Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Petit protocole anti-antivax

par Paris : Akram Belkaïd

Il existe plusieurs définitions pour le mot « confusion » : cela peut concerner le trouble qu'éprouve une personne incapable de clarté, d'ordre ou de discernement. Cela peut aussi consister à confondre les choses, à les amalgamer et à être incapable de faire preuve de raison. Tout cela vaut pour la période que nous vivons marquée par un énième rebond d'une pandémie dont on nous dit désormais qu'il faudra attendre l'année prochaine, au mieux, pour en être débarrassés.

Ces dernières semaines la question des vaccins et des restrictions à imposer aux non-vaccinés a fait couler beaucoup d'encre. En France, des manifestations ont même eu lieu contre ce qu'une minorité très active et très bruyante considère comme une atteinte aux libertés individuelles. Le sujet « vaccin » est désormais tabou dans de nombreuses familles ou entre amis. Pour ne pas se fâcher, pour que le dîner ne dérape pas, pour que des ruptures ne soient pas consommées, on convient de manière implicite « de ne pas en parler ». Mais il arrive qu'on n'y échappe pas.

Dans ce genre de situation bien pénible, l'une des meilleures stratégies est d'en revenir au bon vieux diagramme - on appelait ça aussi un organigramme - précédant la conception d'un algorithme et l'écriture d'un programme informatique. Bref, il s'agit de procéder par tests et éliminations.

Plutôt que de se laisser entraîner dans une discussion qui partirait dans tous les sens, le préalable incontournable, la première question à poser, concerne l'existence du virus de la Covid-19. Non, ne riez pas. Il est encore des gens qui pensent que « ça n'existe pas ». Que c'est une invention de « big pharma », comprendre les compagnies pharmaceutiques aidées en cela par les « merdias » - terme habituel pour désigner tout le bien qu'on pense des médias aux ordres. Cette question est fondamentale. Si on vous répond par la positive, n'allez pas plus loin. Fuyez. Il est des retraites honorables et vitales. Ne perdez ni votre temps, ni votre énergie. Nul n'est obligé d'éduquer les imbéciles. Si vous ne pouvez pas vous échapper, déviez la discussion sur un autre sujet peu clivant : les Américains ont-ils vraiment marché sur la lune ? La terre est-elle plate ? Messi mérite-t-il le ballon d'or cette année ?

La deuxième question consiste à parler des vaccins en général. Car, il ne faut pas se tromper. Les doutes et les hésitations, parfaitement compréhensibles à l'égard des différents vaccins contre la Covid-19, sont une merveilleuse occasion de jeter l'ARN messager et tous les vaccins avec. Là aussi, il est inutile d'insister. Courrez ! J'ai eu à subir ce genre de discussion où des « antivax » vous expliquent que Louis Pasteur était « un charlatan », qu'Edward Jenner (pour ceux qui le connaissent) n'a fait que piquer les idées de ses camarades pour jeter les bases de l'immunologie, que ce n'est pas le BCG qui a permis les progrès contre la tuberculose mais l'hygiène, etc. Un gloubi-boulga démentiel contre lequel on ne peut rien, surtout quand on vous bombarde de références glanées sur Internet, sites inconnus à l'appui voire des blogs aux contenus répondant toujours à la même manière de voir les choses : les auteurs vont à l'encontre de ce qui est admis par la majorité, ils savent tout mieux que les autres. Ils sont plus intelligents, moins manipulables, plus éveillés, moins crédules, etc. En réalité, nombre d'entre-eux se sont construits un savoir ésotérique que, souvent, ils ont été incapables d'obtenir par la voie des études. On existe comme on peut.

Les questions 1 et 2 ayant été réglées, on est certain d'avoir écrémé 70% des fâcheux qui empoisonnent les débats du moment. Ensuite, le débat devrait être possible même s'il peut être malaisé. Les vaccins à ARN d'abord. Oui, c'est vrai, on n'a pas de recul, on ne connaît pas les effets à long terme. Mais il y a urgence et les chiffres montrent que ça marche. Donc, pas d'hésitation. C'est une question de survie pour tous. Et si l'on est incapable de prouver l'efficience du vaccin à long terme, on est tout autant incapable d'en prouver la dangerosité. Bien sûr, quelques voix à part se font entendre, comme celle d'une très réactionnaire généticienne, égérie de la galaxie complotiste, mais il est une règle qu'il ne faut pas oublier : depuis la fin du XIXème siècle, le consensus des scientifiques est toujours plus fiable que les positions discordantes.

Quant aux mesures contraignantes à l'égard des non-vaccinés, on peut aussi avoir un débat apaisé si on a éliminé les sources de confusion. Il est des vaccins obligatoires, pourquoi celui-ci ne le serait-il pas ? Il n'est pas anormal d'interdire à des non-vaccinés de se mêler à des personnes à risque pas qu'il n'est acceptable que des soignants transmettent le virus à des malades. Idem pour les lieux confinés quand on connaît la capacité de diffusion du miasme dans l'air. Par contre, pour citer le cas français, la généralisation du pass-sanitaire est une bêtise et un scandale quand il s'agit de menacer les gens de perdre leur travail (exception faite du personnel soignant). Dans cette affaire, la tentation autoritariste vise souvent à faire oublier le reste : l'impréparation face à la pandémie, le louvoiement non-dénué d'arrières pensées politiciennes et, surtout, la versatilité en matière de décisions prises.