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D'un monde à l'autre

par Brahim Chahed

« Vous pensez que les gens flippent au sujet de Bitcoin ? Imaginez comment ils ont flippé quand on leur a dit que dorénavant, au lieu de commercer avec de l'or, ils utiliseront des bouts de papier ». Andreas ANTONOPOULOS, Entrepreneur - Auteur (Evangéliste Bitcoin).

La débâcle éclair de la société américaine «FTX», numéro deux des plates-formes d'échange de crypto-monnaie et success-story inspirant, a pu installer le doute parmi des investisseurs et fait plonger les cours des monnaies virtuelles. Le nouveau CEO de «Twitter», le célébrissime patron de «Tesla» Elon MUSK, qui avait détecté les dysfonctionnements à l'origine de tout cela, continue, malgré tout, de soutenir qu'il y a un avenir pour les monnaies virtuelles. La société «FTX», qui s'est volontairement mise sous protection de la loi américaine sur les faillites, a pris des mesures pour minimiser les dommages en transférant des actifs vers ce qui est appelé «Cold-Wallet» ou portefeuilles à froid non connectés.

De grands investisseurs, en dépit des pertes colossales, continuent à croire dans les monnaies virtuelles et promettent de réinvestir dans le secteur. Cette déconfiture de «FTX» n'est pas la fin mais le véritable début. Le secteur ne s'est pas écroulé, en 2017, lorsque «You bit», plateforme sud-coréenne d'échange de monnaies cryptographiques s'est déclarée en faillite. Dans un parallèle sensé, le monde, celui qu'on appelle monde réel, ne s'est pas non plus écroulé suite à la grande crise de 1929, ni aux faillites de «Enron» en 2001, ni à celles, successives de banques de renoms, notamment l'historique Banque d'investissement «Lehmann Brothers», en conséquence de la crise des Sub-primes en 2008.

L'investissement dans le monde virtuel, même s'il paraît relater d'avantage d'échecs que de succès, recèle toujours un avenir prometteur. Les «Metaverse», après avoir meublé, des années durant, les livres de science-fiction, et les esprits les plus imaginatifs d'auteurs et de scénaristes à succès, font une incursion méthodique dans les affaires, cherchant à unir le monde réel au monde virtuel. Ainsi la concomitance de succès et d'échecs ne freine, pour ainsi dire, pas le développement de cet univers mais lui apporte ses corrections et le renforce.

«Metaverse», qui signifie au-delà de l'univers, un terme vieux de trente ans, créé déjà en 1992 et remis au goût du jour par Mark ZUCKERBERG, est un monde fictif, inventé, qui combine réalité virtuelle, réalité augmentée et réalité étendue, sens profond construit à partir de la notion de continuum de la réalité-virtualité où nous avons un sentiment authentique de présence dans un monde autre que le monde physique, que nous pouvons transposer ce que nous faisons dans le monde (considéré) réel dans un tout autre monde (considéré) virtuel.

Les mondes virtuels, qui nous intéressent, aujourd'hui et ici, sont un type particulier de media social pris pour une extension de la vie réelle. Ces espaces permettant aux utilisateurs d'interagir, en temps réel, en trois dimensions, au moyen, justement, de création de projections d'eux-mêmes totalement personnalisées. L'idée, totalement révolutionnaire et époustouflante épouse le fait que la réalité est construite, aucun frein ne s'oppose donc à la construction de réalité ou des réalités et, sans même qu'il soit nécessaire de partager les mêmes réalités, il est tout à fait possible de réaliser toutes sortes d'activités mêmes celles impossibles à réaliser dans le monde (restreint) réel. Le progrès phénoménal en terme d'innovation et de créativité et la standardisation de plus en plus prononcée des mondes virtuels à travers notamment l'«open source», conduira, inéluctablement, dans un premier temps, à l'unification des mondes virtuels et leur transformation en un seul monde virtuel géant pour, ensuite, créer des passerelles faciles et opérantes entre eux et le monde réel afin, enfin, d'unir les deux mondes.

D'ores et déjà, l'importance économique des mondes virtuels n'est pas sans rappeler celle d'une économie réelle, et les possibilités paraissent infinies. Ainsi en marketing, par exemple, les utilisations peuvent «ringardiser», pour employer un terme frappant, les utilisations jusqu'alors considérées comme extraordinaires.

Cette révolution numérique attire de plus en plus d'entreprises sérieuses et de renoms pesant plusieurs milliards de dollars. Ainsi, «IBM»», «Facebook» devenue «Meta», «L'Oréal», «Disney», «Carrefour», «Appel», «McDonald's» ou encore «Microsoft» ont déjà investi dans ce marché florissant qui passerait des quelques 46 milliards de dollars en 2020 à près de 280 à l'horizon 2025. L'investissement immobilier virtuel trouve, paradoxalement, un essor impressionnant et rencontre un engouement croissant aussi bien chez les particuliers que chez les entreprises. Ces derniers mois, nombres d'investissements importants ont été enregistrés dans le domaine des terrains virtuels.

Les transactions y sont conclues au moyen de crypto-monnaie généralement, mais les Jetons Non Fongibles restent la principale méthode de monétisation et d'échange dans les «Metaverse». À la différence des crypto-monnaies, telles que le «Bitcoin», les «NFT» sont non interchangeables et uniques comme une œuvre d'art, cela les intègre dans la rareté.

En juin 2021, un fonds d'investissement immobilier numérique appelé «Republic Realm» (aujourd'hui rebaptisé «EVERYREALM») aurait dépensé l'équivalent de plus de 900.000 dollars pour acheter une parcelle dans le «Decentraland» et en décembre de la même année 4,3 millions pour s'adjuger une autre parcelle sur «The Sandbox».La société immobilière «Metaverse Group», aurait acheté, en novembre 2021, un terrain sur «Decentraland», composé de 792 parcelles, pour 2,4 millions de dollars. Le 23 novembre 2021, la société canadienne «Token.com» avait déjà déboursé près de 2,4 millions de dollars pour acquérir une surface de 565 m² sur «Decentraland». En décembre 2021, «Adidas» a déboursé l'équivalent de 1,7 million d'euros pour acquérir 144 parcelles dans «The Sandbox».

Pour s'assurer que l'immobilier numérique a de la valeur, l'offre est limitée, un concept emprunté à l'économie (réelle) appelé « valeur de rareté ».

«Decentraland» est, par exemple, constitué de 90.000 parcelles de terrain, chacune d'environ 15,5 mètres sur 15,5 mètres.Déjà en février 2021, en contrepartie d'une plus-value confortable selon des indiscrétions, «Axie Infinity» vendait, neuf de ses parcelles de terrain achetées quelques mois auparavant, pour l'équivalent de 1,5 million de dollars, et quelques temps après, en novembre de la même année, il vendait une autre parcelle pour 2,3 million de dollars. En, à peine une année, de décembre 2019 à janvier 2022, le prix des parcelles de terrain sur «The Sandbox» a été multiplié par 300.

Comme toute innovation de rupture, le métaverse nécessite des changements profonds des mentalités, un regard futuriste et, certes, beaucoup de courage. Mais les choses avancent à des rythmes acceptables, des fois mêmes rapides. Sur ces plates-formes virtuelles vous pouvez même acheter des terrains et des maisons réelles.

Vous imaginez? Ils ne se contentent plus d'acheter des terrains et des propriétés virtuelles, ils peuvent acquérir des propriétés qui existent dans le monde réel. Allez-y leur opposer vos titres de propriétés ! Allez-y vous enorgueillir de l'opulence de vos demeures et de la beauté de la nature où règne la culture de l'abus et de la prédation. Le monde virtuel ne se limitera plus à concurrencer le monde réel, il voudra le surclasser et il le fera non seulement par les possibilités matérielles infinies qu'il pourra offrir mais sa capacité à pallier les errements de l'Homme devenus légion.