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La Covid-19 tue, la route aussi !

par Cherif Ali

La barre fatidique des 1000 contaminations par le virus a été atteinte ! Effectivement, le bilan des contaminations au Coronavirus en Algérie, a enregistré en ce 17 novembre une hausse des contaminations. Le Comité en charge du suivi de l'évolution de la pandémie du Coronavirus dans notre pays, a donc recensé 1002 cas de contaminations au Covid-19.

Et par conséquent, le nombre de décès a augmenté tout comme la peur chez les Algériens qui ont en fait leur sujet de conversation y compris ceux qui étaient, jusque là, dans le déni !

Le virus tue et chacun y va de son histoire du voisin qui vient d'être enterré après avoir été contaminé ou du médecin mort des suites de cette pandémie qui n'en finit pas de faucher des vies.

Pour autant, ce maudit virus ne fait pas oublier que d'autres Algériens meurent au quotidien, emportés par une autre épidémie dont il serait difficile de trouver le vaccin, contrairement au Covid-19 qui est sur le point d'être vaincu, à croire ce qui est annoncé par les firmes Pfiser, Moderna entre autres !

En effet, sept cent quarante-trois (743) personnes ont trouvé la mort et 6.923 autres ont été blessées dans 5.143 accidents de la route survenus au premier trimestre de l'année 2020, a révélé ce dimanche la Direction nationale de la sécurité routière (DNSR).

Loin d'être un problème algérien, les accidents de la route sont un véritable fléau planétaire. Selon l'OMS, ce sont près de 1,4 million de personnes qui trouvent la mort tous les ans sur les routes.

L'insécurité routière est même devenue la 8e cause de mortalité dans le monde et un problème, qu'en principe, le gouvernement doit non seulement inscrire parmi ses priorités, mais surtout proposer des solutions pour freiner l'hécatombe qui reste, surtout, la première cause de décès des jeunes de 15 à 21 ans.

Les Nations unies ne sont pas restées sourdes face à ce macabre constat et ont lancé dès 2011 une campagne intitulée «Une décennie d'actions pour la sécurité routière», avec l'objectif de préserver la vie de 5 millions de personnes sur les routes du monde entier d'ici 2022.

En Algérie, un ancien ministre de la Communication s'est, courageusement faut-il le dire, saisi du problème. Toutefois, il n'a pas fait référence aux objectifs tracés par les Nations unies, mais peu importe, dès lors ou l'intérêt est le même, à savoir préserver la vie humaine.

Il s'est alors contenté de faire jouer aux journalistes un rôle de commentateurs pour répéter, inlassablement, comme tous les spécialistes de la question, que l'augmentation des accidents est due à l'état des routes, à la défaillance des véhicules et à l'imprudence des conducteurs !

Il faut dire qu'à lui seul, il lui aurait été difficile de mettre en œuvre un plan d'action sans empiéter pour autant sur le domaine de compétence de ses autres collègues ministres, sachant que la sécurité et la prévention routières ne peuvent trouver leur solution en dehors de la concertation et l'intersectorialité qui les caractérisent.

En effet, le renforcement de la prévention routière s'avère être une mission compliquée, puisqu'une telle politique implique la participation de différentes institutions, sans compter les forces de police et de la Gendarmerie nationales.

En Algérie, faut-il le dire, on se contente, bon an mal an, de spots pour appeler à la prudence et au respect du code de la route. Ce qui confère à l'action un sentiment de déjà vu et de déjà entendu !

Pour autant, le rôle des médias est nécessaire et la radio a tous les attributs de proximité et de rapidité pour être l'acteur de cette campagne qui aura l'avantage et le mérite d'accompagner les conducteurs algériens sur les routes et les autoroutes, en diffusant au quotidien, des messages de sagesse, de retenue, de respect du code de la route et surtout de la vie humaine.

En France, une enquête a été menée en 1988 sur les 15 années de campagnes précédentes de prévention routière. Elle a démontré que dans l'esprit des personnes interrogées, ces campagnes successives renvoient plus à «l'inéluctable qu'à la prévention» et que le problème est chez les autres !

Un spécialiste des politiques publiques de sécurité a écrit également que le succès d'un slogan tel que «Boire ou conduire, il faut choisir» ne doit pas faire illusion sur son efficacité réelle pour changer les comportements.

Même une personne qui a déjà subi un contrôle d'alcoolémie positif aura, souvent, tendance à considérer «qu'elle maîtrise sa résistance à l'alcool, qu'elle est un bon conducteur et que ces campagnes s'adressent aux autres».

Les années suivantes, les campagnes ont été retravaillées sous un angle différent pour impliquer davantage les usagers de la route. Les phrases-clés deviennent ainsi : «Faisons la route ensemble», «Ensemble, on est sur la même route» et «Savoir conduire, c'est savoir vivre».

L'année d'après, la campagne se disait avec des images chocs, qui montrent frontalement les conséquences d'une conduite sous emprise de l'alcool.

Les responsables ont, par la suite, préféré alterner et jouer de tous les registres, y compris l'humour, estimant comme dans d'autres pays où le taux de mémorisation de l'humour est bien supérieur à celui de la violence.

En Algérie, le Covid-19 ne doit pas masquer cette réalité car l'heure est grave au regard du nombre accru des morts et des blessés qu'on recense par des campagnes de sensibilisation, fussent-elles très utiles au demeurant.

L'insécurité routière constitue un grand problème de santé publique dans le monde, pas uniquement en Algérie, où chaque jour au moins 12 personnes sont tuées sur la route tandis que 178 autres se blessent.

En 2014, l'Algérie était classée à la troisième place mondiale après l'Arabie saoudite et la Jordanie en termes de décès dus aux accidents de la circulation. Avec un accident toutes les 20 minutes et un décès toutes les 3 heures, notre pays caracole toujours en tête de liste dans ce championnat macabre à cause du facteur humain, qui est à l'origine de 90% des drames, selon tous les spécialistes et organismes dont le Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR).

Au ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, on croit avoir trouvé la bonne réponse en annonçant la création d'une «Délégation nationale pour la sécurité routière» ; elle sera placée sous l'autorité du Premier ministre et le suivi de ses missions sera confié à son département ministériel.

Et aux observateurs de se poser la question de savoir «si l'on est en face à un simple effet d'annonce ou s'agit-il d'une réelle volonté du gouvernement d'en finir avec la violence routière ?»

Il faut se l'avouer, il ne s'agit pas d'une trouvaille algérienne dès lors où la délégation proposée s'inspire de ce qui existe déjà par ailleurs, en France notamment.

Cet organisme, appelé «Délégation nationale pour la sécurité routière», est rattaché au ministère de l'Intérieur donnant ainsi la priorité au volet répressif de la sécurité routière, car ledit ministère est l'un des acteurs historiques majeurs de la sécurité routière et les récentes réformes administratives ont renforcé ses responsabilités en la matière.

Ainsi, depuis le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'Intérieur, il a autorité directe sur les deux forces chargées de faire respecter les règles de la sécurité routière : police et gendarmerie. Ce rapprochement lui permet de renforcer la cohérence de la lutte contre l'insécurité routière qu'il mène sur le terrain.

En comparaison, comme chacun le sait, si la police nationale relève de l'autorité du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, la gendarmerie ou «Darak El Watani», comme elle est appelée officiellement, relève de la tutelle du ministère de la Défense nationale.

Décider aussi de mettre en place une Délégation nationale pour la sécurité routière tout en ayant sous la main un «Centre national de la prévention et de la sécurité routières» est susceptible d'engendrer des conflits de compétences préjudiciables aux actions et aux objectifs recherchés.

De ce qui précède, l'on retient tout de même la bonne volonté des autorités algériennes qui semblent, cette fois-ci, avoir intégré cette question de la violence routière.

Question cruciale au demeurant, qui a amené des hommes d'Etat à s'en saisir dès leur investiture. Jacques Chirac, par exemple, peu après sa réélection en 2002, où il a inscrit dans son programme la sécurité routière comme l'un des trois chantiers prioritaires de son nouveau quinquennat avec deux autres thèmes plus consensuels : la lutte contre le cancer et l'insertion des handicapés !

Et son Premier ministre d'alors, Jean Pierre Raffarin, avait affirmé, pour sa part : «On ne peut plus parler de l'insécurité routière avec des mots qui montent, mais avec les vrais mots, les mots de violence, de délinquance, les mots, quelquefois, d'assassinats !»

Le président Tebboune avait instruit Abdelaziz Djerad, le Premier ministre, à l'effet de tenir au plus vite un conseil interministériel sur ce fléau qui, hélas, a placé l'Algérie parmi les pays les plus accidentogènes.

Conscient de la gravité du problème, il avait fait observer une minute de silence à la mémoire des accidentés d'El Oued à partir de Berlin, où il participait à un sommet sur la Libye !

Depuis, la Covid-19 a pris toute la place, reléguant dans les faits divers les accidentés de la route et leur lot de désolation.

A moins que le premier ministre, Abdelaziz Djerad ne s'en saisisse de nouveau pour inculquer aux Algériens cette devise « savoir conduire, c'est savoir vivre ! ».