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ATTENTION, LES ENFANTS GRANDISSENT VITE !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Les petits de décembre. Roman de Kaouther Adimi, Barzakh Editions. Alger, août 2019, 248 pages, 800 dinars.



Une petite cité, presque résidentielle (car il y a bien mieux) du côté de Dely Brahim (Alger-ouest)... Le tout premier village colon français. Quelques villas presque toutes occupées par des familles de militaires, pour la plupart des officiers supérieurs à la retraite ou décédés (colonels, généraux).

Une cité assez tristounette avec son entrée défoncée, non goudronnée, non totalement terminée comme bien d'autres... et, au milieu, un terrain encore «vague» que les jeunes du quartier utilisent comme terrain de foot. Le seul lieu de rencontres et en sécurité.

Les habitants sont quelque peu déprimés en raison de destins parfois brisés, souvent contrariés (la carrière militaire est farcie de heurts, de malheurs... et de mauvaises humeurs... des plus gradés). Il y a, aussi, une ancienne moudjahida connue pour son engagement et son franc-parler et qui va servir de «bouclier» contre... Entre autres contre des généraux (deux) en exercice... bien placés dans les «services»... qui, certainement sentant la retraite approcher (et donc être «abandonnés» par les privilèges liés aux fonctions, dont le logement et les avantages d'accompagnement... comme le véhicule de service) et qui viennent tout simplement, papiers en mains, occuper le terrain vague pour y construire leur future «villa de retraite».

Le décor est planté. Reste le sujet central :

Voilà donc que, sans que personne (parmi les grandes personnes) ne s'y attende, les jeunes se... révoltent, ne comprenant pas la «dépossession» de leur aire de liberté, chassent (encouragés en cela par la moudjahida), à coups de pierres (voyant un des intrus brandir son arme de poing) les intrus... C'est le «buzz» médiatique... la moudjahida sachant bien utiliser son portable. Bien sûr, au passage la «maudite presse indépendante» est évoquée ; elle, dont «tous les journalistes étaient manipulés par des ennemis : la France, l'Arabie saoudite, le Maroc, les démocrates, les laïques ou les islamistes...» et qui se sont emparés, bien sûr, de l'affaire, «trop heureux de pouvoir taper sur des généraux».

Le «système» ne va pas tarder à réagir. Menaces, pressions et chantage sur les parents..., ces anciens «amis» se multiplient. La résistance est née mais la lutte va-t-elle continuer ?

Tout semble se calmer quand un jour, plutôt le matin du 25 mars 2016, en se réveillant, les parents et les jeunes découvrent un spectacle inattendu... La révolte des enfants, cette fois-ci les tout petits (menés par deux garçons et une fillette, tous amoureux fous et joueurs de foot), a commencé avec une forme de lutte assez originale, désarçonnant les parents, immobilisant les «dépossesseurs» et étonnant l'opinion publique.

Discrètement, ils avaient transporté la nourriture au terrain, ils avaient préparé leurs sacs de couchage, mis les bouteilles d'eau à l'abri dans une glacière... et ramassé des pierres qu'ils entassèrent dans un coin. Après quoi, ils s'étaient emmitouflés dans les couvertures même s'il faisait déjà bon. Dignes héritiers des enfants de Novembre !

En quelques heures, l'histoire de la révolte fit le tour du pays... Des histoires folles sont racontées... On vit même rendre visite aux petiots d'abord un imam (envoyé par les généraux pour une leçon de morale), puis un ancien diplomate reconverti en chef de parti politique en mission de racolage. Poser pour une photo, par exemple !

Trois enfants puis des dizaines et des dizaines contre tout un système ? Quarante enfants qui humilient deux généraux. Ça ne pouvait que mal se terminer.

L'Auteure : Née en 1986. Etudes de littérature. Vit et travaille à Paris. Déjà auteur de quatre romans dont le remarquable «Nos richesses» (Prix Renaudot des Lycéens, Prix du Style et Prix Beur Fm, en 2017).

Extraits : «Les généraux ont brandi leurs armes, vous vous rendez compte ?/ Oui ! Mais ça ne fait pas peur aux jeunes / Ça leur fait du bien aux généraux de se prendre une petite raclée» (p 43). «Se battre contre les terroristes, monter au maquis, débusquer les camps, c'était une manière de se réapproprier tous les mots (dont celui de Dieu) que les intégristes avaient confisqués aux Algériens» (p 85). «Nous ne sommes plus les petits. Nous ne serons jamais des grands. Nous restons là, refusant d'imaginer que dans quelques mois d'immenses villas aux fenêtres verrouillées par des barreaux, aux portes blindées, aux murs hérissés de fil barbelé, viendront remplacer notre terrain. Nous ne partirons pas... Nos pieds sont enfoncés dans la boue. Nous ne bougerons pas» ( p 247).

Avis : Un joli roman qui se lit d'une seule traite tant l'histoire est annonciatrice d'une autre plus large, prenante (et d'actualité). Il nous plonge dans un micro-mouvement (populaire). Il est vrai que ce roman a dû être écrit juste après février 2019.

Citations : «Ils (les généraux) ont aussi parfois les hommes de l'ombre qui n'apparaissent sur aucun organigramme officiel, qui n'ont aucune fonction publique... Eux, possèdent souvent plus de pouvoir que des généraux et des ministres. Ce sont des hommes d'affaires, des proches du Président, des faiseurs de rois ou de fous» (p 79). «Les différences de grade se gomment difficilement même une fois revenu à la vie civile» (p 102). «La peur, on n'en parle jamais lorsqu'on évoque la guerre. Pourtant, nous avions peur de ne pas réussir, d'avoir fait tout ça pour rien, qui sait ce que donne une révolution ? Une révolution, c'est beau, c'est con et à la fin, c'est souvent triste» (p 108), «Il n'est pas naturel pour un parent d'enterrer son enfant. Jamais» (p 120)...

AU FIL DES JOURS

Actualités :

- Point n'est besoin de trop s'étaler sur Alger la Blanche... blanche vue de loin et de haut... mais grise et sale vue d'en bas, couleurs que les récentes opérations de «blanchiment» des immeubles des rues centrales ne peuvent cacher . En 2019, Alger est classée 132ème (sur 140 villes étudiées) ville la moins vivable, soit dans le Top 10 des villes les plus invivables du monde (saleté y compris... et pourtant ce ne sont pas les efforts des employés municipaux chargés du nettoyage qui font défaut... les incivilités des citoyens dépassant tout entendement). Mais ne pas s'alarmer car Paris est, paraît-il, la capitale la plus sale d'Europe.

Le journal The Guardian (en anglais) semble le penser et consacre un article au manque de propreté dans les rues de la capitale française. Il affirme que les Parisiens ont surnommé leur ville» Paris poubelle» dans un article titré :»Paris, ville du romantisme, se lamente de sa nouvelle image d'homme sale de l'Europe».

La correspondante du quotidien britannique, qui regrette le changement d'image de la Ville lumière, déplore notamment que»le long du boulevard qui mène à la célèbre place de la République - glauque malgré un lifting à 25 millions d'euros il y a six ans - des sans-abri somnolent sous les porches ou sur les bancs». La journaliste évoque aussi les graffitis qui fleurissent le long du boulevard Saint-Martin,»les trottinettes électriques et les vélos en libre-service qui encombrent les trottoirs, sans parler des crottes de chien et des mégots de cigarette».

«Paris devient vraiment plus sale. C'est immonde partout. La ville a besoin d'une politique agressive pour rendre les rues plus propres et plus sûres», estime dans The Guardian Matthew Fraser, professeur à l'Université américaine de Paris, qui vit dans la capitale depuis près de trente ans.»Paris prospère sur son propre chaos moral. Rien n'est organisé, tout est anarchie urbaine. Je ne pense pas que les Parisiens l'aient remarqué, car c'est leur énergie chaotique».

Mais si vous êtes de l'extérieur ou d'une autre culture, la ville est un bazar.

L'article rappelle au passage que chaque année, la mairie de Paris dépense 550 millions d'euros pour éliminer les 16 tonnes de crottes des trottoirs parisiens, pour ramasser les 350 tonnes de mégots et pour vider les poubelles.

Citations :

- Chaque Algérien doit se mettre en guerre contre lui-même. Contre lui, malgré une partie de lui-même. Il doit refouler l'Occidental qu'il est aussi. Il lutte d'autant plus férocement contre l'Occident qu'il représente la modernité qui l'attire, le fascine. Mais l'accueillir, le tolérer, c'est mettre en péril le système ancestral dont il tire beaucoup d'avantages. D'où sa schizophrénie (Fadéla M'Rabet, «La salle d'attente». Roman © Editions Dalimen, 2012)

- De façon schématique, il existe trois catégories d'intellectuels : les intellectuels honnêtes, engagés dans la lutte pour des idées... les intellectuels «organiques» qui servent sans état d'âme un pouvoir, un régime, un système... et la pire des catégories, celle des intellectuels «déférents», ceux qui vendent leur âme au diable... Il y a, aussi, une quatrième catégorie, celle des «intellectuels faussaires» (Abdelhak Bererhi , «Itinéraires. De l'Université à la Politique (Tome I)». Essai et mémoires © Necib Editions, Alger 2017)

- Le pays n'a pas eu le bonheur de posséder de grands leaders. On peut même dire que la crise algérienne, même si son origine est socioéconomique, s'est aggravée du fait de la médiocrité de sa classe politique (William B. Quandt, «Société et pouvoir en Algérie. La décennie des ruptures». Essai © Casbah Editions, 1999)

Archives brûlantes :

Lundi 16 décembre 2013 : Conférence de presse conjointe Sellal - J-M. Ayrault (France) à Alger. Sellal : «Je peux vous affirmer que le Président est en bonne santé... Nous allons le voir tout à l'heure... S'il veut poursuivre sa mission, il le fera en son âme et conscience. Ne vous inquiétez pas, il a les capacités de le faire. J'ai été à ses côtés longtemps, c'est un grand monsieur».

Pourtant, bien des interrogations persistent sur l'état de santé du Président, convalescent depuis six mois, sachant bien qu'«on ne revient pas à l'intégrité des territoires atteints par un AVC», signalent les médecins spécialistes.

Jeudi, 19 décembre 2013 : www.toutsurlalgerie.com.

«Rencontre Bouteflika -Ayrault

Le Petit Journal de Canal Plus dévoile le truquage vidéo de Canal Algérie.

Dans son édition d'hier, Le Petit Journal diffusé sur Canal+ a décrypté la vidéo de Canal Algérie diffusant la rencontre entre le président de la République et le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault.