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Pourquoi un audit en profondeur est vital pour la pérennité de Sonatrach

par Reghis Rabah*

(deuxiéme partie)



L'objectif principal de toutes les compagnies pétrolières est toujours d'augmenter le taux de récupération (facteur de récupération) des gisements relevant de son portefeuille pour augmenter ainsi les réserves, par l'EOR ( Enhanced Oil Recovery) c'est l'option la plus économique pour la mobilisation des réserves d'hydrocarbures, par rapport à la seconde option relevant de l'exploration de loin plus couteuse et plus risquée.

3-Alnaft n'a pas réussi à veiller au respect du profil de production des gisements

A partir de 2017, suite au changement survenu, il y a eu une cassure de la chaine de production par une réorganisation des équipes de Sonatrach dans le seul but délibéré de freiner l'élan de redressement entrepris depuis 2015. La nouvelle équipe fortement appuyée par un pouvoir non constitutionnel s'est attelée à préparer l'opinion publique au déficit historique de gaz estimé par le PDG lui-même à plus de 50 millions de m3 / jour. Le premier gisement visé était le géant Hassi Messaoud (01) (02). L'équipe en place avait annoncé un lancement du processus de récupération des gaz associés et des gaz torchés confondant souvent les deux à la fois dans les différentes déclarations. Pour répondre à la demande locale et surtout étrangère afin de combler ce manque qui pouvait empêcher d'honorer les contrats gaziers (03). Hassi Messaoud, un des importants gisements pétroliers dont la vocation était jusque-là de produire du brut, sera réorienté en 2017 par le PDG, le Vice-Président Amont et leurs collaborateurs, à la commercialisation du gaz associé produit, destiné en totalité à la réinjection. Il y a eu sans exagération, une violation de la conservation avec la bénédiction de tout le staff pour sacrifier Hassi Messaoud, Rourde El Baguel, Rourde Nouss, Hassi R'mel , Ait Kheir et bien d'autres, pour combler la gestion chaotique et l'incompétence. Ceci a certainement affecté les réserves algériennes à moyen et long terme, la déviation des gaz devait donc assurer des volumes à l'exportation et combler donc le déficit survenu brutalement en 2017, après que la société disposait d'excédents de pétrole et de gaz une année avant. Ainsi, le PDG dont l'objectif n'a rien avoir avec celui de Sonatrach a bradé ses richesses et a scellé des accords défavorables en utilisant malheureusement des cadres qu'il a choisis ou promus, qui ont marché avec lui, pourtant ces derniers pour la plus part, ont été cités dans des rapports d'audits et de commissaires aux comptes, et ne devaient en aucun cas occuper des postes d'encadrement. Il est établi et le dossier est entre les mains de la justice que l'achat de la veille raffinerie d'Augusta qu'ExxonMobil s'en est débarrassé n'était pas l'œuvre individuelle de ce leader mais toute l'équipe en a contribué ne se serait-ce que par son silence en comité exécutif et en conseil d'administration.(04)

4- La problématique du gaz associé détourné à l'exportation, resté impuni

La pratique en vigueur est que dans les bilans de production/ exportation, il y a le gaz associé des gisements pétroliers. Selon le plan de développement approuvé, dans certains champs, ces gaz associés sont expédiés totalement ou partiellement, tandis que pour d'autres gisements, la totalité des gaz produits est réinjectée avec parfois un appoint de gaz extérieurs afin de maintenir la pression du gisement et d'assurer toutes les conditions pour optimiser les réserves, ce qui est bien le cas de Hassi Messaoud et de Rhourde El Baguel. Certains experts disent qu'il faudrait réinjecter au moins 60à 80% du gaz soutiré pour maintenir la pression et déplorent qu'actuellement on a atteint un taux de réinjection qui ne dépasse pas 10%. Pour d'autres, notamment ceux qui ont une grande pratique de terrain déclarent que pour Hassi Messaoud et Rourde El Baguel, on doit procéder à la réinjection de la totalité du gaz associé produit. Il arrive même selon ces experts de ramener des appoints de Gassi Touil et Rourde Nouss comme gaz additionnel d'appoint. De nombreux cadres espèrent des autorités des audits spécialisés pour pouvoir dénoncer les violations sur les réserves Algériennes, ainsi que les différents responsables impliqués de par leurs fonctions, et espèrent préserver leur outil de production.

-Hassi Messaoud

Les gisements géants de pétrole et de gaz constituent et pour les prochaines décades encore, l'essentiel des réserves et de la production mondiale. En Algérie, les gisements géants (de gaz : Hassi R'mel), de pétrole (Hassi Messaoud) contribuent de façon prépondérante à court et long termes à la production, et ont toujours été au cœur de l'intérêt de Sonatrach étant donné, leurs importance vitale aussi bien à la maitrise de l'offre hydrocarbures, qu'à la maitrise des couts d'exploitation. Ils sont gérés avec la plus grande attention sur les bases de la conservation des gisements. Une gestion et une attention sur la caractérisation de réservoir, sur le taux de cyclage, ainsi que la prise en charge des problèmes opérationnels et logistique, mobilisant d'importantes ressources humains et financières. S'agissant de Hassi Messaoud, une attention particulière a toujours été strictement respectée sur le maintien de la pression par l'injection de gaz en conditions de miscibilité, aussi, de gros efforts sur la gestion du champ en recherchant les nouvelles technologies telles que les puits horizontaux, le short radius le forage UBD etc. Sonatrach a augmenté les réserves de ce champ par l'injection de gaz « miscible », c'est-à-dire un processus de miscibilité gaz-huile, qui réduit très sensiblement la quantité d'huile résiduelle dans la roche, contrairement au processus de gaz injection en mode « piston », qui maintient la pression mais n'assure pas la miscibilité. A titre d'indication, l'huile résiduelle dans la roche qui ne peut pas être produite et reste piégée se situe à 30% en moyenne. Or grâce à l'injection miscible la saturation résiduelle d'huile piégée dans les pores devient 5%. Ce qui augmente les réserves de 20-25 %. Le niveau de pression doit impérativement permettre l'établissement de la miscibilité dynamique entre gaz et huile Un niveau de 250 kg/cm2 est nécessaire, pouvant conduire éventuellement à injecter un volume supérieur au volume des fluides produits, en conditions de réservoir, si la pression est insuffisante. La miscibilité nécessite de grands volumes adéquats à la réinjection. Toute défaillance ou violation, remets en question ces conditions de miscibilité et cause irréversiblement une perte des réserves importantes d'hydrocarbures, mobilisées à prix fort par le trésor public. Si l'on se réfère au POD (plan de Développement) signé entre Sonatrach et Alnaft à la page 95-96, il bien spécifié qu'on doit injecter plus de gaz on ne produit au-delà de 2030, voire même à défaut d'un apport externe, le volume du gaz soutiré doit impérativement être réinjecté en totalité. (Page 116).

- Rourde El Baguel

Ce gisement, le deuxième en terme de réserves de pétrole après Hassi Messaoud, étudié par Sonatrach et par British Petroleum (BP) est très fracturé. Pour maximiser ses réserves la gestion consiste en le maintien de la pression strictement, assurée par la réinjection de la « TOTALITE » du gaz associé produit, et un rajout de gaz d'appoint ramené d'ailleurs afin de maintenir la pression, et toute défaillance rendra irréversible la perte de pression, de la production et par voie de conséquence les réserves. Ces principes, fortement respecté et qui ont toujours guidé Sonatrach pour conserver les gisements, ont pour seul objectif de maximiser et optimiser les réserves. Il se trouve que depuis 2017 le management en place a préféré en défaire pour satisfaire une clientèle qui ne voulait pas du bien pour l'Algérie. Toute défaillance, remets en question le portefeuille des réserves de l'Algérie. Toute déviation par rapport au plan de développement et au schéma d'exploitation approuvé par Alnaft, représentant l'Etat propriétaire est condamnable.

Conclusion

Une équipe d'inspecteurs de l'IGF en dépit du travail sérieux, consciencieux et plein de bonnes volontés, n'a pas l'expertise de vérifier l'historique des données de production et d'injection des gisements et d'étudier et de comprendre toutes les communications scientifiques internes à Sonatrach et ses consultants ainsi que les rapports transmis à Alnaft pour l'approbation et surtout les éléments de conservation des gisements. Par contre et tous les organes statutaires du secteur de l'énergie le reconnaissent qu'en 2016, cette forte croissance était le résultat des efforts propres du mastodonte sans investissements ni apport de partenaires. Pour rappel , en 2016 le prix moyen du baril était de 40 dollars/baril, aussi, Sonatrach avait assuré des recettes de l'ordre de 28 milliards de dollars, Sonatrach disposait d'une capacité additionnelle de production de 100 000 barils par jour, réduite à 1,08 millions de barils par jour du fait de la limitation et du respect du quota de l'OPEP, ceci avait démontré que Sonatrach avait bien les ressources humaines et naturelles pour assurer une croissance au pays sans aucun besoin d'amendement de la loi, avec son hypothétique éventuel apport.

*Consultant, économiste pétrolier

Renvois

(01)-https://www.algerie1.com/economie/sonatrach-va-recuperer-des-gaz-associes-pour-combler-un-deficit-de-production-de-50-millions-m3-j

(02)- https://www.youtube.com/watch?v= TBeBcxqAE6c&app=desktop

(03)- https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/algerie-alerte-sur-les-engagements-commerciaux-de-sonatrach

(04)-http://dia-algerie.com/ould-kaddour-lacquisition-de-raffinerie-daugusta-a-coute-de-1-milliard-de-dollars/