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La prévision de recette pétrolière 2020 revue à la baisse de près de 25% (Première partie)

par Reghis Rabah*

Il ne s'agit pas de comparer les recettes à l'année dernière mais par rapport aux préversions de loi finances complémentaire. Rappelons tout d'abord que faisant suite aux conséquences inattendues de la crise pandémique du Covid-19 qui a vu au mois d'avril le prix du baril frôler la barre négative, le gouvernement Djerad devait réajuster le budget en cours de l'année par revoir le prix de base budgétaire du baril de pétrole de 50 dollars à 40 dollars par baril. Il a aussi opté rappelons- le en complément des mesures prises lors du conseil des ministres du 22 mars 2020, le 3 mai 2020 une réduction des dépenses de fonctionnement pour l'année en cours de 50% par rapport aux prévisions initiales contenues dans la loi de finance 2020. Il s'agit d'une accélération dans la rigueur budgétaire après celle d'avoir contracté les dépenses courantes de 30%. La loi de finances complémentaire a pris en charge toutes ces décisions. Les pouvoirs publics ont épargné les salaires et les transferts sociaux. En dépit de cette intransigeance budgétaire, il a été décidé d'augmenter le salaire national minimum garant( SNMG) pour le porter de 18 000 à 20 000 dinars, d'exonérer de l'indemnité de revenu global (IRG) tout revenu inferieur à 30 000 dinars. Il a en outre allégé la fiscalité des libérales par carrément la suppression de la déclaration contrôlée pour les introduire dans le régime forfaitaire pour les épargner de payer cette IRG sur les bénéfices non commerciaux de 26%, une taxe sur l'activité professionnelle (TAP) de 2% ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 9 à 19%. Plus tard le projet de loi de finances complémentaire de 2020 projetait quant à lui une régression des recettes des hydrocarbures de 20,6 milliards de dollars contre 37,4 milliards de dollars prévues dans la loi de finances pour la même année. Pour le conseil des ministres, cette situation indépendante de la volonté des uns et des autres va certainement contracter les réserves de change de 51,6 milliards de dollars 44,5 milliards de dollars. Lors de sa rencontre sur ce sujet avec la presse, le président de la république, Abdelmadjid Tebboune devait préciser l'hypothèse retenue pour justifier de telles décisions « audacieuses » en phase d'une forte contrainte : « la crise actuelle est conjoncturelle et non structurelle.» Plus tard, la quatrième semaine du mois de juin après un léger remaniement ministériel, le ministre de l'énergie, Abdelmadjid Attar, prés d'un mois après son installation et après un redressement du prix du baril, il a déclaré dans un entretien à la chaine nationale de radio 3 que « les recettes pétrolières attendues ne seront plus de 23 milliards de dollars. »(01) Plus tard, le gouvernement avançait plus, voire même 25 milliards de dollars.

1- La situation financière examinée à Sonatrach, semble inquiétante et inattendue

Dans un « draft » qui servait de préparation à la réunion du conseil exécutif du mastodonte, dit -on, édité le 11 et le 12 octobre 2020 et qui donne les détails des exportations et des recettes du mois de septembre on y lit que le cumul des recettes à fin aout sont 13,650 milliards de dollars, on a récolté durant le mois de septembre 1,342 milliards de dollars seulement ce qui porte le total du premier janvier au 30 septembre 2020 à 14,992milliards de dollars. Ensuite toute chose égale par ailleurs et dans le scenario le plus optimiste, les prévisions de recettes des 3 mois restant de l'année 2020 soit octobre novembre et décembre sont estimées dans les limite 1,31 milliards de dollars. Sauf une augmentation substantielle des prix qui dépasserait de loin la fourchette actuelle de 40 -45 dollars, le total des recettes des hydrocarbures attendues pour l'année 2020 ne dépasserait pas 18,922 milliards de dollars soit très loin du chiffre avancé par le ministre en charge de l'énergie qui les a situées entre 23 et 25 milliards de dollars. Tout compte fait pour un tel montant de recettes de ce niveau, la fiscalité tirée ne sera que de 9 milliards de dollars, l'investissement 8 milliards de dollars et l'exploitation 6 milliards de dollars. Le groupe supportera prés de 1,5 milliards de dollars d'importation de carburant, plus d'un milliards de dollars pour le compte d'Augusta, cette raffinerie controversée pour laquelle la filiale SPC de Sonatrach avait contracté un prêt sans compter le paiement des services de consulting commandé par Ould Kaddour dans le cadre du mégaprojet SH2030.

2- Cette performance décevante n'a rien à voir avec le Covid-19

Il faut reconnaitre que le président de la république, Abdelmadjid Tebboune, n'a pas manqué d'orienter son staff de gouvernance, notamment ses ministres depuis la confirmation de la propagation de virus corona dans notre pays. A chaque fois, il fustige (02) « les voix défaitistes », incite les départements ministériels non seulement de dire la vérité mais « lutter quotidiennement contre les campagnes de désinformation, par la diffusion de données scientifiques de manière intégrale sur l'évolution de la propagation de la pandémie, en y associant des spécialistes et des experts dans l'opération de sensibilisation, afin de rassurer les citoyens et de les inciter à respecter les mesures de prévention ». Il faut relever toutefois que son ancien ministre de l'énergie semble lui dans ses sorties déroger à cette règle de conduite. Ainsi reportent plusieurs journaux dont l'APS (03). En effet, il avait déclaré qu'a l'instar de tous les pays qui avaient été impactés par la pandémie coronavirus (COVIS-19), l'Algérie en citant les rapports qu'ils lui sont parvenus, a perdu un milliard de dollars par rapport aux prévisions des recettes générées par les hydrocarbures. Il précise, qu'outre les répercussions du Covid-19 sur l'économie mondiale et la contraction de la demande sur le pétrole qui en est suivie, accompagnées d'une chute des prix du brut Brent près de 25 dollars le baril, les recettes de l'Algérie des hydrocarbures ont également reculé, a soutenu le ministre, en raison de la baisse de la demande européenne sur le gaz naturel algérien. Dans un autre journal on y lit carrément (04) « les recettes de l'Algérie, générées par les hydrocarbures, ont atteint jusqu'à fin février 5 milliards de dollars contrairement aux prévisions projetaient soit 6 milliards de dollars on en déduit un manque à gagner de 1 milliard de dollars dans les caisses de l'Etat ».

3- Pourquoi imputer ce manque à gagner à la pandémie, est fallacieux

La courbe historique de l'évolution des prix du baril de pétrole de la catégorie du Brent, proche du brut algérien donne(05) un prix moyen de 40,44 dollars le baril durant la période allant du premier janvier à octobre 2020 avec un point haut atteint le 8 janvier à 71,75 dollars le baril et le plus bas en avril 2020 à 15,98 dollars le baril sur une courte durée. L'OPEP, dans ses deux rapports du mois de janvier et février, établi sur la base d'une communication directe, ont côté le brut algérien, le Sahara Blend au mois de janvier 65,28 dollars le baril et celui de février 57,91 dollars le baril, il est en moyenne sur cette période de 43 dollars le baril donc il ne s'est pas écarté de la référence budgétaire Bien qu'il subsiste une légère confusion entré la destination de ce manque à gagner comme chiffre d'affaire de Sonatrach ou une recette fiscale qui devra rentrer au trésor public pour laquelle la prévision a été projetée sur la base d'un baril à 50 dollars, puis 40 dollars, or il en a largement dépasser ce niveau. La cause est donc ailleurs que cette pandémie dans laquelle, on tente de l'utiliser comme alibi, probablement pour éviter de parler des motifs sérieux d'un manque de volume qui pourrait être un problème tout à fait technique qui se poserait aujourd'hui ou après la propagation du coronavirus ? Surtout que les Italiens, avec tout ce qui se passent chez eux comme ravages de cette pandémie, continuent de créer à l'effondrement du gaz Algérien dans leurs privions du mois de mars 2020 (06).

A suivre : LES VRAIE CAUSES

*Consultant, économiste pétrolier

Renvois

(01)-https://www.aliqtisadia.com/fr/2020/07/22/abdelmadjid-attar-a-propos-des-recettes-petrolieres-pas-plus-de-23-milliards-de-dollars-en-2020/?fbclid=IwAR2jouhDkevtXwf-D50fIQEA3Ap 5e7GNMVYkoAra19PekM2p-ICd_mTmmI0

(02)-http://www.aps.dz/algerie/103248-covid-19-le-president-tebboune-prend-une-serie-de-mesures-complementaires

(03)-http://www.aps.dz/economie/103250-hydrocarbures-5-mds-usd-de-recettes-pour-l-algerie-jusqu-a-fin-fevrier

(04)-https://www.dzairdaily.com/algerie-baisse-petrole-recettes-hydrocarbures-5-milliards-dollars-2020/

(05)- https://fr.investing.com/commodities/brent-oil-historical-data

(06)-https://www.mees.com/2020/3/13/news-in-brief/algeria-to-italy-gas-slump/40b8c910-653e-11ea-8d33-05d77048930a