Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Quand l'Algérie fait trembler le marché européen du blé

par Abdelkrim Zerzouri

De pays producteur/exportateur de pétrole, qui peut, au sein de l'OPEP, influer sur les prix de l'essence à la pompe en Europe, l'Algérie peut également avoir la main sur la destinée du blé, pourtant importé de pays européens, canadien, américain ou russe. Comment ? De la même façon que le prix de l'essence à la pompe qui subit en Europe les humeurs du prix du baril de pétrole sur le marché mondial, il serait bon et utile de noter que le prix du blé européen, français particulièrement, est sujet de l'appui de la commande algérienne sur le marché international. Il suffit d'être acheteur et avoir les moyens financiers pour devenir une pièce maîtresse dans le jeu de la bourse des marchés mondiaux des produits alimentaires. Bien évidemment, il faut aussi, et surtout, mettre les intérêts du pays au-dessus de toute autre considération.

Hier, en milieu de journée, la tonne de blé a connu une hausse de 75 centimes d'euro sur l'échéance de décembre grâce au soutien de l'appel d'offres de l'Algérie, comme le rapportent des médias de l'Hexagone. Malgré le « petit » appel d'offres pour l'acquisition d'environ 500.000 tonnes de blé, essentiellement d'origine France, le marché s'est rapidement enfiévré en cette fin d'année, enregistrant une hausse significative, tant les commandes se font en milliers, voire en millions de tonnes. Mais, selon des experts en la matière, l'enthousiasme des opérateurs ne va pas, cette fois-ci, sans une pique de scepticisme causé par le doute qui plane sur le marché européen après l'annonce, au mois de juillet dernier, du gouvernement algérien de vouloir réduire ses importations de blé à partir de 2020, à quatre millions de tonnes de blé tendre par an au lieu de 6,2, soit une réduction de 35,5%. La décision par l'Algérie de plafonner ses importations à quatre millions de tonnes par an au lieu de 6,2, s'appuyant sur deux raisons fondamentales, à savoir la production record en blé dur de cette année et la volonté de préserver les réserves de change du pays, en sus des messages de se tourner vers le blé russe, met les producteurs de blé français dans le pétrin. L'Algérie a réussi, mine de rien, à faire trembler le marché européen. N'est-ce pas un autre moyen de pression économique que l'Algérie devrait exercer sur l'Europe pour gagner ou avoir l'appui dans ses visions sur d'autres dossiers de politique étrangère ? De toute évidence, oui. Mais, il faudrait pour cela assainir la sphère intérieure, éliminer la fraude qui a pourri le secteur de l'agriculture durant les deux dernières décennies et combattre avec force et efficacité les pratiques illégales de détournement des produits subventionnés.

Sur le Vieux Continent, en France particulièrement, on ne souhaiterait pas que les choses évoluent dans ce sens, vu les pertes que ne manquerait de leur causer pareille évolution de la situation. La coopération gagnant-gagnant, dites-vous ? C'est une chimère dans le monde sans pitié des affaires internationales.