fameux match d'appui, le 18 novembre 2009, a perturbé les plans échafaudés par le régime du Caire, qui avaient pour objectif de créer un climat favorable à l'élection prochaine de Moubarak fils. En effet, les frustrations accumulées par la population dues à la mal-vie et les raisons citées plus haut, qui durent depuis des décennies, devaient être masquées ou oubliées par une victoire annoncée en Coupe du monde et en Coupe d'Afrique. Ce qui n'a pas été le cas. Alors, les autorités égyptiennes, en colère contre l'Algérie pour avoir remis en cause leurs plans, ont employé des manoeuvres politiques agressives pour punir ce pays. Ceci nous rappelle sans nul doute les pratiques éculées des républiques bananières du XXe siècle. C'est probablement «L'Automne du patriarche»(5) arabe, cette fois, qui est en cours.

 Des agressions physiques contre des joueurs algériens de football, de leurs supporteurs et d'étudiants résidents, le déchaînement des médias contre l'Algérie, le boycott des manifestations sportives et culturelles où les représentants algériens sont présents en Afrique et au Moyen-Orient. Tout cela a pris des dimensions inimaginables. Nous avons eu droit même à des interventions de religieux d'El Azhar et finalement le rappel de l'ambassadeur égyptien accrédité à Alger.

 Avouez que la coupe est pleine ! Toutes ces gesticulations politiques avaient aussi pour but de détourner l'attention de la population égyptienne frustrée et accablée dans sa vie quotidienne, en accusant l'Algérie de tous les maux. «L'enfer, c'est l'autre», disait Jean-Paul Sartre. C'est quand-même une stratégie éculée et vieille comme le monde.

 A titre informatif, nous vous citons deux opinions américaines sur cet imbroglio égypto-algérien:

 - Le premier article émanant de la chaîne de télévision CNN: «Le problème n'est ni la défaite sportive ni l'Algérie, mais l'expression d'une frustration généralisée contre un régime corrompu qui s'apprête à se régénérer. Cette affaire est révélatrice d'un grand malaise: en Egypte, la stabilité semble factice.»

 - Le second article écrit dans le Washington Post: «Le régime a réussi à canaliser la vague de colère d'un peuple affamé et réprimé en ressuscitant l'amour de la patrie, une patrie spoliée d'une victoire annoncée.»

 Voilà ce que pensent deux médias américains importants, connus de par le monde, de cette crise.

 Par contre, l'Algérie officielle a réagi avec sagesse, pondération et surtout lucidité, pour ne pas envenimer la situation de crise provoquée par les autorités égyptiennes.

 Elle a envoyé des signaux clairs, nets et précis: pour elle, le dossier sportif est clos, la FIFA en est la garante. Il reste le dossier concernant les relations politiques et surtout économiques qui risquent d'être remis en cause. Les grands perdants seraient bien entendu les Egyptiens, car la balance commerciale est favorable à ces derniers. En plus, l'Algérie n'a pas rappelé son ambassadeur par principe de réciprocité.

 Ce qui est une bonne décision. Il faut dire que la classe politique algérienne a une grande et fructueuse expérience en matière de diplomatie. On peut même dire qu'elle est redoutable ! Elle a bien géré cette crise et déjà les retombées positives commencent à poindre à l'horizon. La «poussière» est en train de tomber progressivement.

 Si les autorités égyptiennes reviennent à de meilleurs sentiments ces derniers temps, ce n'est pas pour les beaux yeux des Algériens, mais pour sauvegarder leurs intérêts économiques bien compris en Algérie. De l'autre côté, celle-ci doit savoir à son tour compter ses sous avec tous les pays, y compris les pays dits «frères», comme le font d'ailleurs les autres nations.

 Pour notre part, il n'y a pas une nation arabe, mais des nations arabes qui constituent le monde arabe. Pas plus, pas moins. Car, encore une fois, cette crise, que nous souhaitons résorbée le plus vite possible, a montré les limites des sentiments basées sur des chimères.

 Bonne année 2010 à notre merveilleuse jeunesse.

 Bon vent pour El-Khadra, bon vent pour l'Algérie !

 Nos salutations et meilleurs voeux au peuple soudanais.

* Enseignant Montréal

4- Economie de l'Egypte. Wikipédia. Indicateurs économiques. Internet.

5- Gabriel Garcia Marquez: L'Automne du patriarche. Roman.