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Archives de guerre : une autre «enfumade» ?

par Ahcene Djaballah Belkacem

Peu de jours après que Roselyne Bachelot, la très médiatique et sympathique ministre française de la Culture (pourquoi pas celui de la Justice ?) annonçait que la France a décidé d'ouvrir «avec 15 ans d'avance» (Merci m'dame la France !) les archives judiciaires en rapport avec la guerre d'Algérie (alors qu'elles «devraient rester classées jusqu'en 2037»), tout en expliquant qu'«on a des choses à reconstruire avec l'Algérie» et qu'elles «ne pourront se reconstruire qu'avec la vérité». Voilà qu'une proposition de loi relative à la reconnaissance et à la commémoration officielle de la répression d'Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris, (estimant que «l'adoption d'une loi puisse contribuer à l'apaisement et au travail mémoriel commun») présentée par quelques sénateurs, est rejetée jeudi 9 décembre par le Sénat français. Un Sénat majoritairement de droite, faut-il le préciser.

On peut mettre toutes ces positions et choix politiques sur le compte d'une élection présidentielle, en France, qui approche à grands pas, chaque tendance cherchant à attirer et/ou à récupérer des voix, surtout celles des communautés ayant un lien avec l'Algérie. Mais, cela ne nous regarde pas !

Ce qui nous gêne, c'est cette manière pour nous prendre pour ce que nous ne sommes pas, c'est-à-dire avalant n'importe quelle couleuvre et à la recherche d'on ne sait quelle faveur. C'est, aussi, croire que nos historiens et chercheurs sont prêts à mordre à n'importe quel hameçon, pourvu qu'on leur fasse croire que le poisson à pêcher (en France, donc visa au compteur) sera gros.

Car, il faut savoir que ce que vont fournir comme renseignements les archives judiciaires «promises» ne seront pas «appétissantes» car elles ne fourniront rien de plus intéressant que ce qui est déjà dit, écrit et connu : seulement «des rapports relatifs aux conditions d'arrestation et aux interrogatoires» (Fouad Soufi). Quid de ce qui s'est passé par la suite dans les salles de torture des campements militaires, des camps d'internement et des locaux des paras, légionnaires et harkis et des centaines d'assassinats d'Algériens par l'OAS ? Heureusement, nous avons eu les témoignages de Alleg, d'Ighilahriz et d'autres (dont des Français) qui ont raconté leur martyre, dévoilé les pratiques et fourni des noms et des lieux. Quant aux procès, on sait déjà, grâce à la magnifique recherche universitaire de Sylvie Thénaut («Les magistrats dans la guerre d'Algérie». Edit 2000, Alger 2021) et le livre d'Emmanuel Blanchard («La police parisienne et les Algériens, 1944-1962». Casbah Editions, Alger 2013), comment les affaires étaient «expédiées», toujours tranchées en faveur de l'occupant, militaire, civil ou OAS par «La drôle de justice», (sous-titre assez explicite du livre de S. Thénaut).