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Mots et maux de l'histoire

par Abdelkrim Zerzouri

Tout n'a pas encore été dit sur ce rapport Stora remis au président français Emmanuel Macron et rendu public sous le titre «Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie».

L'heure est-elle à passer à la balance les mots sur les maux du colonialisme ? Apparemment, pas d'emballement, pour l'instant, sur un sujet qui a fait, et fait toujours, couler beaucoup d'encre. C'est à peine si on a effleuré son lourd contenu, au sens propre et figuré, d'un côté ou l'autre de la rive méditerranéenne. Hormis les lectures médiatiques qui ne donnent à voir que le contenu du rapport, la réaction officielle de l'Elysée prend son temps, qui pourrait s'étaler selon l'établissement d'un pont avec le palais d'El Mouradia, qui devrait adjoindre sa vision sur ce dossier, confié de ce côté-ci à l'historien Abdelmadjid Chikhi par le président Tebboune. A Alger, on a parlé, pour le moment, en second plan de ce rapport dans une dépêche

de l'Agence officielle, où le trait saillant a été consacré à la plaidoirie des associations de chercheurs, juristes et archivistes, ainsi qu'un large panel d'historiens français, qui ont saisi le Conseil d'Etat de leur pays pour obtenir «l'annulation» d'une nouvelle instruction interministérielle restrictive sur le plan de l'accès aux archives contemporaines, classées «Secret Défense». L'Algérie réclame la récupération de «la totalité» de ses archives de la France et cette nouvelle instruction interministérielle pourrait faire barrière à la concrétisation de ce travail primordial dans cette recherche d'une réconciliation des mémoires. La circonspection est également manifeste à travers les comptes rendus des médias, alors que les commentaires des internautes ont été plus critiques à l'égard des propositions contenues dans le rapport en question. Globalement, on estime que le rapport reste modeste avec ses conclusions paraboliques par rapport à la force politique imprégnant la volonté de celui qui a demandé ce travail, en l'occurrence le président français, qui a publiquement et ouvertement reconnu, quant à lui, que le colonialisme est un crime contre l'humanité. Mais, cette dernière sortie de la présidence française, qui a annoncé à la veille de la remise du rapport Stora que « des actes symboliques sont prévus mais qu'il n'y aura ni repentance ni excuses », a fait de l'ombre à la position, qu'on croyait tranchée, du président français. Ce dernier attendra-t-il une confrontation des conclusions du rapport Stora avec le rapport Chikhi avant de proposer sa feuille de route pour arriver à une réconciliation des mémoires ?

Sûrement, car il faut être deux pour parler de cette réconciliation des mémoires. Et, il n'est pas dit que le regard politique sera identique à la conception académique du sujet. Probablement que les deux présidents algérien et français éviteraient les mots qui focalisent les tensions et les aversions, et aller directement à l'essentiel qui traduirait dans le fond les mêmes expressions, ou presque, sans en parler. Privilégier les actes plutôt que les mots ? Cela reste à voir.