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Unesco : Le sort de la candidature de Bedjaoui tranché demain

par Ghania Oukazi

Le Conseil exécutif de l'Unesco procédera demain vendredi, par tirage au sort, à l'examen des candidatures à sa direction générale.

«Le Conseil exécutif se réunira en plénière le 11 septembre, c'est-à-dire vendredi prochain, et examinera par tirage au sort les candidatures. C'est à partir de là que je serais fixé et le sort de ma candidature définitivement tranché», nous a déclaré hier Mohammed Bedjaoui, l'ancien ministre algérien des Affaires étrangères, candidat au poste de directeur général de l'Unesco. En effet, Bedjaoui avait fait savoir qu'il était candidat à ce poste dès le mois de mai. En juin dernier, il nous avait affirmé qu'il avait le soutien du royaume du Cambodge. «Il n'y a rien de compliqué ni d'étrange au soutien de ma candidature par un pays étranger (...). Une personne, quelle que soit sa notoriété, doit être parrainée pour une candidature au poste de directeur général de l'Unesco. Elle doit obligatoirement être proposée par un Etat membre (art.58 du règlement intérieur du Conseil exécutif de l'Unesco) », nous avait-il déclaré (Voir Le Quotidien d'Oran du 11 juin 2009). La candidature de Bédjaoui a déclenché, cependant, une grande polémique à différents niveaux politiques, nationaux et étrangers. Il faut dire qu'elle était tombée, pour l'Etat algérien, comme un cheveu dans la soupe puisque le président de la République en personne, avait donné son accord à Moubarak, pour soutenir Farouk Hosni, le candidat égyptien. Le Sultanat d'Oman, le royaume du Maroc, la Libye, et autres le Koweït et le Soudan, avaient tous accordé leur soutien à cette candidature. C'est ce qui est appelé en politique « une candidature de consensus». Celle de Farouk Hosni est en principe considérée à ce jour comme telle, pour le compte du monde arabe dans sa globalité. Jusqu'à l'ouverture de sa 182 session lundi dernier à Paris, l'Unesco affirme toujours avoir recueilli 9 candidatures - celle de Bedjaoui incluse - pour briguer le poste de directeur général de ses instances en remplacement du Japonais Koïchiro Matsura, dont la fin du 2è mandat interviendra en novembre prochain. Mais les choses semblent aller autrement. «Il y a des pressions terribles, invraisemblables sur le Cambodge et sur ma personne», nous a dit hier l'ex-MAE algérien qui semble fatigué de tout ce branle bas de combat autour d'une candidature - la sienne - qu'il précise pourtant l'avoir présentée « au su de mon pays».



« JE NE SUIS PLUS EN MESURE DE MAINTENIR CETTE CANDIDATURE »



Alors, excédé par les fortes pressions qu'il affirme avoir subi et les polémiques inutiles, Mohammed Bedjaoui nous a fait savoir hier qu'il avait déjà décidé de « se retirer de la course» à la fin du mois de juin. Il a eu l'amabilité de nous faire parvenir le courrier qu'il avait adressé à ce sujet, le 29 juin dernier, au président du Conseil exécutif de l'Unesco. « Je remercie en votre personne tous les membres du Conseil exécutif qui ont pris le soin d'étudier ma candidature à la Direction générale de l'Unesco pour un mandat transitionnel de quatre ans et qui ont bien voulu la retenir. Je ne suis malheureusement plus en mesure de maintenir cette candidature», lit-on dans cette lettre. Mais ainsi déclaré par le concerné, le retrait de sa candidature n'a pas été pris en considération par l'instance de l'Unesco. «Le président du Conseil exécutif, Son excellence l'ambassadeur Olabiyi Babalola Joseph Yaï, m'a fait savoir que ce sont les Etats membres qui doivent présenter ou retirer une candidature», nous a précisé hier l'ex-ministre des Affaires étrangères. «Je vous remercie de votre lettre par laquelle vous m'informez que vous n'êtes plus en mesure de maintenir votre candidature au poste de directeur général de l'Unesco. J'en prends bonne note et reste en attente d'une lettre dans ce sens du Gouvernement du Cambodge, l'Etat membre qui a présenté votre candidature », lui a, en effet, répondu le président du Conseil exécutif par une lettre datée du 6 juillet dernier. «Comme ma candidature a été soutenue par le royaume du Cambodge, il faut que l'Etat du Cambodge saisisse le Conseil exécutif pour lui dire expressément qu'il retire sa candidature», explique Bedjaoui. Et c'est ce qui a été fait par voie de courrier. «Sur instruction de mon Gouvernement, j'ai l'honneur de porter à votre connaissance que le Royaume du Cambodge ne soutient pas la candidature de Son Excellence Monsieur Mohamed Bedjaoui au poste de directeur général de l'Unesco», lit-on dans une lettre datée du 21 juillet dernier et signée par Khek Sysoda, l'Ambassadeur délégué permanent du Royaume du Cambodge auprès de l'Unesco.



POLÉMIQUES, ARGUTIES ET PRESSIONS



Mais, encore une fois, il semble que la formule n'est pas d'usage à l'Unesco pour retirer une candidature après l'avoir présentée officiellement. Le président du Conseil exécutif le fait d'ailleurs savoir. «Je voudrais, à ce propos, rappeler que par ma lettre du 28 octobre, je demandais aux Etats membres de présenter des candidatures au poste de directeur général. Par votre lettre en date du 3 décembre 2008, vous me priez de «prendre note que le Royaume du Cambodge propose la candidature de Son Excellence Monsieur Mohammed Bedjaoui pour les élections qui se tiendront au poste de directeur général de l'Unesco », écrit-il dans une lettre datée du 31 août dernier mais reçue par la délégation du Cambodge auprès de l'Unesco le 2 septembre dernier. «Comme vous le savez, continue-t-il d'écrire dans cette même lettre, «le Conseil exécutif n'a pas vocation à considérer les soutiens aux candidatures. Aussi, vous serais-je obligé de me dire, par retour de courrier, au plus tard le 4 septembre 2009 si la formule «le Royaume du Cambodge ne soutient pas la candidature de Son Excellence Monsieur Mohammed Bedjaoui au poste de directeur général de l'Unesco» devrait être légalement interprétée, ou non, comme un retrait officiel de la candidature que votre Etat a présentée ». Une réponse précisée de l'Ambassadeur, délégué permanent du Royaume du Cambodge auprès de l'Unesco, s'est faite par une correspondance adressée le 3 septembre dernier au président du Conseil exécutif. «(...). Par la présente, je voudrais vous confirmer l'ordre du Gouvernement Royal du Cambodge que Monsieur Mohammed Bedjaoui n'est pas le candidat du Royaume du Cambodge pour le poste de directeur général de l'Unesco. Je souhaiterais que ma présente lettre soit officiellement considérée comme la position officielle du Royaume du Cambodge», lit-on dans la lettre signée par l'ambassadeur cambodgien Khek Sysoda.



«C'EST L'EXAMEN DE PASSAGE DES CANDIDATS»



Décidément, la candidature de l'ex-MAE algérien aura suscité toutes les polémiques, soulevé tous les commentaires et fait recourir à toutes les arguties des arcanes politiques et diplomatiques d'ici et d'ailleurs. Il est évident que le microcosme diplomatique algérien n'a pas très bien pris la chose. «C'est un enfant dans le dos que nous a fait Bedjaoui», nous disait l'autre jour un haut responsable au ministère des Affaires étrangères. Il semble que les réactions à ce niveau ne sont qu'une répercussion de celles enregistrées au niveau de la présidence de la République. «Le président en personne est contre cette candidature parce qu'il avait rassuré le président égyptien pour le soutien de l'Algérie au candidat de son pays», affirme un responsable à El Mouradia. Il faut rappeler, cependant, que l'Egyptien Farouk Hosni n'est pas non plus une candidature sereine. Au-delà de l'antisémite que plusieurs pays ont voulu faire de lui pour le compte d'une politique politicienne de bas étage jusqu'à la dernière réaction intempestive des Etats-Unis à ce propos, «Farouk Hosni n'est pas non plus cette candidature qui rassure d'une présence arabe crédible et compétente à la tête de l'Unesco», entendons-nous dire dans les milieux diplomatiques. Très controversée pour plusieurs raisons, cette candidature arabe n'est pas vraiment considérée comme sérieuse. C'est du moins ce qui est susurré dans les couloirs de l'Unesco par un grand nombre d'ambassadeurs. Farouk Hosni risquerait ainsi de ne pas réussir le test de passage pour occuper le poste de directeur général. Il aurait surtout fait rater au monde arabe l'occasion de diriger une aussi prodigieuse institution internationale qu'est l'Unesco. A moins qu'un appel de dernière instance se fera entendre d'Alger ou d'ailleurs pour le maintien de la candidature de Bedjaoui pour le compte du monde arabe même si, en même temps, il est fait état de fortes pressions des Egyptiens qui tentent de faire retenir leur candidat en pole position.

 En tout état de cause, les oreilles restent à l'écoute des échos qui sortiront de la plénière du Conseil exécutif prévu pour le vendredi prochain. «C'est l'examen de passage pour les candidats, il se fera au tirage au sort», nous explique Bedjaoui. L'on entend dire à partir de Paris que la favorite serait la Bulgare Bokova, ambassadeur à l'Unesco, «connue pour son sérieux et sa compétence».