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On était en droit de rêver: Pour l'heure on est dans le «non Maghreb !», par opposition au «tout Maghreb»

par Cherif Ali

Avec nos frères marocains, nous n'avons aucun problème, ce sont eux qui semblent avoir un problème avec nous ! (Abdelmadjid Tebboune à France24)

Et d'ajouter « si eux pensent qu'il faut prendre une initiative, elle sera la bienvenue ! » Des initiatives marocaines, il y en a eu comme celle qui est venue, faut-il le rappeler, à moins de quelques semaines des négociations sous l'égide de l'ONU avec le Front Polisario à Genève et à l'occasion de la célébration du 43 ème anniversaire de la Marche verte et l'invasion du Sahara Occidental. Dans certaines capitales européennes, on s'était même réjoui de cette proposition pour une reprise des relations entre l'Algérie et le Maroc. Mais, d'autres y ont vu une sorte d'appel à témoins de la communauté internationale, selon laquelle Rabat ne peut aucunement être accusé de bloquer les relations avec l'Algérie et que c'est bien ce pays qui met en difficulté d'abord une difficile réconciliation avec le Maroc et, mieux, qui est à l'origine du blocage du fonctionnement des institutions de l'Union du Maghreb arabe (UMA). Le roi du Maroc avait pensé avoir mis l'Algérie au pied du mur en l'appelant au dialogue, mais c'est elle qui l'a mis dans cette situation en lui retournant « le principe de la nécessité d'une telle démarche, mais dans le cadre des organes de l'UMA qu'il a désertée » !

La réponse du berger à la bergère

Alger a ainsi recadré le Maroc en l'ap-pelant à reprendre de bonne foi le cours de la construction maghrébine, en panne depuis de nombreuses années ! La réponse d'Alger à ce que certains ont cru voir «une main tendue du Maroc» est donc venue, globale et intégrée dans la relation maghrébine. Car pour l'Algérie il est d'abord vital de reprendre le cours de la construction maghrébine là où il a été laissé, ensuite renouer et s'il le faut resserrer les liens entre tous les pays maghrébins avec comme seul objectif un nouveau départ. Elle s'inscrit en droite ligne de la conviction intime et maintes fois exprimée par l'Algérie de la nécessité de la relance de l'édification de l'ensemble maghrébin et de la réactivation de ses instances. Voyant le coup venir et de manière très diplomatique, Alger avait expliqué donc, que «l'offre» faite à l'occasion de l'anniversaire de la marche verte n'est rien de plus qu'une nouvelle manœuvre visant à incriminer l'Algérie et à ternir son image! Le Maroc comme à son habitude, a tenté de dribbler en affirmant que « la demande algérienne est sans rapport avec l'initiative Royale. Celle-ci est purement bilatérale, alors que la démarche algérienne s'inscrit dans le cadre de la relance de la construction régionale ». Par la suite, il y a eu cet épisode incroyable du consul du Maroc à Oran qui a traité l'Algérie de « Pays ennemi » ! Ce qui a eu pour effet, d'assombrir davantage et le ciel et les relations entre l'Algérie et le Maroc. Pour l'heure on est dans le «non Maghreb !», par opposition au «tout Maghreb», dont on était en droit de rêver !

Et pourtant, il y a à faire dans la zone maghrébine !

La somme de 100 milliards de dollars supplémentaires par an a été, par exemple, énoncée ! Elle correspondrait à des bénéfices qu'auraient pu engranger les économies du Maghreb, si leurs pays cessaient de se regarder en chiens de faïence et décidaient, enfin, de coopérer ! L'information, rapportée par l'hebdomadaire Jeune Afrique, est imputée à Abderrahmane Hadj Nacer, l'ancien gouverneur de la Banque Centrale d'Algérie et fervent partisan de l'UMA qui, hélas, s'est révélée incapable de s'affirmer comme ensemble régional.

- Pas plus politique qu'économique !

Pourtant, l'Union promise était riche de promesses à sa naissance : « Union douanière » dès 1995, puis « Marché commun», à l'horizon 2000.

- A l'image de l'Union européenne !

Plusieurs années ont passées depuis et les économies du Maghreb continuent d'avancer en ordre dispersé malgré quelques rares initiatives comme la création d'une «Union maghrébine des employeurs» (UME) en 2007 et d'une « Union maghrébine des foires » en 2008 qui a tenu son premier salon à Alger. Le bilan est bien maigre, ce qui avait alarmé en son temps, le patron du FMI d'alors, Dominique Strauss-Kahn, qui, en 2008, lors d'une escale à Tripoli, a appelé « à accélérer la réalisation de l'intégration économique des pays de la zone ». Paradoxe, les économies du pays du Maghreb s'avèrent davantage tournées vers l'Europe que vers leurs voisins directs ! Plutôt aussi que de négocier, en force, avec l'Union européenne, la Tunisie le Maroc et l'Algérie ont fait cavalier seul, sans pour autant en tirer des avantages commerciaux et douaniers. Ce n'est quand même pas compliqué de s'appliquer à eux-mêmes les relations commerciales et douanières qu'ils ont avec l'UE, s'est étonné DSK à Tripoli. La zone maghrébine a pourtant de quoi séduire, elle offre un marché de 200 millions de consommateurs à l'horizon 2021 ! Sauf que les dures réalités du terrain freinent toutes les initiatives : marchés aux besoins mal identifiés, lourdeurs bureaucratiques, barrières tarifaires, systèmes bancaires peu concurrentiels et donc, faible soutien à l'investissement productif ! Réaliser la communauté économique maghrébine ferait gagner à ses membres une valeur ajoutée annuelle d'environ 10 milliards de dollars, soit l'équivalent de 5% de leurs produits intérieurs bruts cumulés (paroles d'experts!) Actuellement, d'éminents universitaires de la Méditerranée, dont le professeur algérien Abderrahmane Mebtoul, tentent de relancer le débat et d'attirer ainsi l'attention des décideurs sur les avantages d'un Maghreb uni ; « il serait suicidaire pour chaque pays du Maghreb de faire cavalier seul », relève le professeur qui affirme : « l'intégration économique régionale est une nécessité historique » . Et sans inclusion euro-méditerranéenne, le Maghreb serait bien davantage balloté par les tempêtes du marché, avec le risque d'une marginalisation croissante ; une sortie des radars de l'histoire, a prédit l'éminent professeur qui a ajouté : « On peut faire avancer l'intégration maghrébine par des synergies cultuelles et économiques comme cela s'est passé entre l'Allemagne et la France, grâce au programme Schuman du charbon et de l'acier ». Et les exemples sont nombreux entre tous les pays du Maghreb, la combinaison du gaz algérien et du phosphate marocain au moyen de Co-partenariats internationaux bien ciblés, permettrait de créer une des plus grandes entreprises d'envergure mondiale d'engrais, selon les experts, comme le professeur Mebtoul.

- Ces derniers recommandent également :

- La redynamisation de la « Banque maghrébine d'Investissement »

- la création d'une « monnaie maghrébine», à l'image de l'euro européen

- Ainsi que la mise en place d'une « Bourse maghrébine» qui devrait s'insérer « horizon 2021 », au sein du projet de création de la Bourse euro-méditerranéenne. Tous ces projets, s'ils étaient mis en œuvre, contribueraient, à coup sûr, à la prospérité du Maghreb et de ses habitants ! Certes, c'est encore un rêve, diront certains, au regard des obstacles de toutes natures qui ne sont pas à négliger. Le business peut faire, dit-on, ce que les politiques ne font pas ! Mais ce projet de l'UMA ne semble guère mobiliser les dirigeants politiques, ou peu ou prou ! Et notre ami le roi via son consul d'Oran, en vient de faire la démonstration ! Malgré les déclarations qui affectent un positivisme de façade, et les échanges épistolaires des plus denses entre les autorités, les raisons de la discorde entre pays voisins demeurent les plus fortes.

Et pourtant, il y a des choses à faire !

Il y a de l'espace, par exemple, pour « la diplomatie économique », le Maghreb ayant toutes les potentialités pour devenir un pivot stable. Et aussi pour traiter d'égal à égal avec l'Europe et la Chine, par exemple. La diplomatie économique en France est le fer de lance du ministère des Affaires étrangères ; qu'on se rappelle des déplacements en Algérie de Laurent Fabius pour promouvoir le partenariat signé avec Renault et l'enthousiasme qu'il a mis pour faire aboutir le contrat ! Avec le Maroc, il y a des tensions qu'il faut aplanir et des rigidités qu'il faudrait assouplir. Si eux pensent qu'il faut prendre une initiative elle sera la bienvenue et ils peuvent prendre une initiative qui va clore ce dossier, vient d'affirmer à France24, le Président de la République Abdelmadjid Tebboune. La balle est donc chez nos voisins de l'Ouest !