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Zeghmati a obtenu la fin de la fronde judiciaire sans céder sur l'essentiel

par Kharroubi Habib

Le conflit entre les magistrats et leur ministre de tutelle qui semblait devoir s'éterniser après l'humiliant traitement infligé à leurs collègues grévistes du tribunal d'Oran a, contre toute attente, pris fin suite à l'accord auquel sont parvenues les deux parties. Le syndicat national des magistrats, partie prenante à cet accord, a en effet annoncé mardi soir, qu'après « des efforts soutenus et des médiations multiples auxquelles sont associées des personnalités nationales et des instances souveraines de l'Etat dans le but d'arriver à une solution juste et honorable de l'impasse dans laquelle se trouve depuis plus d'une semaine l'appareil judiciaire, « les magistrats ont décidé de mettre fin à la grève et de reprendre leurs activités. Selon le syndicat, le ministre de la Justice s'est engagé à ne poursuivre aucun magistrat ayant participé à la grève et à ce que son département examinera au cas par cas tous les recours et contestations relatifs au dernier mouvement dans le corps de la magistrature et objet de la discorde entre ce dernier et l'administration de tutelle. Et, cerise sur le gâteau, Zeghmati aurait promis qu'il sera donné entière satisfaction aux revendications matérielles des magistrats en décembre prochain avec effet financier rétroactif à partir du 1er janvier 2019.

Que faut-il conclure de l'accord qui met fin au conflit et à la paralysie de l'appareil judiciaire, sinon que le ministre de la Justice est parvenu à faire reprendre le travail aux magistrats sans rien leur céder sur l'essentiel. Le mouvement auquel il a procédé et contre lequel ils sont entrés en « rébellion », n'a pas été suspendu comme ils en ont exprimé la revendication. Il n'est plus question également de leur part du départ de ce ministre qui a fait donner la force publique contre leurs collègues d'Oran et qui, selon le propos du président de leur syndicat, « dirige le ministère de la Justice comme on dirige le parquet général » et fait preuve d'une « arrogante mentalité ». De même, il ne leur a rien concédé concernant l'indépendance de la justice qu'ils ont prétendu avoir à cœur d'arracher par leur fronde. L'épilogue de la grève des magistrats ainsi intervenue n'a pas franchement surpris l'opinion publique. Certes, celle-ci s'est rangée du côté des magistrats dans leur « bras de fer » avec leur ministère de tutelle, non pas parce qu'elle les sait défendre la cause de l'indépendance de la justice, mais parce que, voyant dans leur mouvement un moyen d'accentuer la pression qui s'exerce sur le pouvoir pour l'amener à entendre les revendications dont le Hirak est porteur.

Les « concessions » que le syndicat des magistrats a obtenues de Zeghmati sont, de par leur nature, étrangères au combat engagé contre le système et le pouvoir par le Hirak populaire et dénotent que ce n'est que par tactique que ce syndicat et ses adhérents ont fait mine d'en soutenir les revendications. Ayant obtenu satisfaction au plan étroitement matériel, les magistrats reprendront le cours d'une justice que le peuple dénonce et rejette dans le fond.