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L'aménagement numérique du territoire par les infrastructures des TIC

par Djamel Boudah*

Perçues désormais comme un élément constitutif de l'Aménagement du Territoire, les Technologies de l'Information et de la Communication et leurs vecteurs de télécommunication à haut débit apparaissent comme une priorité pour l'Etat algérien.

La concurrence a modifié radicalement l'approche des pouvoirs publics en matière de télécommunication. Les progrès technologiques étaient auparavant déployés sur l'ensemble du territoire au terme d'un processus où prévalait un équilibre entre les régions. De plus, le financement des opérations était assuré par des mécanismes de transfert tarifaires entre les accès et infrastructures locales d'un côté et les communications longues distances de l'autre. Si certains ont pu penser que le développement d'un marché passant d'un mode administré à un mode concurrentiel allait tout régler, force est de constater que les écarts dans le développement numérique du territoire sont bien là.

La réalité de la concurrence sur le marché des télécommunications a fait que seul Algérie Télécom était et est en mesure d'apporter une réponse satisfaisante à la problématique de la fracture Nord-Sud nationale. Les opérateurs mobiles, bien que présent sur tout le territoire, ne peuvent concourir sur la base de services mobiles à la réduction de la fracture numérique sans augmenter sensiblement la facture numérique. Ceci étant d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de GSM. C'est donc cet opérateur qui devra jouer un rôle prépondérant avec l'aide des entreprises (dont les opérateurs mobiles) et des collectivités.

Dans l'environnement des technologies d'accès algérien, en plus du GSM, deux autres marchés de services de télécommunications sont venus compléter le dispositif, un par ADSL, l'autre par les techniques radio destinées aux établissements non couverts par l'ADSL.

Ces dernières années, l'Etat est intervenu directement dans le domaine des TIC et du haut débit et il continue de le faire. Ainsi, il a équipé les lycées et les administrations Réseau Intranet Gouvernemental (RIG¹) en ordinateurs, câblé et mis en réseau interne quelques établissements, soutenu la création de portails WEB professionnels, lancé plusieurs appels à projets (Sidi Abdallah, la carte d'identité biométrique,...etc.).

Pour conduire toutes ses actions, l'Etat a mis en place une certaine organisation: MPTIC, ARPT, e-commission, ... La question se pose aujourd'hui de savoir si celle-ci est toujours pertinente et comment elle devrait être modifiée en fonction des différents grands choix d'orientation de l'action de la Région en matière de haut débit et de TIC : l'aménagement numérique du territoire.

Répondre à ces questions constitue l'objectif global de notre contribution.

Les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC), en tant qu'ensemble de technologies, donnent la possibilité de procéder différemment de ce qui a été fait auparavant par les pays en développement. En installant les TIC au point de vue social, des pays comme le nôtre pourront s'en servir pour leurs propres projets de développement. L'une des façons de favoriser la construction d'une société solidaire et responsable est de permettre l'utilisation des TIC d'une façon juste et équilibrée. Il est important de produire une meilleure distribution des bénéfices du développement, ce qui impliquera nécessairement une plus grande équité sociale, politique et économique entre les acteurs et actrices du processus (téléprocédures).

L'une des préoccupations présentes lors des recherches portant sur l'aspect social des TIC réalisées par des organisations a été d'identifier et de renforcer les axes de travail susceptibles d'engendrer un impact social positif, orienté vers l'amélioration de la qualité de vie des populations et notamment celles des pays du Sud. Au cours de cette recherche, est apparu un élément fondamental pour que les résultats soient probants : il faut que le Sud lui-même participe à l'identification de ses problèmes les plus urgents, ainsi qu'à la formulation, à l'exécution et à l'évaluation des projets menés.

L'une des tâches les plus urgentes de la région est la construction et la consolidation de systèmes d'informations stables, dans des sociétés où les déséquilibres structurels graves, reflétés par des indicateurs comme ceux de la pauvreté critique, des maladies transmissibles, le niveau d'analphabétisme et le manque d'information, sont nombreux. L'utilisation des TIC pour créer ou soutenir des organes de pouvoir et de participation civique à l'intérieur d'un ordre démocratique représente une solution intéressante pour produire ou renforcer l'efficacité et la transparence de la gestion des dirigeants, de l'organisation des communautés locales, régionales, des corporations et de divers secteurs sociaux.



Réalités, croissance et interrogations



Les TIC constituent un enjeu dont se sont emparées, depuis quelques années déjà et avec peine, un certain nombre d'entreprises. Le processus de prise de conscience s'est donc déroulé de manière progressive jusqu'à constituer, aujourd'hui, une préoccupation nationale de l'ensemble de la société. L'attente qui se manifeste ainsi concerne tout autant les foyers, les entreprises que les services publics. Mais, elle est là. Il faudra y répondre.

On estime que le taux de foyers équipés d'un ordinateur est d'environ 13% en Algérie et que 75% d'entre eux se connectent à Internet bien que 2% des internautes ont accès véritablement à l'Internet Haut Débit. Il est tout autant intéressant de noter que parmi ces internautes, 88% se connectent à partir de leur lieu de travail, 70% de cybercafés et 17% de leur domicile. D'un autre côté, dire qu'une ville est mieux équipée qu'une commune est un leurre. En effet, et en fonction de son tissu économique local, une ville n'est pas forcément plus connectée qu'une petite commune à l'image de Hassi Messaoud. C'est dire que le développement numérique d'une collectivité dépend de l'intérêt économique qu'on lui porte. Et dans ces villes, on voit clairement apparaître les besoins d'information, les contacts avec les proches, l'accès à des services ou l'éducation des enfants. Enfin, il est significatif de constater combien les conditions économiques constituent le frein essentiel de l'accès à l'Internet.

Alors que toutes les grandes entreprises sont raccordées à Internet, la moyenne du raccordement des PME n'est que de 10% sur l'ensemble du territoire. Il y a de ce point de vue une différence assez nette entre les régions les plus avancées au niveau économique où ce taux est d'environ 30%, et les régions plus rurales où il se situe entre 5 et 10%. Ceci en ce qui concerne l'Algérie.

D'un autre côté, des études montrent que 80% des grands donneurs d'ordres internationaux ne travailleront plus qu'avec des fournisseurs utilisant les systèmes d'achats connectés directement à Internet. Il ne s'agit pas simplement d'une modernisation des outils de travail, mais surtout de faire muer la relation de travail, vers une relation plus proche des besoins clients, en faisant intervenir les relations avec les fournisseurs d'une part et d'autre part, avec les clients dans les processus de production de l'entreprise. Les actifs travaillent dans un environnement plus complexe où, au-delà de leur milieu professionnel, intervient un réseau de relations coopératives avec des tiers externes. C'est le concept de «l'entreprise intégrée», terminologie qui en elle-même est opposée à «l'entreprise exclue». Il n'est pas certain que les PME soient conscientes des changements qui pour elles se préparent.

A leur manière, les services publics sont confrontés à une problématique toute comparable. Les TIC sont en train de modifier le lien entre l'administration et le citoyen. Les téléprocédures (procédures en ligne) vont bien au-delà de la mise en ligne des formulaires administratifs. Elles portent en germe une mutation profonde des processus administratifs auxquels les structures publiques nationales ne sont pas naturellement bien préparées. Cette mutation est celle de la réappropriation de la notion de «service». Par définition, elle est l'essence même de l'expression et du concept de «service public». En remodelant les liens entre les usagers et les pouvoirs publics, les nouvelles technologies obligent ces derniers à repenser leurs modes de fonctionnement et leur organisation.

Parmi tous les services publics, on notera la place particulière que l'un d'entre eux occupe du fait de l'utilisation intensive qu'il fait des TIC. Il s'agit du secteur de l'éducation où se manifeste depuis plusieurs années un effort des pouvoirs publics, qu'il s'agisse de l'Etat ou des collectivités locales surtout en matière d'équipement. En est-on arrivé pour autant à une banalisation de l'outil en termes de moyen et au sens de son intégration dans les méthodes pédagogiques ? Le résultat est encore mitigé de ce point de vue si on considère les questions posées autour de ce qu'il convient d'appeler le «Cartable Electronique» et que, de manière trop réductrice, on ramène à un produit dérivé de l'ordinateur portable.



Une mission d'intérêt général



Le service apporté par le téléphone, tel qu'on l'entendait au siècle dernier, était unique : parler avec un correspondant distant. L'objectif de l'« aménagement téléphonique » du territoire tel qu'entendu dans les années 70 était donc unique : que chaque foyer et entreprise algérienne puisse communiquer par téléphone avec le monde entier. Le moyen d'atteindre cet objectif était également unique : raccorder chaque commune au RTC (Réseau de Téléphonie Commuté) public.

Les services qu'autorisent les NTIC ouvrent, en revanche, des perspectives quasiment illimitées : accroître l'efficacité des Administrations et assurer un accès permanent des citoyens et des entreprises aux services publics ; améliorer la qualité de vie des habitants, dans leur foyer et dans les lieux publics ; participer au développement économique en fournissant aux entreprises les services propres à faciliter leur implantation et à accroître leur compétitivité ; assurer plus efficacement la sécurité des personnes et la protection des biens. Il ne saurait donc, dans ces conditions, y avoir de solution numérique unique.

La réussite de l'aménagement numérique du territoire interdit de plaquer sur chaque commune un modèle idéal conçu par un collège d'experts. Elle exige tout au contraire que chaque commune soit en mesure de définir elle-même « sa solution numérique ». De décider ce qu'en seront les priorités, en fonction de sa situation géographique, de son habitat, de sa réalité économique et sociale, et de l'évolution prévisible de ces différents paramètres, compte tenu de sa propre stratégie à moyen et plus long terme et de sa nécessaire intégration dans un ensemble politique et administratif plus étendu, de la communauté de communes à la wilaya, et à la région.

Le secteur privé joue un rôle non seulement sur le marché, mais aussi dans le cadre plus large d'un développement durable. L'engagement du secteur privé est important pour le développement, la diffusion des technologies de l'information et de la communication(TIC), au niveau des infrastructures, des contenus et des applications.

Pour que chaque commune, quelle que soit sa taille, puisse, réellement, construire et maîtriser son « avenir numérique » et se positionner par rapport aux priorités d'intérêt général définies dans le cadre régional, il est impératif de rompre avec les schémas traditionnels, trop centralisateurs, trop directifs (cf. ; article El Watan du 28/07/2008 /Le Haut Débit et les collectivités locales), de libérer les initiatives locales, de privilégier les synergies et les partenariats régionaux. Cette façon de cerner et de satisfaire l'intérêt général fonde la stratégie d'aménagement numérique du territoire.

 

Un projet d'intérêt national



Au long du XXe siècle, l'un des premiers objectifs d'aménagement du territoire a été d'amener « le courant» dans toutes les communes d'Algérie. Ou plutôt, « les courants ». La fourniture du « courant fort » de l'électricité, support d'énergie et de lumière, était, dès l'indépendance, un service public national. Celle du « courant faible » du téléphone et du télégraphe, premier vecteur d'information et de communication, s'est développée plus tardivement, au plan national, avec l'implantation progressive du « réseau téléphonique commuté » (RTC), qui a longtemps suffi à assurer, sur ses deux fils de cuivre, le transport de la voix, sous forme de « signaux analogiques ».

Mais, dès les années 80, suite au formidable effort national d'« aménagement téléphonique » du territoire, qui a fait de notre pays un des plus avancé en matière de télécommunications dans la région, ce réseau a atteint les limites de saturation. Pour accroître sa capacité d'acheminement et lui permettre de transporter des volumes sans cesse croissants de voix, mais aussi de fichiers informatiques, d'images et de couleurs, il a fallu introduire, dans les quinze dernières années, une succession de nouvelles technologies, nouveaux supports et nouveaux vecteurs.



Un moyen, un but



Le projet amènera une équité puisque les informations seront accessibles via le Commun et non plus centralisées dans la ville d'Alger ce qui représentait un site éloigné pour les citoyens des communes. L'accès sera égal pour tous les citoyens qui voudront bien participer à la vie de leur ville. Le projet permettra l'accès à des ressources et des outils qu'ils pourront utiliser pour le développement économique, culturel et municipal local.

Au niveau de la lutte contre la pauvreté, la maladie et l'analphabétisme, le projet devrait répondre au programme proposé par l'État visant la prise en charge des préoccupations locales, à plusieurs niveaux d'interventions. Les TIC font partie des infrastructures que l'Etat entend développer pour l'accès des populations locales à la gouvernance. De plus, ce moyen de communication devient un instrument contrant l'inégalité régionale, une priorité. Il créera de nouveaux emplois et amènera un transfert de technologie et du savoir faire dans le domaine des TIC et ce, au bénéfice de la population algérienne.

Enfin rendre les informations et les connaissances disponibles à la bonne personne et au bon endroit.

Par ailleurs, faire entrer la société locale dans la Société de l'Information est devenu aujourd'hui une responsabilité politique qu'il convient d'assumer pleinement. Quatre mots résument à eux seuls cette réalité :

- Transversal : les TIC touchent aujourd'hui tous les secteurs de l'action publique : l'aménagement du territoire, la vie démocratique, l'éducation et la formation, l'économie, la recherche, la culture, la santé, les transports ... Implicitement, toutes les décisions et actions politiques sont impactées directement ou indirectement par les TIC.

- Présent : la Société de l'Information est une réalité d'aujourd'hui. Le peu de chiffres disponibles montre un certain retard algérien dans ce domaine. Pourtant, on retiendra surtout combien ils témoignent de la formidable croissance des usages tout autant que de l'attente de la société,

- Avenir : «L'avenir tu n'as point à le prévoir mais à le permettre». Cette phrase d'Antoine de Saint-Exupéry résume ce que doit être notre action. Il s'agit non pas de lire dans une boule de cristal et de faire des paris sur ce que sera ou ne sera pas l'avenir. Il nous faut au contraire juste le préparer. Que peut nous demander d'autre la génération émergente qui dans dix ans cherchera ce qui la retiendra «au Pays»,

- Durable : N'est ce pas finalement le mot qui résume le mieux les trois précédents lorsqu'on les associe à d'autres idées fortes déjà évoquées que sont le développement local, l'éducation et l'aménagement du territoire. Forcément conscient de l'évolution structurelle qui se profile, l'Etat doit s'engager dans une démarche qui place les TIC, avec comme stratégie de diffusion l'aménagement numérique du territoire, parmi les thèmes essentiels de sa politique.

Plusieurs actions ont été engagées. Leur diversité et leur nombre révèlent l'ampleur du travail déjà effectué. Reste encore la question de leur développement durable !

Le but recherché au travers de la diversité de ces projets est d'impulser un mouvement afin de traduire par l'action, l'engagement de l'Etat dans la Société de l'Information. Il faut désormais passer à une seconde phase. Toute proportion gardée.




(*) Ingénieur Télécom