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Les présidentialistes

par El Yazid Dib

Un présidentiable offre une prédisposition à l'être. Un présidentialiste n'a qu'une présidencialité dans la tête. Il n'est pas forcément un invétéré d'un régime politique fermé et exclusif à ses goûts. Il est surtout épris d'un fauteuil ou d'une simple quête de visibilité. Autopsie faciale.

Pour la chronique, de cette date de clôture des dépôts de candidatures, l'on retiendra concomitamment une défection à plus de 90/ de ceux qui avaient retiré des imprimes sans acquits de leur prix coûtant et un bal de communiqués entre les robes noires assises et leur chancellerie, le salon international du livre d'Alger et la veille d'un premier novembre encore à exploiter.

Si le bal magistral vient juste de s'ouvrir, celui des candidats vient de se fermer à sa première porte. Il en reste bien d'autres plus importantes et difficiles à franchir. Le décompte, la validation et la short-list. La toute dernière est située dans la nuit du 13 décembre. Une veillée d'haleine, sans suspens L'on saura qui va être écrasé par la charge d'un fauteuil présidentiel, lourd certes mais vulnérable et hasardeux.

Ils sont certes 22 mais très loin d'être les 22. Hasard ou taquinerie de l'histoire , l'instance le dira. Ils sont des postulants non pas des héros. L'âge et le cumul des ans, le réflexe dressé à l'unicité d'antan, l'aventurisme et l'apprentissage ne doivent pas faire du siège de la présidence un hôtel des invalides, un pensionnat de nostalgiques, une résidence médicalisée ou même un banc d'essai ou un centre de formation et de stage.

Les plus en vue sont ceux inscrits sur les tablettes honnies de l'ancien système. Ils étaient à toutes les mauvaises sauces à passions concurrentielles. Les uns ont même fait le gouvernement se plissant comme une éponge à l'humeur d'un fantôme étatique, jurant par tous les dieux, pour l'un, que « le programme de fakhamatouhou sera appliqué peu importe les circonstances ». Pour l'autre, après avoir fait les noces et prêté l'entière allégeance, il s'est bien conservé dans un silence décennal. Drôles de visages. Un autre, shih wejhou (dur visage) s'est démarqué de la dynamique du Hirak à ses débuts, puis s'entête à s'y accrocher à sa maturité en ramant à contre courant. Es-ce là de la politique pour quelqu'un qui vantait tous les mérites qu'il susurre et les attribue à son dieu de président ? Pour lui le jeune qui gueule et bât le pavé chaque vendredi « ira bien, le soit tombant roupiller dans l'un des logements que lui a offert élégamment son excellence ». Foutaise ! L'arrogance l'emporte le plus souvent sur une audace mal maîtrisée. Il aurait pu se mettre un temps dans un bain de régénérescence et contourner l'affrontement public subi pour tenter de se recréer autrement. Il est relativement encore en mode jeunesse.

Les autres, moins versés dans l'évidence d'un pouvoir qu'ils lorgnaient sont hétéroclites, hybrides quoique arrivant d'horizons différents tout à fait respectables. L'université, la télévision ou la daïra ne sont pas la prescription indiquée pour guérir du délire rattaché à la magistrature suprême. C'est comme un fruit qui veut devenir un raisin sec sans passer par être d'abord un raisin tout court.

Voilà qu'arrive la période des bourgeons à implanter aléatoirement au sein de la république tant coté cour que jardin. Décembre est là pour raffiner les têtes, et affûter les envies. C'est cette irrésistible sensation de croire atteindre un sommet inégalé pour se contenter de finir ou débuter sa course politique, qui les suscite à plus d'ardeur, de culte et d'audace. Même la solennité et le rang auguste qu'aurait mal imprimé les fonctions supérieures des uns ou l'anonymat des autres n'arrivent pas à leur faire réviser la sournoiserie du pouvoir et comprendre l'angoisse du peuple. Ils sont partants sans égard au climat agité qui sied dans le ciel national.

Etre candidat, pour ces gens là, s'assimilerait à un jeu de tenter sa chance. Une certaine expression de reconfiguration de leur unité centrale qui pourtant pour bon nombre d'entre eux n'a fonctionné qu'en mode « par défaut ». Malgré les remous, les dissidences, les scandales, les mises sous contrôle judiciaires certains s'acharnent non seulement à se faire virginité, à réessayer leurs aubaines ou à récidiver leur expérience lièvrière mais encore anticipent à croire en leur triomphe et promettent (encore) de tenir leurs promesses. Quand on a été premier ministre rompu à la langue de bois jusqu'à satiété, quand on a été derrière le cadre, décoré « de mérite » et le silence assourdissait son monde, ne faudrait-il pas mieux compter les jours qui lui restent et s'atteler à expurger de ses mémoires les problématiques des doutes et des rumeurs. Tout en laissant l'avenir à ceux qui vont le subir. Leur façonner un selon son mode de réflexion inadéquate, c'est les replacer dans une pensée qui n'est pas la leur.

Si dans le brouhaha contradictoire actuel, les élections s'élèvent quelque peu comme un moyen de premiers secours à une situation en phase d'asphyxie ; la convoitise n'a pas cessé d'accoucher des fantasmes à tous les niveaux. La folie des candidatures a troublé les têtes et fait rire parfois quand l'envie de pleurer tarit toute larme nationaliste. Tout le monde pense pouvoir incarner le personnage d'un président, encore plus, d'un président extraordinaire, sans fraude, sans attache à nulle solide borne. Un président créateur d'une autre république jeune et pour les jeunes, autrement faite, une république qui ignore le rapport de force et sacralise le droit, qui fait de la justice une référence de lois et non un répertoire téléphonique. C'est dur mon ami ! A ce poste là on ne joue pas à tout va. Le vertige y est des plus dangereux. Il ne tue pas, il écrit l'histoire d'un auto-meurtre politique avéré.

Finalement, comme la nature, la démocratie ne peut avoir uniquement des vertus. Elle peut aussi, sinon elle produit également des vomissements. Les élections sont ainsi à percevoir telle une voie apparemment plus aisée que celle que veulent emprunter certains courants plus penchés vers le filoutage de l'Etat. Lorsque l'on est dépourvu des attributs pouvant permettre de se coller ou d'être dans le sérail des seigneurs intellectuels mais malheureux, l'on se rabat sans scrupule, vers la voie de la cooptation et du parrainage ; croyant de la sorte être des seigneurs tous contents. Il y a des gens candidats qui n'ont jamais eu à s'investir dans le commandement des hommes même possédant la bague de Salomon ou charmant les plateaux de la tchatche ou ceux croyant faire de l'économie théorique une théorie coranique. D'autres qui à force d'avoir injustement commandé des hommes ont finit par se faire haïr à en mourir. Oui, certains diront que « peuple » cultive chacun dans son coin de jardin ce p'tit caprice délirant de l'insatisfaction totale, oui car tout simplement il veut le meilleur, le bon. Ni truand, ni injuste, ni compromis, ni flibustier de biographie, ni contrefacteur d'itinéraire politique.

Il existe paradoxalement un sentiment que dans ces 22 postulants il y a des têtes d'affiches, un ou deux « têtes de liste » même. Des favoris quoi ! L'on ne sait par quel miracle ou subterfuge ce sentiment tend de jour en jour à se galvaniser. L'on apprend aussi que Benflis vient d'installer son quartier général avec son équipe de campagne. Est-il sûr de passer allégrement le filtre de l'instance et du conseil constitutionnel ? L'on verra. Ainsi il fait donner l'impression qu'il part à l'avance comme favori. L'autre que la rue ne cesse de murmurer pour le caser dans le même chapitre des « chanceux artificiels c'est Teboune. Ce candidat, malgré ses déboires avec la justice et les soupçons qui le haranguent et apparenté à un FLN en décrépitude et qui encore ne l'avait pas porté sous son sigle, semble pourtant heureux de sa probable trajectoire. Là aussi le proche futur nous le dira.

L'essentiel restera tout de même dans le fait d'avoir en mal ou en bien une autorité à suprématie constitutionnelle si d'ici le jour j les choses se dérouleront tels que prévus par « la feuille de route » tant controversée. De ces présidentialistes naitra forcément quelqu'un qui aura le titre de Président de la république. Laquelle ?.... De l'autre coté le Hirak persiste à s'accroitre et fait du rejet de ces joutes un bloc qui se dit inébranlable et exige une autre république, la sienne. Enfin, laissons l'histoire se faire.