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De l'art de prendre le pouvoir

par El Houari Dilmi

P arce que la politique est aussi un art (in)accompli de noyer du poisson-ange dans l'eau fangeuse des scélérates diableries, ce «métier» de raboteur d'urnes restera peut-être le seul «piège» que l'homme a été bien inspiré d'inventer pour remonter l'Histoire à contre-courant. Parce qu'au lieu d'accompagner un squale affamé droit vers le fin fond des profondeurs glacées, mieux vaudrait, peut-être, garder la tête hors de l'eau pour respirer par le tuba de la vie d'ici-bas. C'est là l'(H)istoire profane, d'une pieuse vérité, celle de Chalachou, le biseauteur de destins «pipés», sorti tout droit par le chas d'une urne déflorée. Chalachou, en voulant gérer à télé-distance le destin confisqué de tous ses prochains laissés derrière son ombre chinoise, s'est retrouvé avec le pari fou de monter plus haut, vers les cimes du territoire interdit des «blouseurs» pour leur soutirer quelque scorie, juste de quoi dégoter un croûton de pain rassis à son douar affamé des «blousés» oubliés des hommes et des plans trans-quinquennaux, tirés sur la comète des moulins à venter les grosses mouches vertes. Mais au lieu de la «sûreté» de l'escabeau, Chalachou préféra l'ivresse de la grande échelle et se cassa pitoyablement son gros pif sous les bruyantes jacqueries de ses ouailles, désintoxiquées à jamais des discours spécieux et des sirupeuses logorrhées. En remontant le chemin tortueux jusqu'à Alger la haute et trop belle jusqu'à l'extase, Chalachou, cachant ses mains calleuses dans sa poche arrière gauche et son pain-maison dans le capuchon de son burnous rapiécé, se sent escalader l'Everest, au point que le virus de la (star)tocratie lui monta à la tête jusqu'à l'apoplexie. Alors, pour occuper ses journées en or massif et ses mille et une nuits diamantées, Chalachou se rappela de ses ouailles, laissées au douar paumé, avec une pensée, épaisse jusqu'au grumeau, pour son alter ego, Zoubir «Teyara».

 Chalachou, l'élu de l'infra-peuple besogneux et sans casse-dalle, continua à enfiler son serment à l'envers jusqu'au jour sans lumière où son copain Zoubir monta le voir jusqu'à son phare très haut perché sur la mer de tous les mirages. L'autre histoire dira que Zoubir a traversé le monde jusqu'à Alger pour solliciter, l'échine brisée, son copain Chalachou afin que celui-ci intercède auprès de ses matous de gouttière, pour l'aider à réaliser le rêve de sa vie: obtenir un F-machin, juste de quoi arracher son regard crevé de proie apeurée à la mécanique froide des prédateurs par vocation.

 Assis en fakir sur le sommet de l'immeuble le plus haut perché d'Alger la «faiseuse de miracle», Chalachou réclamera à Zoubir l'équivalent de la distance séparant sa chaumière, laissée de l'autre côté de la vie, du monde des «rassasiés» en billets de banque aussi neufs qu'ils ne peuvent louper d'égorger un boeuf grassouillet d'une seule... traite. Mortellement déçu d'être monté si près des cieux sans jamais obtenir tout ce qu'il y a de plus bas dans... le monde d'ici-bas, Zoubir «Teyara» mourut d'épuisement dans la rue, avec deux clefs en carton-pâte en guise de boucle d'oreilles et une marguerite desséchée plantée dans son dos refroidi. Sur l'épitaphe de Zoubir «Teyara», un quidam écrira pour la postérité: «Malheur à ceux qui croient qu'un pou, même momifié, ne peut jamais prendre le pou (voir) sur un fauve empaillé...»