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Quel avenir pour l'Europe ?

par Kamal Guerroua

L'Europe «se bunkérise» d'année en année ! Le mot n'est pas de trop, paraît-il. Je fais juste un parallèle avec la victoire éclatante de l'extrême droite en Italie, la montée de l'extrémisme xénophobe en Suède, en Finlande, en Hongrie, etc., sur fond de crise économique majeure, en raison de l'impact du conflit russo-ukrainien sur le vieux Continent. En même temps, je regarde avec espoir la victoire de Lula aux présidentielles du Brésil, signant par là le retour, même si c'était avec une moindre force, de l'espoir socialiste incarné un demi-siècle auparavant par Salvador Allende au Chili. Le Brésil va-t-il constituer avec le cortège des autres pays émergents, à l'image de la Chine, l'Afrique du Sud, l'Inde, la Russie, la nouvelle force qui reconfigurera l'ordre mondial d'ici quelques années ? Quoiqu'il soit illusoire de constituer une force de frappe «progressiste» (parce qu'il manque à ce bloc-là la variante : démocratie, liberté, droits de l'homme, etc.), il semble que leur «forcing» est utile, du moins à court terme, pour rééquilibrer un rapport de forces inégalitaire sur le plan économique, diplomatique et politique entre l'Occident et l'Orient. Si j'ai utilisé ces deux termes-là, c'est pour montrer que ce conflit est lié à des conceptions, des visions, des regards diamétralement opposés sur la notion de gouvernance entre le Nord majoritaire et le Sud mis en minorité par les avatars de l'histoire. En effet, l'Occident traditionnel (Europe-USA), issu vainqueur de l'après-guerre, est en train de perdre du terrain sur tous les plans et partout, par rapport à l'ensemble des pays émergents dont deux puissances (Russie et Chine) sont titulaires du veto au Conseil de sécurité de l'ONU. Il suffit de voir comment les derniers putschistes burkinabés, soutenus par leur peuple réclament le départ de la France et son remplacement par la Russie, pour se rendre compte de la faiblesse européenne de ces dernières décennies.

L'Europe qui se referme sur elle-même, en adoptant un discours anti-migratoire, en négligeant la coopération technique et économique avec les pays du Sud et en abandonnant le créneau culturel, est, semble-t-il, en perte de vitesse sur l'enjeu de l'influence stratégique en Afrique et en Asie, en particulier. Cela dit, il y a une possible reconfiguration géostratégique en cours, dont l'issue du conflit russo-ukrainien allait jouer un rôle de premier ordre.

Après la pandémie de Covid-19, le monde qui se dessine, sous nos yeux, échappe à toute grille d'analyse, vu les retombées de cette crise majeure qui, d'une manière ou d'une autre, remettent au goût du jour, l'ère de la guerre froide avec tout ce que cela porte de négatif pour la stabilité mondiale.