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«Mostefa Ben Boulaïd» d'Ahmed Rachedi: Un film, un hommage

par El Kébir A.

La cinémathèque d'Oran a abrité pendant toute une semaine la projection du dernier film d'Ahmed Rachedi: «Mostefa Ben Boulaïd». Ce très long-métrage, d'une durée de deux heures quarante minutes, raconte l'histoire de la célèbre personnalité algérienne, acteur au premier plan de la lutte pour l'indépendance, à savoir Mostefa Ben Boulaïd. Si le film dure presque trois heures, force est de reconnaître que le spectateur ne trouve pas le temps de s'ennuyer ; et là est le tour de force de ce long-métrage qui arrive tout bonnement à captiver l'attention du commun des mortels et de faire en sorte que tout le monde, d'une façon ou d'une autre, soit désireux de suivre le déroulement de l'histoire jusqu'à sa fin.

Très pointilleux sur les événements historiques, le réalisateur tente de reproduire avec justesse les événements importants qui ont marqué la vie de Mostefa Ben Boulaïd et, de facto, la révolution algérienne. Parmi ces scènes, on peut compter celle où, seul à seul avec Messali Hadj, les deux hommes ont clairement montré leur divergence quant à la tenue imminente de la révolution algérienne. «Ce que vous faites, c'est de l'aventurisme, lui dit Messali Hadj, vous vous trompez sur toute la ligne et l'histoire ne vous le pardonnera jamais !» Autre scène marquante, celle du jour où fut créé le Front de libération nationale, Front ne devant servir que pour apporter l'indépendance au peuple algérien.

 Par cette scène, on a l'air de comprendre, en lisant entre les lignes, que Mostefa Ben Boulaïd croyait en une vraie démocratie pour le devenir de son pays. «Qu'importe leur courant politique, dit-il dans cette scène, pourvu que tous rejoignent leur Front, avec un seul mot d'ordre, l'indépendance du pays.» On peut d'ailleurs penser, à voir cette scène, que le réalisateur a d'emblée voulu laver les mains de ce moudjahid et démontrer qu'il n'était en rien responsable des «dérives autoritaires» de quelques-uns de ses camarades, après l'indépendance. On peut aussi relater la scène de sa rencontre, en Tunisie, avec le chef de cabinet du gouverneur d'Alger, Jacques Soustelle, et de sa façon détachée et sereine de mener cette conversation, sans tomber sous le charme «corrupteur» de son interlocuteur.

Mais la scène la plus longue, et peut-être la plus caractéristique du film, est bien sûr celle de son emprisonnement à la prison Koudiat de Constantine, où il fut condamné à mort. En accord avec ses codétenus, qui pour la plupart ont pleinement rejoint la cause de l'indépendance nationale, ils décidèrent, tout simplement, de s'évader du pénitencier. Dans cette scène, la plus longue de tout le film, le comique se mêle au tragique et cela donne un résultat probant. Effectivement, la scène de l'évasion nous fait penser peu ou prou à Steve McQueen dans «la Grande évasion». Et puis, au final, le clou du film, le jour de la mort de Ben Boulaïd, le 22 mars 1956, où il fut victime d'une radio piégée, parachutée par une unité de l'armée française.

Il est à noter que ce film, à gros budget, a été produit par le ministère des Anciens Moudjahidine. Toutefois, bien que le film fût prêt le mois d'avril dernier, jusqu'à ce jour, il n'a pas eu véritablement ce qu'on peut appeler une «sortie nationale» ; ce qui fait que dans une ville comme Oran, à titre d'exemple, hormis cette petite semaine de projection, et la petite semaine du Festival du film arabe, les Oranais n'ont pas eu la possibilité d'aller visionner ce long-métrage. Et là est la défaillance de la distribution et de la production cinématographique dans notre pays: contrairement à un pays comme la France, ou un pays européen de façon plus vague, où on assiste, à la sortie de tel ou tel film, à une sortie nationale, avec trois séances par jour, et ce durant des semaines. On se contente donc de projeter nos chefs-d'oeuvre cinématographiques seulement une fois de temps en temps, ou alors en quelques rares occasions, celles des fêtes nationales, par exemple. En attendant, pour ceux qui ne l'ont pas encore vu, il a été annoncé que sa sortie en DVD est attendue très prochainement !