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Dix ans de croissance pour l’Amérique !

par Akram Belkaïd, Paris

A la fin du mois de juillet, le Département américain du Commerce annoncera les chiffres de la croissance du produit intérieur brut (PIB) pour le deuxième trimestre. Selon toutes les prévisions, le taux devrait se situer autour de 3% soit un niveau équivalent à celui des trois premiers mois de l’année. C’est aussi le même niveau que le taux de croissance en rythme annuel pour l’année 2018. Fin juillet, donc, l’économie américaine aura bouclé son 121ème mois d’expansion d’affilée soit encore une décennie de croissance ininterrompue. Du jamais vu depuis les années 1990 et le grand boom dû à l’essor d’internet.

Taux bas

Comment expliquer une telle performance qui tranche avec le marasme européen ou les incertitudes concernant certains pays émergents ? Il faut d’abord remettre les choses dans leur contexte. Il y a dix ans, la crise financière provoquait un grand séisme et l’économie américaine avait frôlé le désastre. Le cycle économique actuel doit donc beaucoup à l’effet de reprise qui suit, généralement, des phases de récession marquée. Mais il n’y a pas que cela.

C’est surtout la politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed) qui est à l’origine de la bonne tenue de l’économie. Avec des taux d’intérêts bas (entre 2 et 2,5% actuellement), la banque centrale américaine a soutenu l’économie et la consommation. Les ménages ont été encouragés à s’endetter et à profiter des crédits à des taux proches de zéro. De même, les entreprises ont renouvelé leurs équipements et reconstitué leurs stocks. Le développement fulgurant du commerce électronique au cours des dix dernières années a aussi constitué un stimulant de taille pour l’activité économique.

Bien entendu, l’administration Trump clame qu’elle est derrière ces bons chiffres, oubliant que le locataire actuel de la Maison-Blanche n’a pris ses fonctions qu’en 2017 au moment où la croissance entrait dans sa huitième année. Cela n’empêche pas le président américain de triompher et, surtout, d’ignorer les mises en garde répétées de plusieurs économistes qui affirment que le cycle haussier est en passe de se terminer. Autrement dit, les risques de récession augmentent. Certes, le spectre d’une grande bataille commerciale avec la Chine s’est éloigné depuis la tenue du sommet du G20, la semaine dernière. Mais cela ne règle pas la question de l’aggravation de l’endettement des entreprises sans compter le fait que les marchés financiers commencent à donner des signes de surchauffe.

Au début de cette semaine, l’indice S&P 500, qui regroupe les 500 principales capitalisations boursières américaines a atteint un nouveau record historique en se rapprochant des 3000 points. Or, c’est quand les indices boursiers sont à la fête qu’il faut commencer à s’inquiéter. Et le grand problème pour l’Amérique, c’est que la Réserve fédérale a déjà beaucoup donné pour soutenir l’activité, notamment en rachetant des actifs financiers directement sur les marchés. Sera-t-elle capable de le faire avec le même succès en cas de crise ? Rien n’est moins sûr.

Au début des années 2000, un conseiller du président Bill Clinton affirmait sans ciller que l’économie américaine était entrée dans une phase «d’expansion sans fin». On connaît la suite avec notamment le krach des valeurs internet puis la crise des subprimes. Quelles que soient les circonstances, l’économie n’échappe pas à cette règle qui veut que les arbres ne touchent jamais le ciel. L’économie américaine connaîtra de nouveau la récession. Reste à savoir quand et surtout pour quelles raisons.

La chronique économique s’interrompt pour la période estivale et reprendra le mercredi 4 septembre.