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Sombre pari

par Abdelkrim Zerzouri

Comment la Banque mondiale a-t-elle pêché ses informations qui lui ont servi de base pour confectionner un rapport tout ce qu'il y a de plus noir sur la situation économique et sociale en Algérie ? Les autorités algériennes, qui ont dénoncé le contenu de ce rapport en termes virulents, « visiblement rédigé sur instigation de certaines parties connues pour leurs hostilités à l'Algérie », considère-t-on, n'en reviennent pas qu'une institution de cette taille puisse commettre pareil impair qui porte injustement un grave préjudice à l'image du pays. Un pays qui « connaît, pourtant, une embellie dans tous les domaines, y compris dans son taux de croissance », s'indigne-t-on encore. Ce dernier rapport de la Banque mondiale paraît étrange, bourré de contradictions par rapport à celui établi par le Fonds monétaire international (FMI) tout juste moins d'un mois auparavant !

Si la Banque mondiale trouve que « la dépendance intacte de l'Algérie à l'égard des revenus des hydrocarbures, l'apparition de nouveaux variants de la Covid-19 et le rythme des efforts de réforme annoncés restent les principales sources de risques pour les perspectives économiques », le Conseil d'administration du FMI a, pour sa part, «salué les réformes envisagées par l'Algérie, visant à renforcer les attributions de la Banque d'Algérie et a félicité les autorités algériennes pour leur stratégie de relance de la croissance et de réduction de la dépendance de l'économie vis-à-vis des hydrocarbures». Ce qui montre clairement que ces deux institutions financières internationales n'ont pas puisé leurs informations à la même source. Et, le FMI reste plus crédible quand on sait que ses experts effectuent leurs enquêtes sur le terrain, ici même en Algérie, alors que la Banque mondiale pêche ses informations par téléphone, en se basant sur ce que lui racontent des acteurs locaux.

Plus loin encore, selon les termes du rapport de la Banque mondiale, on voit bien que l'effondrement de l'économie algérienne qui n'a pas eu lieu lui est resté comme un os au travers de la gorge. «L'envolée des recettes d'exportation d'hydrocarbures contribue à réduire nettement les besoins de financement extérieur et permet de stabiliser à court terme les besoins croissants de financement domestique », regrettent, presque, les auteurs du rapport en question. Estimant encore que l'Algérie bénéficie d'un « répit temporaire » dû au recul de la pandémie et à la hausse des prix du pétrole. En somme, la Banque mondiale reconnaît que l'Algérie se porte bien dans le présent et à court terme, mais c'est cet avenir à « moyen terme » qu'on voit sous un angle obscur, et qui introduit le doute quant aux velléités nourries par la portée de ce rapport, qui cherche contre toute logique à noircir la situation socioéconomique en Algérie en créant des circonvolutions qui tirent leurs repères de l'abstrait. Il est vrai que l'Algérie doit juguler l'inflation, qui a porté atteinte au pouvoir d'achat des citoyens, mais ce n'est pas synonyme d'aggravation de la pauvreté. Preuve est apportée par une organisation onusienne, en l'occurrence le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, qui a classé l'Algérie première en Afrique en matière de sécurité alimentaire.

Ce rapport de la Banque mondiale qui a provoqué la colère des autorités en Algérie, devrait être un élément incitateur pour aller de l'avant, ne pas s'écarter des objectifs de la relance économique et faire en sorte qu'il soit retourné à la face de ses concepteurs comme une gifle. A moins de parler d'un sombre pari, l'avenir n'est jamais gagné ou perdu d'avance.