Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Pourquoi la Chine a remplacé la défunte Union soviétique face à l'Amérique ?

par Medjdoub Hamed

«La république universelle pourra-t-elle être un point de fusion des oppositions politiques, comme une unique manière pour faire émerger un monde unipolaire. » Cela peut-il être pensé un jour ? Et mettre fin aux antagonismes politiques dans le monde tant au sein des nations qu'entre les nations. On ne peut pas juger, tout peut arriver. Cependant, il y aura un problème de sens de l'existence. Sans antagonismes, le monde humain serait-il viable ?

« Si l'humanité parvient à un monde unipolaire. A notre sens, c'en est fait de l'humanité. Une existence où il n'y aura que l'ennui, la béatitude universelle du moins pour ceux qui gouverneront le monde ». Dieu veut-il à l'être humain l'ennui, la béatitude ? Bien sûr que non. Le sens de l'existence ne serait pas. Que serons-nous alors dans notre béatitude unipolaire ? On ne pourrait penser notre existence, et l'existence ne voudrait rien dire puisque nous existerions sans vraiment exister. Et les autres du monde unipolaire, que seraient-ils dans la béatitude de la souffrance ? Existeraient-ils » ?

Savons-nous, nous humains, que l'existence humaine est un combat humain perpétuel ? On peut le penser, et tout le monde n'aurait pas la même opinion. Certains acquiesceraient, d'autres non, d'autres préfèreraient ne pas répondre.

Le Crédit social, le système moderne de notation des citoyens en Chine et les forces anhistoriques

Prenons un exemple concret, la Chine, par exemple, et son système de notation du gouvernement envers ses citoyens à travers le « crédit social ». Les internautes qui ont suivi des émissions, des reportages sur cette pratique officielle en Chine, conduite par les autorités chinoises, peuvent être sidérés, prendre même peur et on voit leur stupéfaction, dans les réactions sur les réseaux sociaux.

Mais où est le problème puisque cela existe, et peuvent prendre peur ceux qui ne sont pas habitués ou ne connaissent pas ce système. Et c'est la première fois qu'ils l'entendent. Oui, on peut être choqué. Le peuple chinois pourtant s'en habitue de ces pratiques, bien au contraire, il ne pose pas de problèmes. Mais pour comprendre sa réaction tout compte fait naturelle, peut-être que le peuple chinois s'y plaît même. Il ne se révolte pas, il trouve sa sécurité, son compte, puisqu'en interrogeant les ordinateurs accessibles dans les mairies et ailleurs, il peut savoir sa notation par le nombre de points qu'il a à son crédit, et savoir s'il est un bon citoyen ou non. Et, par la notation, considérée comme un mauvais citoyen, le Chinois qui est dans cette situation se corrige et peut regagner des points. En revanche, nous qui ne vivons pas en Chine, avons d'autres mœurs, ces pratiques nous semblent invraisemblables, particulièrement terrifiantes à la seule pensée que l'on est surveillé matin et soir, 24 heures sur 24 heures. Mais si le peuple chinois est heureux dans cette situation, cela signifie seulement que le Parti communiste chinois a réussi à fidéliser le plus d'un milliard de Chinois dans sa politique. Et c'est cela qui compte pour le PCC puisqu'il a réussi à inscrire dans la prospérité une grande partie du peuple chinois.

Maintenant, dire que le système de surveillance sociale est exportable, ce n'est pas gagné. Les peuples des pays du reste du monde qui ne sont pas embrigadés dans des idéologies totalitaires se cabreraient à la seule idée que cela pourrait être possible. S'il était bien vu par les peuples, ce système aurait certainement été copié, et les gouvernements auraient gagné en affaire, i.e. en stabilité politique, par exemple. Sauf que ce système de contrôle « communiste » inspire la peur, les autres peuples étant plus libres ne peuvent s'imaginer qu'un tel système puisse exister dans le monde et concerner une grande nation, des plus peuplées du monde. Soit 18% de la population mondiale, près de 1,4 milliard d'êtres humains.

Mais, si on regarde l'histoire, et comment la Chine est arrivée à ce système, on constaterait qu'il y a un processus logique de causes à effets qui a fait que la Chine est arrivée à ce stade historique d'aujourd'hui. Rappelons que ce sont les crises monétaires dans les années 1970, la crise d'endettement mondial des années 1980 et la dérégulation financière qui a suivi en Occident qui ont amené le pouvoir communiste chinois à convertir son système de gestion économique socialiste en système socialiste de marché. En quelque sorte, ce sont ces événements qui ont tracé la voie à suivre à la Chine. S'il n'y avait pas eu des crises monétaires et pétrolières dans les années 1970 et le relèvement drastique du taux d'intérêt de la Banque centrale américaine (FED), et l'endettement mondial qui a suivi, la Chine serait restée ce qu'elle a été un pays pauvre. Même si elle a accédé à la l'arme atomique. Donc, le processus qui a engendré la mutation de la Chine relève de forces anhistoriques. Dans le sens que non pas la Chine a fait son histoire, mais que son histoire a été faite pour elle. Elle a subi les forces historiques qui l'ont amenée à ce stade historique dont elle n'a jamais rêvé. La Chine est donc un produit de l'histoire. Et cela est valable pour toutes les nations. Mais, au-delà de la marche de l'histoire, les forces anhistoriques relèvent du sens de la Création. Et par Création, on entend les desseins de Dieu. Par exemple, au début des années 1900, la Chine, qui était un empire impérial, rien ne la prédestinait à devenir un État communiste en 1949. C'est valable aussi pour l'Union soviétique. De même, rien ne prédestinait la Chine à devenir la deuxième puissance économique du monde en 2010.

Et elle l'est devenue. Pourquoi l'Inde, à peu près de même taille démographique que la Chine, ne s'est pas hissée comme la Chine, certes, elle est parmi les dix premières puissances du monde. La réponse se trouve dans l'histoire et la configuration de puissance par le passé. La Chine était un bloc uni excepté une courte partie de son histoire, alors que l'Inde était une nation dispersée et de surcroît longtemps colonisée. De plus, juste à l'indépendance, il y a une scission avec le Pakistan.

On comprend pourquoi la Chine est un système politique à part. Et cette configuration le doit à des forces anhistoriques dans le sens que ce n'est pas la marche de l'histoire qui a opéré cette architecture mais l'architecture telle qu'elle devait être construite. On peut extrapoler, dire pour ce qui concerne qu' « en Chine, tout est sous contrôle » ! que ce n'est pas le Parti communiste chinois qui en a été l'initiateur de ce système de contrôle social. En fait, c'est le progrès cybernétique qui a ouvert la porte en appuyant le régime totalitaire. En clair, le progrès est arrivé à point pour décupler la puissance de la Chine. Et là encore, le progrès est anhistorique pour le pouvoir chinois.

Sans le progrès, sans les ordinateurs, les caméras, les logiciels de contrôle, ce contrôle dense de 1,4 milliard de Chinois ne se serait pas opéré. Mais la Chine communiste serait restée néanmoins communiste. Donc, il existe une synergie de causes qui font que des processus émergent et n'émergent pas partout. Ils émergent pour une catégorie de population, dont le peuple chinois, mais pas pour d'autres. Mais s'il a été imposé, force de dire qu'il a été surtout consenti par les forces anhistoriques. Le progrès n'est pas historique, il émerge de l'esprit de l'homme, de sa pensée, comme le mouvement marxiste qui a donné les régimes communistes et a fait émerger des esprits éclairés. Ces esprits ont vu dans le communisme une force de libération contre les forces capitalistes exploitantes. Ils ont visé l'instauration d'une société sans classes sociales, et une socialisation économique et démocratique des moyens de production. Donc, l'histoire de l'humanité avance par l'esprit de l'homme et de la pensée globale sur son devenir.

La similarité économique historique entre le Japon et la Chine à trente ans d'intervalle

Le contrôle par caméras-ordinateurs de la population chinoise n'est en fait qu'une initiative nouvelle, une intention du pouvoir pour renforcer la cohésion du peuple chinois autour de lui et, se faisant, assure la protection du système de gouvernance chinois. Le PCC est conscient que son système communiste est un régime à part, qui évolue pratiquement seul dans le monde. La Corée du Nord et deux ou trois nations qui ont ce système dictatorial les plus fermés du monde. Avec la mondialisation, le pouvoir chinois a peur des démocraties libérales occidentales qui trouvent écho auprès des peuples du reste du monde parce qu'elles reposent sur la volonté du peuple souverain.         Ce qui n'est pas le cas pour les régimes socialistes autoritaires qui ont partout éclaté et fait faillite. La crainte de cette faillite hante certainement les pouvoirs politiques en Chine, qui s'efforcent de trouver la parade.

Cependant, dans un sens, cette innovation par la surveillance, le contrôle facial et comportemental, n'est pas négative en soi du moins pour le peuple chinois dans la mesure où le pouvoir politique apporte la prospérité à la population. Et c'est ce qui s'opère, une forte croissance économique qui profite au peuple chinois et légitime tout contrôle même s'il choque les autres peuples du monde.

D'autre part, comme on l'a énoncé plus haut, cette prospérité lui a été apportée par l'étranger, par les puissances adverses.

Là encore, la Chine n'y est pour rien dans l'impulsion de l'histoire qui allait la propulser en grande puissance susceptible aujourd'hui de bouleverser les rapports de force dans le monde. Et cette situation pour la Chine n'est pas nouvelle.

Prenons le Japon, comme le miracle des années 1960 et 1970, après son ascension fulgurante sur le plan économique. En trois décennies, après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il s'est hissé au rang de 2e puissance économique du monde. Et, le paradoxe est que son ascension économique fulgurante, le Japon la doit d'abord à la Chine, ensuite aux États-Unis. Comment ? En 1945, le Japon, après la nucléarisation d'Hiroshima et Nagasaki, a été occupé par les États-Unis. Il a perdu sa souveraineté. En 1949, avec la proclamation de la République populaire de Chine (RPC), la situation géopolitique change totalement en Asie. L'avènement de la Chine communiste pousse les États-Unis à ne plus considérer le Japon comme une nation ennemie mais une nation amie. Et c'est ainsi que, reconstruit avec l'aide américaine, le Japon est intégré dans la politique d'endiguement du communisme chinois et soviétique.

Et cette situation de guerre froide entre le bloc Est et le bloc Ouest jusqu'au dégel de la guerre froide, au début des années 1970, avec le voyage pour la première fois d'un président américain, Richard Nixon, en Chine et URSS. La reconnaissance de la République populaire de Chine à l'ONU par l'Occident, qui a pris la place de Taïwan, a changé le cours de l'histoire. C'était la première pierre de l'édifice qui a commencé à se construire dans la mutation du monde, et aujourd'hui, le processus de construction de cet édifice n'est pas terminé, cependant, il est déjà avancé.

Aussi constate-t-on que ce qui a prévalu pour le Japon au début des années 1950 va se prévaloir aussi pour la Chine, au début des années 1970, et il faut le dire, avec l'essoufflement de la politique d'endiguement du communisme en Asie. Le désastre dans la guerre au Vietnam en a été l'amorce d'une nouvelle ère de paix et de rapprochement entre les grandes puissances. Comme si l'histoire de l'humanité évolue en cercles concentriques de plus en plus larges.

D'abord, le miracle économique du Japon grâce à la volte-face de la stratégie des États-Unis en Asie. Ensuite, la conversion de la Chine au socialisme de marché qui va ouvrir une nouvelle dynamique économique dans le monde. Un point cependant, il est capital, le communisme chinois a fait sa mue. Ce n'est plus la conception marxiste d'une société sans classe qui a cours en Chine, mais une société de classes dont la plus grande est l'émergence de la classe moyenne. De plus, aujourd'hui, selon le classement de Forbes, le nombre de milliardaires chinois en milliards de dollars dépasse le nombre de milliardaires américains.

Ce qu'il y a aussi de saisissant dans l'ascension fulgurante de la Chine qui est d'une certaine manière la reproduction du même processus qui a permis l'ascension du Japon, c'est que cette similarité joue aussi dans le déclin. En effet, le miracle japonais était en passe dans les années 1980 de supplanter sur le plan économique les États-Unis. Aussi, le protectionnisme occidental à son encontre et la réévaluation du taux de change du yen japonais en 1985 ? les accords de Plaza, à New York, qui l'ont forcé à réévaluer sa monnaie ? ont suffi à retourner l'économie japonaise à tel point que la crise boursière et immobilière de 1990 a mis fin à l'ambition du Japon de ravir la place des États-Unis de 1ère puissance économique mondiale.

Bien plus, le Japon s'est trouvé à opérer avec la Chine comme les États-Unis l'ont fait avec lui dans les années 1950.

En effet, devant le protectionnisme occidental, et sans alternative, la seule issue pour son économie très dépendante du commerce extérieur a été d'externaliser les entreprises à forte demande de main-d'œuvre dans les pays voisins. Précisément, la Chine et son marché le plus grand du monde a été le premier destinataire des délocalisations d'entreprises japonaises. Il est suivi par les autres pays industrialisés d'Asie (Taïwan, Corée du Sud, Singapour...), les pays d'Europe, les États-Unis. La compétitivité chinoise par la discipline, le savoir-faire vite intégré et le faible coût de la main-d'œuvre chinoise ne laissent aucune alternative aux pays industrialisés. Fermer leurs entreprises non compétitives ou les délocaliser en joint-ventures vers la Chine. Et moins en Inde et les autres pays d'Asie à faible coût de main-d'œuvre.

Que peut-on dire de cette similarité économique entre le Japon et la Chine à trente ans d'intervalle ? Le processus appartient aux forces anhistoriques. En clair, ce sont les conjonctures et les tournants de l'histoire précisément qui ont fait décoller le miracle japonais. De même pour le décollage économique de la Chine. Par conséquent, la montée en puissance de ces deux pays ne s'est pas faite par les seules forces internes et du hasard, mais en premier par les forces externes qui sont anhistoriques, relevant d'un processus économique mondial. Et ce sont elles qui ont provoqué en Chine comme au Japon un changement économique et social brusque et spectaculaire, et qui a entraîné une modification profonde de leurs structures industrielles et manufacturières.

L'histoire de l'humanité n'est pas chaotique, tout s'agence dans l'ordre des événements logiques pour faire avancer l'humanité. Si la Chine aspire à devenir la première puissance mondiale du monde dans les décennies à venir, c'est dans l'ordre des choses. Mais pour réussir son ascension, il faut que l'anhistoricité soit de son côté. Autrement dit, au-delà de la volonté de puissance, l'anhistoricité doit lui être tributaire, c'est-à-dire l'inscrit dans la marche favorable de son histoire.

La Chine n'utilise pas la force militaire comme les États-Unis, mais uniquement la stratégie pacifique win-win (gagnant-gagnant)

Il faut rappeler que l'Union soviétique a joué un rôle de contrepoids dans l'ascension et la domination des États-Unis sur le reste du monde. La Chine était certes crainte, mais n'avait pas l'envergure de l'Union soviétique dans la guerre froide ? le monde était réellement bipolarisé entre l'Est et l'Ouest. Et ce sont les deux supergrands qui dirigeaient pour ainsi dire le monde. Même la Chine a profité du parapluie nucléaire soviétique. Cependant, l'URSS disparu de l'histoire, le monde est devenu unipolaire, donc « orphelin » d'une superpuissance qui seule pouvait contenir et calmer les ardeurs de domination de la première puissance du monde.

Or, la Chine, aidée dans son ascension par toutes les grandes puissances économiques, non par générosité mais par soucis mercantilistes, faisait d'elle le seul marché mondial sûr et qui pouvait permettre aux autres puissances industrielles du monde de maintenir leurs productions. Des délocalisations d'entreprises économiques en Chine qui s'inscrivaient en donnes anhistoriques. Et c'est ce qui fait l'histoire a fait son choix, la Chine était en train de remplacer progressivement la défunte Union soviétique pour contrer l'hégémonie de la puissance américaine.

Et la Chine a pleinement réussi son rôle de contrepoids stratégique dans le monde. On comprend pourquoi, le progrès aidant, le PCC verrouille l'actualité politique intérieure. Pourquoi cette précipitation surtout dans les années 2010-2020 ? Sachant que son ascension est une vérité confirmée, ses performances économiques mondiales sont une réalité. La Chine est pratiquement dans tous les continents, son expansion fait d'elle l'« atelier du monde ». L'économie mondiale passe par la santé économique de la Chine, si la Chine s'enrhume, le monde prend la grippe.

Aussi, les mesures intérieures prises comme la reconnaissance faciale, le suivi de bons et mauvais citoyens chinois par la notation à l'échelle de 1,4 milliard de Chinois qui choquent certes le reste du monde, mais la mesure est presque normale pour le peuple chinois. Et cela est dû à l'embrigadement communiste de la Chine qui exige discipline et fidélité au parti communiste.

Et 70 ans de ce régime politique totalitaire pur et dur, non seulement ont suffi au formatage des consciences, mais surtout ont permis la montée en puissance de la Chine, la montée du nationalisme aussi, qui font de plus en plus apparaître la Chine comme la 1ère puissance économique du monde. Et cela lui donne aujourd'hui la force pour peser dans l'échiquier mondial et inspirer la crainte à l'Occident.

Dès lors, peut-on dire, cette crainte sur la puissance chinoise est réelle et partagée tant pour l'Occident et pour le reste du monde. Voir la Chine prendre le leadership mondial revient pour l'Occident comme pour les pays du reste du monde à se voir imposer inévitablement un système de gouvernance dicté par la Chine. Bien sûr, ce processus se fera à la carte, selon les spécificités en puissance, en importance stratégique et intérêt propres à chaque région. Et toujours dans le cadre pacifique win-win (gagnant-gagnant) alors qu'en réalité, la stratégie de la Chine est de renforcer son leadership mondial sans heurt. Si une nation se trouve endettée vis-à-vis de la Chine et ne pourra rembourser sa dette, ce sera à elle d'assumer son endettement et de se trouver à octroyer des territoires (ports, terres agricoles, etc.) à son prêteur pour une durée de 99 ans comme cela s'est déjà opéré dans plusieurs pays du monde. Un processus qui doit amener le pays d'accueil à prendre conscience des redoutables répercussions s'il baisse la garde dans les négociations et surtout son comportement (corruption, népotisme, détournements) avec le pays qui lui apporte ce dont il a besoin.

La Chine n'utilise pas la force militaire comme les États-Unis, mais uniquement sa puissance économique pour aligner en sa faveur les pays du reste du monde. Et elle réussit pleinement. Si un pays ne profite pas de ce cadre pacifique win-win avec la Chine, c'est que son système de gouvernance est en défaut. Et on comprend le souci de la Chine de traiter d'une manière constructive avec tous les États du monde. Elle sait que seule la puissance économique lui permet de peser sur l'échiquier de puissance mondiale.

D'autant plus que son système de gouvernance hybride en socialisme de marché et régime communiste l'isole sur le plan mondial. Aussi, les mesures pour souder le peuple chinois par la discipline et l'unité et peu importe les moyens de contrôle et de surveillance utilisés sont des options stratégiques et vitales pour le PCC.

La récente loi de la sécurité à Hong Kong entre dans la stratégie d'unification et de fidélisation des peuples dans la mère patrie. La Chine se devait de mettre fin aux revendications démocratiques et séparatistes de la population hongkongaise. La population de Hong Kong espérait que le régime communiste de la RPC disparaîtrait avant la date du retour de son territoire prévu en 2047. Mais les forces anhistoriques ont décidé autrement pour Hong Kong. Il demeure pour Taïwan, le même processus. Considérée depuis toujours une partie intégrante de la Chine, ce n'est qu'une affaire de temps, Taïwan reviendra à la nation mère.

Aujourd'hui, le monde est en pleine pandémie, qu'en est-il des rapports entre les grandes puissances, en particulier avec la Chine ? L'ordre du monde a mis en place, après 1945, les États-Unis et l'Union soviétique. Cette dernière effacée, la Chine a pris la place de la défunte Union soviétique. La Russie lui est solidaire. Avant même la pandémie, la guerre commerciale a été lancée contre la Chine par l'administration Trump. Mais la Chine a tiré parti de cet ordre, et à mesure qu'augmente son poids stratégique, et il augmente, elle va chercher de plus en plus à en définir les règles et les normes. Ce qui est naturel dans le rapport des forces dans le monde, comme d'ailleurs l'ont fait et le font encore les États-Unis. La puissance américaine continue de s'imposer au monde

La « ceinture », les « nouvelles routes de la soie », un « Plan Marshall bis » pour la Chine. Vers un modus vivendi mondial ?

Le Covid-19 a compliqué l'état du monde. Le chômage de masse, la paupérisation montante et les bouleversements créés dans la vie des populations par les changements économiques liés à la pandémie créent les conditions propices à des approches protectionnistes. Les droits de douane et les quotas d'importation vont se durcir. L'Occident va chercher à affermir les zones d'intérêt régionales pour contrer la Chine, qui fera de même pour affermir ses propres zones d'intérêt pour son économie. Ce qui ne fera qu'accroître les conflits d'ordre économique

Cependant, une guerre économique qui risque de durer et qui se complique par les conséquences de la pandémie sera hautement préjudiciable pour les deux parties. Ni la Chine, ni les Etats-Unis, ni l'Europe, ni le reste du monde ne gagneront dans le protectionnisme, la création de zones économiques rivales, et donc la neutralisation réciproque. Un bras de fer qui sera difficile mais non moins nécessaire vu la situation de rivalité. Certes, chaque partie cherchera à exploiter ses avantages sur l'autre. Mais dire que la Chine va creuser son avance sur ses concurrents n'est pas juste. Pourquoi ?

Puisque, malgré toute sa puissance économique, la Chine ne cesse d'être confrontée à la décélération économique mondiale depuis la crise de 2008, et surtout depuis que la Réserve fédérale (Fed), c'est-à-dire la Banque centrale américaine, a mis fin au troisième programme de quantitative easing (QE3) en 2014.

A partir de cette date, le prix du baril de pétrole a chuté et est resté bas pratiquement depuis. Et cela fait sept ans. Aujourd'hui, il fluctue autour de 40 dollars, bien loin de plus de 100 dollars le baril, antérieurs à 2014.

Pour cause, la décélération économique n'a-t-elle pas poussé la Chine à opter pour un projet appelé la « ceinture », ou les « nouvelles routes de la soie », et déjà mis en œuvre. Un projet que l'on peut appeler aussi un « Plan Marshall bis ». Il faut rappeler que dans les années qui ont suivi la fin de la 2ème Guerre mondiale, les États-Unis ont souffert économiquement. Le formidable réservoir de forces productives qui a suppléé à l'industrie européenne durant la guerre 1939-1945 aux États-Unis s'est trouvé brusquement bloqué en bonne partie à la fin du conflit. À l'époque, les États-Unis ont voulu aidé les pays européens à se reconstruire. Mais, les pays européens, endettés, étaient insolvables. Par conséquent, il fallait mettre sur pied aux États-Unis un plan qui servirait à aider les pays alliés à se reconstruire mais aussi à sauver l'industrie américaine de la débâcle et de la destruction en masse d'emplois. Un plan qui aurait permis d'éviter la dépression économique des années 1930 avec un taux de chômage de plus de 40% à l'époque. La plus grave dépression économique dans l'histoire américaine. Et ce plan s'appelait le plan Marshall du nom du secrétaire d'Etat américain aux affaires étrangères, George Marshall.

Même processus, la Chine devait donc sauver son économie à l'instar de ce qui s'est passé aux États-Unis dans les années 1940. Le seul inconvénient est que la mise en œuvre de la « route de la soie », la Chine ne doit pas lésiner et rester « mercantiliste » avec les pays partenaires. Sinon, son projet de construction d'infrastructures publiques (ports, aéroports, autoroutes, voies ferrées, habitats, etc.) dans la route de la soie risque d'être en dessous des attentes. Et c'est la Chine qui sera en premier affectée sur le plan économique, et donc en termes de fermeture d'entreprises productives et de destructions d'emplois.

Aussi, on peut penser que les conséquences de la pandémie et le chômage de masse va pousser les États-Unis, la Chine et l'Europe à un « modus vivendi », c'est-à-dire atténuer les tensions, les rivalités dans le commerce mondial, mettre en place des mesures protectionnistes si nécessaire mais laisser la porte ouverte aux échanges, aux négociations pour relancer l'économie mondiale qui, à bien des égards, reste urgente et profitable pour toutes les parties. En clair, des plans de relance économique de part et d'autre.

Rien n'exclut, après une reprise générale de l'économie mondiale, de relancer les mesures nécessaires pour les États-Unis comme pour l'Europe et le Japon de sécuriser leurs économies contre l'expansionnisme économique chinois. La Chine ne va pas forcer les barrages économiques de l'Occident, mais il est de son droit de poursuivre sa présence économique dans tous les continents. Ce qui, tout compte fait, par sa puissance économique, est profitable à tous les pays du monde, qu'ils soient africains, sud-américains, asiatiques, européens, nord-américains. L'Occident y trouvera aussi son compte. Puisque les pays en voie de développement, s'ils deviendront solvables et se constitueront des réserves de change suffisantes, ils pourront constituer un moteur supplémentaire tant pour la Chine que pour l'Occident et les autres pays industrialisés entre les deux pôles que sont la Corée du Sud, le Mexique, l'Indonésie, le Brésil...

Ce n'est pas la Chine et l'Occident qui ont fait la Chine d'aujourd'hui, mais Dieu, le « Sauveur » du monde

Enfin, un dernier point qu'il faut expliciter, et il est impératif sinon on ne pourrait comprendre la dynamique qu'a permis l'anhistoricité dans le développement et la marche du monde. Peut-on penser réellement que la montée en puissance de la Chine le doit seulement aux délocalisations d'entreprises occidentales et asiatiques, et donc à l'ouverture du marché chinois, au faible coût de la main-d'œuvre chinoise, à la discipline et à la rapidité d'assimilation des procédés technologiques de cette main-d'œuvre qui a fait la puissance économique aujourd'hui de la Chine ? Non, dans l'absolu, ce n'est pas la Chine et l'Occident qui ont fait la Chine d'aujourd'hui. Cela devait être ainsi. Pourquoi ?

Tout simplement, si la puissance chinoise n'a pas pris le relais de la défunte Union soviétique, et le monde serait resté unipolaire, le monde aurait vécu un cauchemar. On aurait eu des dizaines, voire des centaines de prison Guantanamo, des chaînes d'êtres humains irakiens, afghans, iraniens et autres enchaînés et montrés à la télévision, des pendaisons collectives.

Des prisons du type Abou Ghraïb, en Irak où des actes de torture, d'humiliation et de mauvais traitements seraient perpétrés, devenant monnaie courante. L'Iran serait tout simplement nucléarisé. Des villes iraniennes seraient effacées de la carte. Et des millions de morts.

Pourquoi ? Pour que vive la domination absolue d'un monde unipolaire. Comme on l'a dit tout au début, la vie humaine serait une béatitude universelle pour les uns, ceux qui gouverneront le monde. Une béatitude de plaisir et d'ennui, donc, pour les nantis de l'ordre unipolaire. Et pour les autres, les non nantis, donc, les esclaves, une « béatitude de souffrance ».

L'existence humaine aurait-elle alors un sens ? Non ! Et c'est la raison pour laquelle existe Dieu, le Créateur du monde, le « Sauveur » du monde. C'est lui qui a fait la Chine, et devait servir à remplacer la défunte Union soviétique et à neutraliser la volonté de puissance de la démocratique Amérique.

Et la démocratique à neutraliser aussi la volonté de puissance de la Chine. Et on comprend que la marche de l'humanité n'est pas chaotique, elle est précise comme une équation mathématique, et Dieu en donne toujours la solution. Et la solution réside en une phrase : « les humains sont protégés mais leur existence est un combat perpétuel, et c'est ce combat qui donne sens à la vie ».

*Auteur et chercheur spécialisé en Économie mondiale, Relations internationales et Prospective