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À propos de commerce, d'agriculture et d'industrie

par Arezki Derguini

Dans le cours mondial actuel, pour nous industrialiser il faudrait opérer selon deux principes : premièrement, rendre à la production, la consommation et l'échange leur unité sociale d'un côté de sorte que la société puisse réguler leurs interactions ; deuxièmement, préserver l'unité du savoir et de la société de sorte que l'accumulation ne concentre pas les capacités (le savoir-pouvoir-faire) à un pôle de la société. Sans un fonctionnement effectif de ces deux principes, il ne sera pas possible de conjuguer efficacité économique et cohésion sociale. Ainsi peut être résumée la thèse ce texte.

Refaire l'unité de la société marchande, relégitimer ses hiérarchies

Les producteurs et les consommateurs ne peuvent pas contrôler leurs conditions de production et de consommation, s'ils abandonnent la gestion des marchés desquels ils dépendent à des forces extérieures [1]. La réalisation de l'identité de la production et de la consommation ne sera pas alors leur fait. Sans l'aide des « mandataires », les agriculteurs par exemple (ou l'État) ne peuvent pas disposer de l'information complète dont ils ont besoin pour réussir. Ce sont les interactions entre producteurs, marchands et consommateurs qui vont définir les productions et les marchés. Du fonctionnement de ces interactions dépendra l'équilibre de la société. Leur domination par une fraction de la société, si elle n'est pas justifiée aux yeux de la société, sera à l'origine de déséquilibres qui pourraient être de ruptures.

Une dualisation particulièrement handicapante est celle héritée de la période socialiste qui séparait production et échange en étatisant le commerce. Cela est particulièrement clair en agriculture ou les marchands (les mandataires) ont été considérés comme des parasites, des spéculateurs plutôt que comme les organisateurs du marché des produits agricoles. Il en a résulté la formation de marchés disjoints et incohérents. Les acteurs agricoles subissent un découpage de leur activité. N'en étant pas les agents, ils sont incapables de lui donner une unité, une polarité. Or dans l'activité marchande, c'est par l'échange que se coordonne l'activité économique et non par la production. C'est dans l'échange que producteurs et consommateurs se confrontent, que production et consommation se globalisent. Qu'une telle coordination globalisation soit effectuée à priori (planification) par les agents ou advienne a posteriori dépend de la trame des rapports sociaux [2]. Le marchand, le mandataire dans le cas de l'agriculture, est l'intermédiaire par lequel pour le producteur le marché (les autres producteurs, les consommateurs, les autres marchands) existe. Le gros mandataire, le négociant, est celui qui a le plus de rapports avec les producteurs et dispose de la meilleure connaissance des conditions de production en général. Il parcourt le marché, les conditions de production, à la différence du producteur. Dans l'activité agricole, c'est le négociant qui tiendra la fonction de banquier, car c'est lui qui sait s'il faut prêter à tel producteur plutôt qu'à tel autre face à une hausse du prix d'un bien par exemple [3]. Il sait que telle production bénéficie de meilleures conditions ici ou là. Il y a une asymétrie d'information entre le mandataire et le producteur agricole. Selon que le mandataire partage l'information qu'il produit (avec les autres mandataires, les producteurs et les consommateurs), plus vite et meilleure est la diffusion du savoir agricole pertinent. On pourra ainsi répartir de la meilleure manière à un moment donné les différents modes d'existence de l'activité sociale entre les différents milieux, selon les interdépendances qu'ils souhaitent développer parce que disposant de la meilleure base d'information. On saura par exemple que s'il faut (pour la consommation nationale ou l'exportation) produire telle quantité de tel article, quelle répartition de la production entre les différents milieux ou territoires pourra en donner le meilleur produit.

Or une telle connaissance des conditions de la production ici et ailleurs est la production de tout un milieu et non pas de quelques personnes (mandataires) ou de personnes extérieures à l'activité (experts). Selon la qualité de la production et de la circulation de l'information, selon la propension du milieu à produire des institutions inclusives ou extractives, nous obtiendrons un paysage social et économique très différent. Quelle est la meilleure manière de produire tel article, par quel producteur et pour la société, avec quel financement ? Ces informations ne peuvent être produites que par le milieu lui-même, milieu qui peut faire dans la rétention de l'information pertinente ou sa promotion, institutions qui peuvent faire dans l'extraction exclusion ou la production inclusion.

Désétatiser le commerce ne signifie pas le livrer à la fiction libérale

Rétablir l'unité de la production, de la consommation et de l'échange, suppose que l'on fasse un pas de plus dans la désétatisation. L'étatisation de la commercialisation a pour principale justification la monopolisation des marchés : on libère la production, mais on contrôle les marchés. À la production planifiée on a substitué une production inorganisée, avec une invariante, le milieu dans lequel exerce producteur continue de lui échapper. Dès lors que la monopolisation n'apparaît plus comme une opération de défense d'une activité émergente, elle devient une opération de soumission du marché à des opérations asymétriques : les importateurs par une telle étatisation soustraient le contrôle du marché aux consommateurs, aux producteurs et à leurs mandataires et le soumettent à leurs interventions intempestives.

Il faut passer à l'étape de la désétatisation du commerce et permettre aux producteurs, aux consommateurs et à leurs mandataires d'interagir de sorte à définir les interdépendances et les équilibres auxquelles ils consentent.

Quand nous disons désétatisation, nous ne voulons pas dire libéralisation au sens de privatisation. Mais dans le sens de fabrication d'institutions inclusives, d'intérêts collectifs en mesure de tenir ensemble et séparément dans un tissu social donné. Il faut passer à une planification de la production par les producteurs eux-mêmes et au bénéfice de l'ensemble de la collectivité premier propriétaire des ressources productives. C'est la collectivité qui offre les ressources naturelles, le travail et la monnaie. La direction de la production n'est pas indépendante des producteurs, les producteurs ne sont pas indépendants de la collectivité.

La préservation de l'étatisation du commerce après la libéralisation de la production n'a constitué en fait que l'antichambre d'une privatisation de l'échange sous le contrôle d'une minorité sociale. Le marché est toujours organisé : il est chaos pour les uns et ordre pour les autres. Il est chaos pour les uns afin que d'autres puissent s'approprier les conditions de la production.

Socialisme et capitalisme ont opposé marché et plan. Ils ne s'opposent pas en vérité, ils se complètent, mais de manières diverses. Mis à part le fait que la planification puisse être institutionnalisée de façon plus ou moins personnelle ou impersonnelle, formelle ou informelle. La meilleure preuve en est la théorie de la concurrence pure et parfaite avec son hypothèse d'information parfaite. Cette hypothèse implique que le producteur se suffit de la connaissance du prix du marché et de sa courbe de coût pour déterminer sa décision de production et pour parvenir à un marché équilibré. L'hypothèse d'information parfaite élimine toutes les questions de coûts de transaction, d'asymétries d'information entre les agents économiques. Cette hypothèse nous transporte hors des conditions concrètes de la production, de leur connaissance concrète du milieu dans lequel opèrent les agents. Cette économie établie hors sol a peut-être pu servir de modèle dans les sociétés où elle a émergé, son abstraction ne pouvant être complète quoiqu'elle en dise, mais sa greffe n'a aucune chance de prendre dans les sociétés foncièrement différentes. Elle réussit à s'acclimater dans certaines sociétés (Allemagne, sociétés est-asiatique), mais semble inadaptée dans les sociétés précapitalistes segmentaires. Certaines prémisses ne peuvent être ignorées. L'information parfaite peut signifier hors de certaines prémisses ignorance parfaite. Un présupposé de base est la division de classes de la société : la classe dominante sait. Elle domine aussi bien le marché local qu'elle prétend dominer celui mondial.

La malédiction de l'inachèvement de l'accumulation du capital

Nous sommes dans le scénario d'une accumulation primitive qui se poursuit au sein d'une société segmentaire qui ne se construit toujours pas sur le paradigme de l'exploitation du travail. Toutes les sociétés dominantes qui se sont succédé au Maghreb central n'ont pas envisagé d'enraciner une exploitation de classes, ne se sont pas défaites de l'esprit de corps tribal en faveur d'un esprit de classes. La compétition tribale n'a pas donné naissance à une classe de guerriers. L'État colonial a constitué une tentative de greffe d'une division de classes sur une société segmentaire qui a avorté. Il n'a pas réussi une intégration de classes et a maintenu l'existence des deux sociétés distinctes qui ont fini par se séparer.

L'État postcolonial qui a démarré avec un rejet de l'Etat libéral, bien qu'étant revenu d'un tel rejet après son échec industriel, n'a pas réussi à se défaire de ses prémisses précapitalistes segmentaires. La société qui ne s'est pas construite autour d'une exploitation du travail, aura plus de mal à opérer une intégration de classes avec la globalisation des marchés qui s'accompagne d'une concentration mondiale de la puissance productive et d'une bipolarisation du marché du travail à l'échelle mondiale.

La crise mondiale, la chute du prix du baril de pétrole, vient contrarier les plans de privatisation douce des ressources publiques. La privatisation ne peut plus évoluer sans trop de bruit et de frayeurs. Les masques vont tomber et la société va devoir prendre son parti. Souhaite-t-elle confier son destin aux mains d'une minorité usant de la contrainte physique ou fera-t-elle appel à de nouvelles autorités en qui elle pourrait placer sa confiance ? Ou bien persistera-t-elle à ne pas vouloir choisir et à rester entre les deux ? Il semble qu'il ne puisse y avoir que la nécessité qui puisse la contraindre. La liberté, contrairement à ce qu'admet la science économique, est aussi celle de ne pas choisir.

La sortie de crise va de plus en plus s'apparenter à une remise à plat de nos constructions et une redistribution des ressources et des capacités. La persistance de la crise ne pouvant signifier qu'une progression dans la destruction des ressources. Une remise à plat et une redistribution de ressources et de capacités motivées, effectuées selon la perspective de ce que la société peut défendre et valoriser dans le monde d'aujourd'hui. Quels collectifs peuvent être formés autour de la protection et de la valorisation de quelles ressources et capacités ? Une industrialisation qui ne partirait pas d'une telle prémisse condamnerait la société à l'impuissance.

Concentrer ou distribuer la production, le savoir-faire ?

Ensuite, si l'industrialisation signifie concentration du savoir (et du pouvoir) de produire, la production ne pourra pas distribuer le revenu qui la rachètera si elle n'étend pas son marché extérieur (problème de solvabilité). La population qui sera libérée ne pouvant pas être déversée dans un nouveau secteur deviendra inutile.

En d'autres termes plus on concentrera la production, plus il faudra redistribuer pour assurer la cohésion sociale.

Ou bien dit autrement encore, plus on confiera la production à de grandes entreprises ou exploitations, plus l'État devra être en mesure d' « entretenir » les populations que ces entreprises ne peuvent pas employer, plus ce que gagnent ces entreprises devra être plus important que ce que la société perd en emplois et revenus de sorte que la société puisse prélever avantageusement sur elles ce qu'elle redistribuera. Plus la base fiscale sera étroite, plus la pression fiscale devra être forte : étranglement de l'activité ou déflagration sociale garantis.

J'ai déjà soutenu ailleurs qu'industrialiser signifiait mécaniser, automatiser un travail social préexistant au sein d'une division sociale du travail, des opérations et des interdépendances. La manipulation de ces opérations et interdépendances n'est pas sans conséquence sur la construction du tissu social et industriel. Une production nouvelle s'inscrit toujours dans un système « ancien » de production, elle conforte l'ensemble de la production ou la transforme (innovation disruptive). Industrialiser signifie donc élever la productivité du travail (produire plus avec moins), en faisant progresser la division sociale du travail, en allongeant/dépliant le travail ou en l'abrégeant. C'est tout l'esprit de la Richesse des nations d'Adam Smith au temps de la puissance impériale britannique. En élevant le pouvoir productif du travail, on doit étendre son marché afin qu'il n'y ait pas surproduction, afin qu'il puisse y avoir « déversement » de la population libérée dans de nouvelles activités [4]. L'usage de nouvelles médiations productives étend le réseau de la production ou le raccourcit. Et lorsque l'accroissement de la productivité ne s'accompagne pas d'une extension du marché, il y a surproduction et fabrication de populations inutiles [5]. Et quand nous parlons de division sociale du travail aujourd'hui, il faut penser en termes de mémoire du tissu social et industriel, la productivité renforce ou affaiblit la mémoire du tissu social selon les manières dont il fait tenir ensemble la population conséquentes à l'augmentation de la productivité.

En partant d'une définition du capital qui établit le savoir-faire comme le paradigme de toutes les formes de capital (la souche des autres formes de capital pour utiliser une métaphore biologique plutôt que linguistique), la forme de capital sans laquelle les autres formes ne peuvent pas émerger et être valorisées, on peut aller plus loin : industrialiser c'est substituer au travail comme matière de l'industrialisation le savoir-faire[6]. S'industrialiser doit signifier désormais améliorer le savoir-faire de la société, améliorer ses interdépendances industrielles, sa mémoire industrielle. L'échec de l'industrialisation réside dans le fait que la production industrielle a renforcé les dépendances extérieures qui ont présidé à son lancement plutôt qu'à la création et fortification d'interdépendances internes. L'automatisation ne constituant un progrès que si elle libère des capacités créatrices qui vont améliorer l'état de la société et la qualité de ses interactions, que si elle améliore les capacités de traitement de la mémoire sociale. Et non pas si elle substitue des esclaves mécaniques à des humains parce que l'énergie coûte moins cher que l'entretien des humains. Autrement accumuler va consister en une multiplication d'institutions extractives : ce que nous gagnons en mécanisation et efficacité nous le perdons en consistance sociale, en savoir-faire et capacités humaines, en cohésion sociale. C'est l'image que peut nous fournir l'agriculture saharienne qui s'en va extraire les ressources hydriques de la nappe de l'Albien, mais non pas améliorer le savoir-faire des agriculteurs et le cadre de vie des populations sahariennes.

La crise mondiale actuelle devrait en effet nous placer dans la situation suivante : nous soumettre à la tentation d'étendre les institutions extractives à de nouveaux gisements[7] (les nappes phréatiques, les gisements off-shore, etc.) ou mettre sur pied de nouvelles institutions économiques et politiques inclusives[8]. L'extension des institutions extractives peut constituer une solution à court terme face à la réduction drastique de la production des anciennes institutions extractives. À moyen et long terme, la croissance nécessite de nouvelles institutions, car la solidarité nationale ne pourra plus compter sur la simple redistribution du produit des institutions extractives. Les institutions économiques inclusives se définissant comme celles qui en même temps qu'elles accroissent le produit matériel, distribuent le revenu qui le rachète, ne produisent pas d'exclusion sociale, de populations inutiles, ne séparent pas la population du savoir, mais fait de ce dernier le nutriment des interdépendances sociales. Car l'on peut estimer que le produit des institutions extractives ne permettra plus de soutenir longtemps le compromis actuel entre la société dirigeante et le reste de la société.

Il ne s'agit plus de produire et de consommer indépendamment de ce que nous savons produire, mais en fonction de ce que nous pouvons améliorer du savoir collectif. Le cours mondial actuel va dans le sens d'une plus grande prolétarisation de la société, d'une plus grande concentration du travail qualifié, d'une plus grande séparation de la société de son savoir. Ce cours est particulièrement catastrophique dans la région MENA comme le manifeste le chômage des diplômés et son traitement par l'auto-entrepreneuriat. Plutôt que de subir un tel cours qui deviendra de plus en plus insoutenable, il faut anticiper une véritable déprolétarisation des métiers et de la société [9].

L'autarcie à laquelle nous contraint la crise mondiale épidémique peut nous aiguiller vers une telle réforme en profondeur. Une telle autarcie devrait durer le temps que va prendre l'immunisation du monde. Avec ou sans vaccin, il lui faudra un certain temps.

L'industrialisation ne peut pas être l'affaire de commissions interministérielles ou interdépartementales, il faut pouvoir penser au-delà de la sectorialisation administrative de l'activité sociale. La société n'est pas une projection de l'administration. Il faut d'abord remettre l'activité créatrice au sein de la société et rétablir l'administration dans sa fonction : ce que la société a décidé de professionnaliser, de fixer comme régulations, comme automatismes [10]. L'administration constitue dans la rationalisation de l'activité sociale la part fixe, « inconsciente » au sens d'Herbert Simon, car automatique de son fonctionnement. Une infrastructure en quelque sorte, comme les autoroutes et le Code de la route. Ce ne devrait plus être à des fonctionnaires le rôle de penser l'organisation, mais à la société de penser ses problèmes et ses solutions en intégrant les multiples variables dont elle voudra tenir compte. L'administration facilitant l'activité sociale en ce qu'elle automatise la part fixe et routinière. Et la société n'a pas besoin, ne doit pas abandonner toutes ses routines à la machine bureaucratique [11]. Il faut donc repenser l'unité de l'administration et de la société. L'administration sera l'outil de brouillage de l'activité sociale pour qu'une catégorie de la population puisse pêcher en eaux troubles ou un instrument de rationalisation de son activité. La rationalisation doit se manifester dans l'établissement d'une belle machine bureaucratique, performante, souple et simple, mais surtout dans un tissu social riche et bien vivant. Le remède, la composante bureaucratique, ne doit pas tuer le malade, le corps social. La rationalisation doit servir une meilleure activité du tissu social avec toutes les interdépendances qui lui permettent de tenir par lui-même.

L'industrialisation doit donc s'entendre comme amélioration des savoirs faire du tissu social, enrichissement de ses interdépendances, déprolétarisation de sa mémoire d'une part, amélioration des interactions entre producteurs, consommateurs et intermédiaires, réhabilitation de la société marchande et relégitimation de ses hiérarchies d'autre part.

Notes :

[1] La place du marketing dans les chaînes de valeur mondiales en atteste. Les grandes puissances industrielles aspirent à se réserver les deux bouts de la chaîne : conception et marketing.

[2] Dans une société qui n'a pas de concurrent extérieur proéminent, la concurrence interne pourra prendre le pas (cas des empires dominants : Angleterre, France, États-Unis), dans le cas contraire (empire émergent) la planification interne prendra le pas sur la concurrence interne du fait de la prééminence de la concurrence extérieure (Allemagne, Japon, Chine).

[3] On retrouve ici les deux étages supérieurs de l'économie selon F. Braudel : le producteur marchand est soumis à la division du travail, à la concurrence, le capitaliste (que l'on peut incarner dans le banquier) est celui qui leur échappe (il circule entre les différents marchés et opère au niveau de celui des changes).

[4] Le déversement avec l'industrialisation est allé de l'agriculture à l'industrie, puis de l'industrie aux services. On assiste désormais à un brouillage de plus en plus important des frontières entre les secteurs. Le design et la fabrication entre l'industrie et les services. En fait, il ne faut pas perdre le continuum du travail « industriel », l'industrie désignant moins un secteur qu'une activité de transformation, de rationalisation.

[5] Le chômage avec la bipolarisation du marché du travail est de moins en moins un chômage temporaire, mais une répartition de la population entre deux catégories d'emplois : qualifiés et précaires.

[6] L'on retombe ainsi sur ce que l'on appelle « économie de la connaissance ».

[7] Pour reprendre la formalisation d'Omar Bessaoud in « Dégager le système, c'est aussi couper les racines économiques qui le nourrissent » LSA du 09 avril 2019.

[8] Sur ces notions d'institutions extractives et inclusives voir ACEMOGLU et ROBINSON, Prospérité, puissance et pauvreté : Pourquoi certains pays réussissent mieux que d'autres, Markus Haller, 2015. Par extension, les institutions économiques inclusives peuvent être dites celles de la croissance inclusive, notion maintenant qui imprègne tous les discours sur la croissance économique du fait de l'importance prise par la croissance des inégalités.

[9] La problématique de la prolétarisation/déprolétarisation de la société a été particulièrement investie par le philosophe Bernard Stiegler et celle de l'auto-entrepreneuriat par la sociologue Sarah Abdelnour.

[10] Nous continuons d'être indisposés par le fait que l'administration ne soit pas automate, qu'elle nous contraint encore à discuter de nos droits. Nous oublions que nous ne l'avons pas montée nous-mêmes et qu'elle n'est pas de ce fait ajustée à nos comportements.

[11] Il ne faut pas opposer humain et non humain aussi. L'humain lui-même est un hybride, une part de lui-même est machinique, dont le fonctionnement ne requiert pas sa pleine conscience.