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Algérie-France: Contribuer à la stabilité régionale et au co-développement

par Bderrahmane Mebtoul*

L'Algérie ayant opté pour la neutralité dans les conflits , ne privilégiant aucun pays, défendant comme tout pays ses sinters propres, entretenant dans le cadre du respect mutuel, d'excellentes relations avec les USA, la majorité des pays européens, comme en témoigne la récente visite de la Première ministre de l'Italie, avec la Grande-Bretagne lors de la visite en Algérie l'Air Marshal Martin Elliott Sampson, haut conseiller de la Défense pour la région MENA, du ministère de la Défense britannique à la tête d'une délégation de haut niveau, rapporte l'APS selon un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN), la Chine et la Russie pour ne parler que de certains acteurs.

Elle est considérée par la Communauté internationale comme un acteur déterminant sur le plan économique et sécuritaire afin de stabiliser la région méditerranéenne et africaine, ayant toutes les potentialités pour devenir un pays émergent. Les relations entre l'Algérie et la France sont souvent passionnées pour des raisons historiques que les autorités des deux pays, chacun défendant ses intérêts, essaient de surmonter. C'est dans ce cadre que rentre la visite du chef d'état-major de l'ANP le 23 janvier 2023 en France, ayant été reçu par le Président Emmanuel Macron, qui sera suivi courant mai 2023 par celle du président de la République Abdelmadjid TEBBOUNE. Cela fait suite de la visite du président français Emmanuel MACRON où a été signée, le 27 août 2022 à Alger, une déclaration commune pour un partenariat renouvelé, dans divers domaines économiques, culturels et militaires avec la création d'un «Haut Conseil de c coopération». Rappelons que sur le plan économique, pour concrétiser cet accord, la Première ministre française accompagnée de 16 ministres, a effectué une visite en Algérie, les 09 et 10 octobre 2022, où elle a co-présidé avec son homologue algérien, la Ve session du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN)

1. -Concernant le devoir de mémoire et la coopération sécuritaire

Concernant la question mémorielle, l'Algérie et la France ont décidé d'assurer une prise en charge intelligente et courageuse des problématiques liées à la mémoire, ayant convenu de créer une Commission conjointe d'historiens français et algériens «chargée de travailler sur l'ensemble de leurs archives de la période coloniale et de la guerre d'indépendance, sur une base scientifique qui verra l'ouverture et la restitution des archives, des biens et des restes mortuaires des résistants algériens, ainsi que celles des essais nucléaires et des disparus, dans le respect de toutes les mémoires.

Depuis des années, l'épanouissement de la relation stratégique approfondie entre l'Algérie et la France est systématiquement entravé pour des «raisons» obscures, par de puissants lobbies ne voulant pas d'une relation apaisée entre l'Algérie et la France. La visite avait ainsi pour objet essentiel d'atténuer les tensions qu'ont récemment connues les deux pays. Dans ce cadre, le facteur culturel se fondant sur la tolérance et le respect d'autrui est important pour aplanir les divergences. C'est que l'ère des confrontations n'a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d'exclusion. Connaître l'autre, c'est aller vers lui, c'est le comprendre, mieux le connaître et non lui imposer un schéma social contraire à ses valeurs. Dans ce cadre, le devoir de mémoire est important pour l'Algérie afin de préparer l'avenir, loin de tout esprit de domination.

Comme souligné ci-dessus, l'installation de la Commission annoncée de chercheurs algériens et français sur toute la colonisation et la Guerre d'Algérie est importante pour le devoir de vérité. Dans la Déclaration d'Alger, il a été mentionné la coopération dans le domaine sécuritaire et la coopération économique en ce monde incertain et turbulent qui devrait connaître un profond bouleversement géostratégique d'ici à 2030. Face aux tensions géostratégiques dans le monde, chaque pays a des positions spécifiques - notamment sur le conflit en Ukraine, le Sahara occidental et les tensions au Mali et en Libye. Dans plusieurs rapports entre 2018 et 2022, les autorités tant américaines que européennes, russes et chinoises, ont tenu à souligner qu'avec les tensions observées dans la région, l'Algérie contribue à la stabilisation de son voisinage immédiat, notamment au Sahel, et demeure un acteur clé au niveau de la région méditerranéenne et africaine. L'instabilité de la région a un effet négatif sur toute l'Europe - dont la France - et renvoie d'ailleurs à l'urgence d'une nouvelle architecture des relations internationales fondée sur le co-développement.

C'est dans ce cadre qu'ont eu lieu lors de la visite du président français en Algérie, sous la présidence du président français, la rencontre entre les différents services de sécurité algériens et français ayant réuni, du côté algérien, le Chef d'état-major de l'armée (ANP), le directeur général de Lutte contre la subversion, le directeur général de la Sécurité intérieure (DGSI) et le directeur général de la Documentation et de la Sécurité extérieure (DGSE) et, du côté français, le ministre des Armées, le chef d'état-major des armées et le directeur général de la Sécurité extérieure, rencontre présidée par les deux chefs d'État, ainsi que la rencontre au ministère de la Défense nationale entre le chef d'état-major de l'ANP et le ministre français de la Défense, en présence de différents responsables, rencontres médiatisées dans la plus totale transparence. Selon l'Agence de presse algérienne APS, reprenant une note du MDN, «cette visite a constitué une étape charnière du processus de compréhension mutuelle entre les deux parties, insufflée par la volonté politique des présidents des deux pays».

L'Algérie ayant opté pour une neutralité dans les conflits récents où la France perd de plus en plus pied en Afrique, faisant suite à la réunion avec Thierry Burkhard, le 26 août dernier, en présence des responsables des services de Sécurité algériens et français, à l'occasion de la visite d'Emmanuel Macron, en août dernier en Algérie, et ayant reçu en audience, le 08 avril 2021, le Général d'Armée François Lecointre, ancien Chef d'État-major des Armées françaises, en tenant à rappeler et avait rappelé à son hôte, la réhabilitation des deux anciens sites d'essais nucléaires français, à Reggane et In-Ikker et la restitution des cartes topographiques permettant la localisation des zones d'enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques, devant certainement évoquer avec les responsables français la question de la sécurité en Méditerranée et la région du Sahel, le Chef d'État-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le Général d'Armée Saïd Chanegriha, s'est rendu en France à l'invitation du chef d'état-major des armées françaises, le général Thierry Burkhard, Cette visite s'inscrit dans le cadre du renforcement de la coopération entre l'ANP et les armées françaises.

2. L'Accord d'Alger et la Coopération économique

Malgré sa désindustrialisation, la France demeure la deuxième puissance économique en Europe, derrière l'Allemagne avec un PIB de 2.958 milliards de dollars en 2021 et à 3.140 fin 2022 pour une population au 01er janvier 2023 de 68,0 millions d?habitants, 252 milliards de dollars de réserves de change à fin-novembre 2022, un déficit budgétaire de 172,6 milliards d'euros et une dette publique de 2956,8 milliards d'euros fin 2022.

Les échanges entre l'Algérie et la France sont en nette diminution et donc loin des potentialités (voir la conférence du professeur A. Mebtoul au Sénat français en 2015 à l'invitation du professeur Jean Pierre Chevènement).

En 2020, la France était le 2e client de l'Algérie (13 % du total), derrière l'Italie (15 %) et devant l'Espagne (10 %), tandis que la Chine était le 1er fournisseur de l'Algérie (avec une part de marché de 17 %), suivie par la France (10 %) et l'Italie (7 %). Pour le premier trimestre 2022, selon le Trésor français, dans sa note n°108 de mai-juin 2022, les échanges commerciaux algéro-français ont progressé de 17 %, à 2,1 milliards d'euros. Cette hausse s'explique largement par l'augmentation, en valeur, des achats français d'Algérie, portant sur 1,3 milliard d'euros, soit une hausse de 62 % par rapport au 1er trimestre 2021.

Selon les mêmes données, les importations françaises de biens algériens restent composées à 88 % d'hydrocarbures. La tendance résulte donc d'une hausse de 87 % (à 986 millions d'euros) des importations françaises d'hydrocarbures algériens, principalement portée par l'effet prix. Au premier trimestre 2022, les ventes en France de pétrole algérien ont progressé de 46 %, s'élevant à 507 millions d'euros, et celles de gaz naturel de 168 %, à 482 millions d'euros. Les exportations françaises vers l'Algérie, pour leur part, ont reculé de 19 % durant le 1er trimestre 2022, par rapport au 1er trimestre 2021, et atteignent 807 millions d'euros. Les principaux postes d'exportations françaises vers l'Algérie sont en recul. C'est en particulier le cas des produits agricoles (- 58 % à 87 millions d'euros), équipements mécaniques (- 26 % à 174 millions d'euros) et des matériels de transport (- 9 % à 170 millions d'euros), mais deux postes d'exportations se sont maintenus ou ont progressé durant le 1er trimestre 2022 : les ventes d'autres produits chimiques (+ 64 %, à 45 millions d'euros) et de matières plastiques (+ 29 % à 31 millions d'euros). Selon ce rapport, ce déséquilibre des échanges au 1er trimestre 2022 se traduit par une dégradation du solde commercial de la France avec l'Algérie, qui passe d'un excédent de 156 millions d'euros au 1er trimestre 2021, à un déficit de 519 millions d'euros au T1 2022.

Pour consolider les relations, selon la déclaration d'Alger, il y a lieu d'intensifier les échanges économiques sur la base d'un partenariat gagnant -gagnant. Ainsi, le domaine économique et socio-culturel, la France et l'Algérie ont convenu de solutionner le problème des visas et de l'émigration clandestine, de trouver des solutions «concrètes et opérationnelles» aux problèmes des mobilités notamment pour les «étudiants, entrepreneurs, scientifiques, universitaires, artistes, responsables d'associations et sportifs, permettant de conduire davantage de projets communs. Sur la jeunesse, il a été décidé de conclure un nouveau pacte pour la jeunesse, portant sur l'ensemble de ses dimensions et se traduisant par la mise en œuvre de projets concrets, dont la «création d'un incubateur de start-ups en Algérie» et «l'appui à des projets d'investissement d'avenir en France et en Méditerranée, initiés notamment par les PME, à travers le Fonds de 100 millions d'euros pour les entrepreneurs issus de la diaspora maghrébine, et qui sera implanté à Marseille. Il s'gira surtout de renforcer leur coopération en «priorité sur les secteurs d'avenir : le numérique, les métaux rares, la santé, l'agriculture et le tourisme. Il a été prévu le renforcement de la coopération entre l'Institut Pasteur de France et l'Institut Pasteur d'Algérie pour favoriser les mobilités de chercheurs et mettre en œuvre des programmes de recherche conjoints. L'Algérie est un acteur stratégique pour l'Europe dans son approvisionnement énergétique (11 % en 2021/2022) et la coopération peut s'intensifier dans ce domaine notamment dans la production du gaz, des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique et de l'hydrogène vert, dans la recherche d'innovation technologique sur la récupération et le traitement du gaz de torchage. Car pour une production d'environ 110 milliards de m³ gazeux pour 2022 (source APS), la structuration est la suivante : exportation, plus consommation intérieure et 25 à 30% d'injection de gaz dans les puits pour éviter leur épuisement.

Pour pouvoir exporter 100 milliards de m³ gazeux, il faut produire entre 150/170 milliards de m³ gazeux ce qui nécessite d'importants investissements. A court terme, Sonatrach peut accroître ses livraisons de gaz de 4/5 milliards de m³ gazeux comme je l'ai rappelé dans plusieurs contributions nationales et internationales, sous réserve de certaines conditions, horizon 2025/2027, pouvant doubler les capacités d'exportations de gaz entre 80/100 milliards de m³ gazeux, où actuellement la part de l'Algérie varie entre 10/11% du marché européen. C'est que l'attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d'Europe, d'Afrique et du Moyen-Orient ; la taille du marché intérieur étant estimée à plus de 45 millions de consommateurs ; des richesses naturelles importantes ; des ressources humaines de qualité ; un endettement extérieur inférieur à 6 milliards de dollars ; et des réserves de change de plus de 55 milliards de dollars à fin de 2022. N'oublions pas le nombre de résidents d'origine algérienne dans le monde, recélant d'importantes potentialités intellectuelles, économiques et financières. La promotion des relations entre l'Algérie et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d'intervention l'initiative de l'ensemble des parties concernées, à savoir : le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile. (Voir Pr A. Mebtoul : «Les axes de la coopération Europe/Maghreb», IFRI, décembre 2011, et conférence sur ce même thème en juin 2021, à l'invitation de la Commission européenne, à Alger).

En conclusion, aujourd'hui, le monde subit une profonde reconfiguration géostratégique où avec les derniers événements en Ukraine, couplés au réchauffement climatique rien ne sera plus jamais comme avant. Comme je l'ai fortement souligné lors du Sommet de la société civile, qui est au centre de la coopération euro-méditerranéenne et euro-africaine, tenu à Marseille le 24 juin 2019 - où j'ai présidé la délégation algérienne et donné une conférence sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée et en Afrique, en présence du Président Emmanuel Macron, en tant que président de la Commission transition énergétique des 5+5+Allemagne, qui a réuni les ministres des Affaires étrangères, dont l'Algérie, le FMI, la Banque mondiale et les représentants de la Commission européenne -, il s'agit de préparer dans le cadre d'un renouveau des relations internationales , l'avenir par le respect mutuel afin de contribuer - à la stabilité régionale et au co-développement grâce au dialogue des cultures et la tolérance - source d'enrichissement mutuel.

*Professeur des Universités, Expert international, Docteur d'Etat 1974