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Où va le mouvement populaire ?

par Kamal Guerroua

S'il y a une évidence à tirer des tensions qui agitent aujourd'hui la rue algérienne, c'est que le mouvement populaire a échappé à la récupération du système. Cela prouve qu'il n'est guère rentable pour le panel des dialoguistes de défendre des positions floues dans une Algérie en voie de «radicalisation» démocratique. Il est clair qu'à plusieurs reprises, le peuple a été trompé par le régime au point que d'aucuns ont baissé les bras, en croyant à la mort définitive de sa conscience. Si l'on analyse bien la situation, on trouvera que c'est la justification du statu quo par la peur du chaos, l'instrumentalisation outrancière de la question de l'unité nationale et la main étrangère qui l'ont freiné dans son aspiration à la démocratie. Or, quiconque se trompe pour de bonnes raisons, finit par comprendre qu'il ne sert à rien de cautionner le retard pris dans les réformes, l'assainissement de la machine bureaucratique et le changement du système de gouvernance. Ployant sous le joug d'une immense déception, les masses sont sorties de leur silence pour revendiquer la refondation de la maison Algérie sur de bonnes bases. Tout retour en arrière paraît désormais comme une trahison aux yeux de ceux d'en bas. L'irruption surprise, il y a quelques jours, d'une poignée d'étudiants dans le siège de l'instance du dialogue illustre le degré de la désillusion collective quant aux tergiversations des décideurs et en dit long sur l'angoisse qui atteint la rue quant à leur bonne foi. D'ailleurs, les questions que l'on entend souvent poser avec insistance sont les suivantes : le pouvoir a-t-il vraiment de bonnes intentions pour entrer en contact avec le peuple et résoudre la crise ? Voudrait-il sauver la société, ou se sauver lui-même, en donnant l'impression qu'il s'efforce à faire bouger les choses ? Ne se sert-il pas, en quelque sorte, du panel de dialogue, pour détourner la colère populaire ? Puis que fera Karim Younès pour convaincre une rue en révolte, quand on sait qu'à la légitimité de la présidence par intérim et de l'ensemble de l'exécutif, s'ajoute leur manque de crédibilité et de représentativité ? De toutes manières, rien ne peut casser la volonté des nôtres, lesquels ont décidé de reprendre les choses en main et de maintenir la pression, malgré tous les obstacles, jusqu'à l'aboutissement de leur mouvement.