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Justice(s), réalité et vérité(s)

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

En mon âme et conscience. Recueil d'articles de Miloud Brahimi. Casbah Editions, Alger 2018, 900 dinars, 367 pages



Plusieurs dizaines de textes, pour la plupart publiés dans la presse nationale et ce depuis plus d'un demi-siècle. Pour la plupart très liés à des sujets d'actualité... mais tous, ou presque tous, ayant trait à la compréhension et à la mise en œuvre de la justice dans notre pays.

Tous les sujets sont abordés ; l'auteur, homme de terrain, plus proche des hommes de pouvoir (tout particulièrement durant l'époque Chadli) que du pouvoir lui-même, passionné de justice et de défense des droits humains, n'esquivant rien, assumant l'éventuelle subjectivité concernant l'analyse de tel ou tel événement. Il est vrai qu'il a traversé, avec la justice, plusieurs étapes de son «développement» : elle a été d'abord au service de la Révolution... puis une simple fonction du pouvoir... enfin un pouvoir «indépendant»... si l'on s'en tient aux textes constitutionnels, cela va de soi, la réalité sur le terrain étant tout autre... hélas.

Donc en quatre grands chapitres, il a regroupé, par thèmes, ses contributions :

La justice : L'exécution des décisions de justice/ Le code de la famille/ Les condamnations sans procès / L'irruption de la politique qui a dénaturé la loi / Les maladies infantiles de la justice / Le contrôle de la police judiciaire : une fiction... Le code pénal / La justice pénale internationale / Les dérives judiciaire / La réforme de la justice / Le journaliste et le policier / L'exemple d'une procédure judiciaire barbare / L'amnistie / L'irrespect des textes et du contexte / La dépénalisation de l'acte de gestion / La peur chez les magistrats...

Les droits humains : les droits de l'homme / Presse - liberté - responsabilité / L'Etat de droit et l'Etat des droits de l'homme / Amnesty international / Droits de l'homme - droits de l'Etat et droits de Dieu / La peine de mort, progrès (ou non) en matière de respect des libertés individuelles...

La politique nationale : le débat sur la culture (un texte de 64 intitulé «le sexe des anges», ce qui est tout dire) / Chadli, la démocratie et nous / La circulation des élites / Raïs et Bentalha / L'intégrisme / Le putsch... «qui nous colle à la peau» / Une visite en Kabylie / La laïcité / La concorde nationale / Une certaine Algérie qu'on rêve d'abattre / Terrorisme - ONG - médias / La privatisation de l'Etat / Bouteflika («l'homme de la situation»... un texte de 2003) / Le 5 octobre / La corruption... sport d'élite / L'armée et le champ politique («qu'elle doit quitter») / La démission de Chadli («de son propre chef») / La corruption du système politique...

La politique internationale : le statut juridique d'El Qods, un texte de novembre 1980, refusé par «Le Monde» / La Libye, Beyrouth, les Arabes et Israël / Croisade sans croix. Lettre ouverte aux membres de la Troïka / Israël encore, Beyrouth encore...

L'humeur : ici, des textes assez courts mais assez forts, sorte de billets... dont un (p 358), finement ciselé en matière d'écriture, datant de décembre 2000 (in El Watan), faisant part de sa «haine» des «mutants qui saccagent l'innocence», de la «régression immonde», de «l'ignorance qui ne finit pas de sécréter ses vices », du «silence coupable de la classe politique», «de l'impuissance hébétée dans laquelle tout un peuple s'est figé»... Il y a, aussi, des messages de soutien (aux Palestiniens assiégés à Beyrouth, à Baâziz... «en frère solidaire», à Hakim Laâlam qui avait été licencié de la chaîne III)... un texte (février 1997) dédié à la mémoire d'un ami décédé, Moussa Hassani, un «juste», ancien ministre des Ptt (premier gouvernement de l'Algérie indépendante) qui «n 'admettait pas qu'on prît des libertés avec le service de l'Etat qu'il situait au-dessus de tout et de tous, y compris sa propre personne ».

L'Auteur : Avocat pénaliste s'étant illustré dans nombre de grands procès, tout particulièrement économiques. Très impliqué dans le mouvement des droits de l'homme avant de devenir le premier président de la première Ligue des Droits de l'Homme reconnue officiellement en avril 1987.

Extraits : «Dans ce malheureux pays où ils ont réussi à faire de l'intelligence une tare et de la compétence un délit, le dernier mot reviendra assurément à l'opinion publique, qu'ils croient assez bonne fille pour succomber à leurs calembredaines, mais dont peut-être sûr qu'elle ne s'en laissera pas conter» (p 19, 21 janvier 1998). «Il faut avoir le courage de le reconnaître, c'est l'irruption de la politique dans l'appareil judiciaire qui a dénaturé et la loi et son application» (p 35). «En matière de diffamation, chacun est laissé maître de l'idée qu'il se fait de son honneur ou de sa réputation» (p 79). «Il est tout à fait inadmissible de mettre sur un pied d'égalité ceux qui ont défendu l'Etat républicain, y compris par des moyens parfois illégaux, et ceux qui ont essayé de l'abattre et de nous ramener à l'Antéchrist avec les méthodes que l'on sait» (p 93). «Les droits de l'homme n'étaient pas d'actualité au début de l'indépendance, marquée par le triomphe sans partage des droits de l'Etat» (p 186).

Avis : Un ouvrage très riche en informations sur la justice, sur le juge, sur l'avocat, sur l'accusé, sur la société, sur les partis politiques.. .sur Chadli, sur Bouteflika, sur Octobre 88... mais assez déprimant tant «l'in-justice» est quasi-générale, les «in-justes» bien nombreux et les obstacles pullulant. Quelques textes très émouvants (ex : p 216 , sur la «visite à l'hôpital Zemirli après les massacres de Rais et de Bentalha») et quelques analyses très lucides (ex : p 222 sur «ce putsch qui nous colle à la peau» ou très fines (sur la corruption, p 284... sur «le terrorisme, les Ong et les médias. De la terminologie douteuse à la légitimation hasardeuse», p 249).

Citations: «Ce ne sont pas les textes qui posent problème, mais ceux qui ont une lecture et une application manifestement erronées» (p 33). «L'erreur judiciaire n'existe pratiquement pas dans notre pays. En fait, ils (les gens) la confondent avec ... «errement judiciaire», et que l'opinion publique qualifie prosaïquement d'injustice» (p 37). «La démocratie, est-ce une éthique ou une technique ? Est-ce de la procédure ou est-ce un fonds ? Quand je parle de technique ou de procédure, c?est l'élection, mais l'éthique, c?est le contenu de la démocratie : le respect de l'Homme, l'égalité entre l'homme et la femme, la garantie de l'alternance, le respect des minorités, bref tout ce qui fait les sociétés modernes actuellement» (p 97). «Tout se passe en effet comme si justice et justiciables étaient devenus ennemis. Or, on ne juge pas un ennemi, on l'affronte, on le combat, et dans ce combat forcément inégal, le juge s'éclipse devant le justicier au mépris des droits de la défense réduite à un mal... superflu dont on s'accommode comme à regret» (p 108, 22 août 2010), «Il y a une justice à deux vitesses et une justice à toute vitesse. Cela dépend comment elle fonctionne, parce que le pouvoir peut agir par une justice à deux vitesses ou par une justice à toute vitesse» (p 123, 9 mai 2013). «La détention préventive est un drame national, une tragédie nation. La Constitution stipule que toutes les personnes sont présumées innocentes avant que le contraire ne soit prouvé. Chez nous, on fonctionne avec une présomption de culpabilité qui est automatiquement suivie par la détention préventive» (p 129, 28 août 2016). «Pour moi, l'Etat de droit, c'est l'Etat des droits de l'Homme» (p 164). «La tragédie du verbe est parfaitement perceptible à tous les Algériens. Les mots ne recouvrent plus aucun sens... les constructeurs de phrases s?en servent comme on manie une arme pour abattre l'adversaire» (p 202, 29 février 1964). «Les islamistes disent que l'islam est religion et Etat ? Cette fusion est dangereuse ; elle nie le principe que l'islam est une foi» (p 235). «Il y a un problème qui touche l'ensemble du monde arabo-musulman, ce dernier est devenu fou d'avoir échoué dans sa tentative d'entrer dans la modernité et ce qui se passe en termes de violence, d'intégrisme et de terrorisme n'est que l'expression de cette folie qui s'est emparée d'un univers qui a manqué totalement son entrée dans la modernité» (p 283, 5 octobre 2008). «La corruption est un sport national. A l'origine, c'était un sport d'élite, elle est en train de devenir un sport de masse. On se démocratise comme on peut» (p 287, 8 mars 2010)



Arnaques à l'Algérienne. Roman de Salah Chekirou. Editions Dar El Kobia, Alger 2018, 1 000 dinars, 274 pages



La réalité : au départ, l'intention était, peut-être, bonne... en temps d'instabilité sécuritaire tous les «coups» étant permis.

Fin 1995, le pouvoir en place était assez préoccupé par l'argent de l'économie informelle dont profitait largement la nébuleuse islamo-terroriste, comme source de financement, de carburant... et de profit pour les plus malins. Il fallait donc, nous dit l'auteur, grâce aux anciens du Malg, de mettre sur place une banque de droit privé vers laquelle seront canalisés les capitaux hors la loi... l'argent des trabendistes, et qui sera une banque commerciale de droit primaire agréée pour les transferts de fonds... avec, bien entendu, l'approbation préalable de la Banque d'Algérie. Ainsi, soit-il !

Les gens de pouvoir ( et le «pouvoir profond» ?) croyant, comme toujours, être plus malins que les autres, pensèrent pour la diriger, à un jeune ... issu de la famille révolutionnaire, petit pharmacien de son état... trésorier, disait-on, de la section communale du Fis de Cheraga... «ce qui pourrait attirer aussi la clientèle des activistes intégristes et leurs soutiens». Ce sera donc Riad Khalifa (Khortall dans le roman).

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes de la finance et de la politique nationales... Mais, quelques années et un président plus tard (les années 2000)... un inspecteur douanier curieux découvre, par hasard ( ?!?!), au port d'Alger, un conteneur abandonné éventré contenant des centaines de bouteilles de whisky de différentes marques... ne contenant que de l'eau de mer. Partie d'un juteux trafic puisque l'opération concernait soixante conteneurs et elle venait de coûter à l'Etat 500 millions de dollars déjà partis à l'étranger.

Une enquête démarre... avec des arrestations multiples (à partir d'octobre 2003) mais surtout avec la découverte d'un «empire des sables» construit par le jeune pharmacien et ce en quelques années à peine... et avec, toujours, le soutien et les encouragements, parfois publics, des tenants du (nouveau) pouvoir et - selon le romancier - des «gens de l'Ombre». Un «trou» financier de trois milliards de dollars, des entreprises tous azimuts (dont deux chaînes de télé à l'étranger, une compagnie d'aviation, une banque...), des milliers d'employés subitement mis au chômage en raison des faillites en cascade, des milliers de gros et petits épargnants ainsi que des caisses sociales mis brutalement «sur la paille», des dizaines et des dizaines de hauts fonctionnaires, ministres, hommes politiques, magistrats, militaires, cadres d'entreprise, journalistes et syndicalistes, vedettes et stars étrangères... tous corrompus par des enveloppes généreuses emplies d'euros, ayant profité - eux, leurs enfants ou les épouses et/ou maîtresses - des «largesses» du «tycoon» et dont certains avaient (fait) versé les deniers publics dans les caisses de la banque... En tout 104 accusés... un ministre des Finances qui avoue à la barre «qu'il n'avait pas été suffisamment intelligent pour détecter la gravité de la situation» ... et un Sg (de l'Ugta) qui déclare au tribunal «qu'il assume ses actes» (président du Ca de la Cnas, il avait ordonné au Dg de transférer tout l'argent de l'institution dans les caisses de la banque Khalifa). Et un «tycoon» en fuite puis difficilement (?!?!) ramené au pays de sa rapine. Un long procès... qui n'est pas allé jusqu'au bout de la vérité... et des condamnations, comme toujours, des seconds couteaux. Et, en cours de route (selon le romancier) des enquêteurs «curieux» sont éliminés... Ceci pour la réalité.

Dans le roman, la fin est tout autre... le coupable disparaissant en mer alors qu'il revenait à Alger... «pour dénoncer les vrais coupables»... Où est la réalité, où est la fiction... A vous de voir... l'auteur affirmant en guise d'épilogue, ironiquement que «les faits relatés dans cette histoire auraient pu être réels»... et, en Algérie, «il faut se rendre à l'évidence que la réalité dépasse souvent la fiction littéraire».

L'Auteur : Longtemps journaliste en Algérie, près de 35 ans, résidant actuellement au Canada, écrivain, auteur déjà de plusieurs ouvrages dont «Le grain de sable» traitant de l'assassinat du président Mohamed Boudiaf et « L'otage» dernièrement présenté in Mediatic). Ancien directeur de l'édition au sein de l'Anep, poste duquel il a été écarté après la publication, à compte d'auteur, et la diffusion (en 2006) de ce roman présenté ce jour qui avait alors un autre titre, «Le tycoon et l?empire du sable»... un livre rapidement «épuisé», car «ramassé» des librairies et des dépôts de distribution puis, dit-on, détruit par on ne sait quel «service». L'auteur, lui , sera réduit au chômage et... obligé de s'exiler.

Extraits : «L'affaire Khalifa banalisa la rapine et la malversation, puisque l'argent sale et la corruption, la prébende sont érigés en système de gouvernance» (pp 9-10). «Lorsqu'on se paye les services du frère du Président comme conseiller juridique, que le président de la République en personne vous gratifie de mots gentils et d'apparitions publiques à vos côtés, cela tétanise et neutralise toute action des services de contrôle...» (p 72). «Pour le commun des mortels, Riad Khortall (ndlr : Khalifa) n'était qu'un épouvantail derrière lequel se cachaient des personnes qui évoluaient dans le cercle des décideurs» ( p 81). «Ce qui se disait sur Khortall et ses agissements n'étaient que la partie visible de l'iceberg. Le pays traverse une période de grande bouffe que les années noires du terrorisme avaient favorisée davantage ...» (p 82). «Le secteur privé n'est pas issu des réseaux du marché pour qu'il accepte les règles du marché. Il est issu des réseaux de «l'administration et de la bureaucratie...» (p 216).

Avis : Un roman basé sur une histoire vraie... et qui, peut-être (l'histoire et ses retombées), a eu des conséquences socio-politiques à long terme désastreuses car elles étaient annonciatrices d'une complicité pouvoir-affairistes (avec le règne de la «chkara») catastrophique pour l'économie du pays (à travers la corruption, entre autres) et le moral des populations, surtout celui des jeunes.

Citations : «La pays traverse une période de grande bouffe que les années noires du terrorisme avaient favorisée davantage» (p 82). «Les gouvernants du pays ont une trouille bleue des jeunes. Face à leur incapacité de les encadrer et l'inexistence de partis politiques, ils maintiennent le pays dans une espèce de joug où même l'approbation est réservée aux seuls courtisans du pouvoir effectif. N'ont-ils pas tenté de créer une caste de flagorneurs qu'ils nomment les nobles du Président ?» (p 217)



AU FIL DES JOURS :

1. C'est vraiment pathétique de voir, d'entendre et de lire des «thèses» plus politiciennes et partisanes ou dogmatiques que raisonnées sur l'origine du mouvement populaire que l'Algérie connaît depuis quelque temps. Qu'entend-on donc ? : « Le mouvement a été soigneusement préparé». Du déjà vu et entendu après Octobre 88. Par qui ? On ne nous le dit pas (ou jamais) avec précision. «Eux !», «Houma !». Complotisme quand tu nous tiens ! Il n?y aurait donc de «mouvement» populaire que prémédité par on ne sait quelle(s) «organisation(s)» ou on ne sait quel pays qui ne nous veut pas du bien. Le spontanéisme des foules, ça n'existe pas. Bien sûr, la suspicion vient toujours de ceux dont la «jeunesse» est soit bien loin derrière, soit mal vécue ou mal assumée. En tout cas venant de ceux qui ont, quelque part, un compte à régler avec les autres. Il y a, aussi, quelques «jeunes» et même certains vieillards, ambitieux comme pas possible, aux dents bien plus longues que leur intelligence, qui essayent de profiter de l'«occasion» pour gravir les échelons de la vie politique. Ah ! il y a aussi des «spin doctors» qui, par leurs ouvrages ou analyses sur le mouvement populaire, pour la plupart alarmistes, font tout pour faire «oublier» des casseroles que le régime bouteflikien avait mis en sourdine... pour s'en servir un jour peut-être.

2. Extraits d'un récent entretien d'«Algérie patriotique» avec l'écrivain franco-marocain, un ami de l'Algérie, Jacob Cohen :

Q : Que pensez-vous des manifestations populaires contre le système en place en Algérie ?

R : J'ai d'abord été surpris, agréablement surpris, parce qu'on pense généralement que le peuple reste englué dans ses problèmes du quotidien, qu'il a développé une résignation fataliste face à un pouvoir tentaculaire et qui n'évoluera jamais. Et puis, une étincelle fait enflammer la rue. Les réactions populaires demeurent mystérieuses et imprévisibles, et c'est une bonne leçon que les pouvoirs établis négligent de méditer tant ils sont sûrs de leur emprise.

3. Enfin... Voilà donc la presse écrite publique qui se met de la partie en «couvrant» de manière plus ou moins complète (même si ce n'est pas totalement et exactement rapporté) les événements liés au mouvement populaire. Bien sûr, il a fallu attendre la troisième semaine... mais il n'était pas trop tard pour (bien) faire. Octobre 88 a été une très grande occasion historique pour libérer l'expression et libéraliser le champ médiatique. Grâce, non à Mouloud Hamrouche comme on a trop tendance à le faire croire (encore qu'il y a joué un rôle moteur par sa compréhension et son ouverture d'esprit... ce que ses pairs lui feront payer très cher par la suite), mais surtout aux journalistes eux-mêmes, alors tous appartenant (c'est bien le mot) au secteur public et auxquels on appliquait, par le biais d'une censure invisible et une auto-censure bien distillée (au nom de la Révolution, de la sécurité nationale, du respect des constantes nationales...), les règles d'info au seul service des gouvernants de l'heure et, souvent de leurs caprices (je sais de quoi je parle !). Il s'agit aujourd'hui, pour les journalistes (du secteur public mais aussi du secteur privé dirigé par des «privés» parfois plus censeurs que l'Etat lui-même) de proposer et /ou d'imposer la libération de ce qui était resté inaccompli durant près de trois décennies.

4. Istimraria TV : un projet de télévision devant servir de caisse de résonance médiatique au cinquième mandat de Bouteflika, était sur le point de voir le jour. Les équipes techniques et rédactionnelles ainsi qu'un gros budget auraient été dégagés par Ali Haddad et d'autres hommes d'affaires pour mettre sur orbite cette télévision qui devait entamer son travail juste après la validation des candidatures, dont celle de Bouteflika, par le Conseil constitutionnel. Le projet devait être dirigé par l'ex-directeur du groupe médiatique d'Ali Haddad ( Le Temps et Algérie News) et un ex-rédacteur en chef de l'ENTV... et membre de l'ARAV.

On se souvient que durant les mandats précédents des chaînes de Tv et même des titres de presse écrite avaient été lancées par des hommes d'affaires et/ou politiciens «souteneurs». Les chaînes de Tv de Kahlifa allaient dans le même sens avant qu'elles ne soient «démolies» pour s'être rapprochées - après sa «rupture» avec les maîtres de l'heure» - d'un candidat présidentiel concurrent.

En moins de dix ans, Rafik Abdelmoumène Khalifa, était devenu le premier patron privé du pays... et il a même été désigné «Manager de l'année» en 2001 par le «Club Excellence Management et l'Isg d'Alger» (Moumène Khalifa a reçu par la suite à Genève, en mai 2002, le prix du meilleur manager de l'année délivré par le Forum de Davos et le Certificat de membre de Global Leader for To morrow). Son empire diversifié dans la pharmacie, la banque et le transport aérien, entre autres, pèse, assurait-il en 2002, un (1) milliard de dollars de chiffre d'affaires pour 200 millions de résultat net. Il était, assurait-il toujours, l'unique actionnaire du groupe «aux capitaux 100% familiaux».

35 ans (en 2003), principal sponsor de l'Olympique de Marseille (OM) et de bien des équipes sportives algériennes, Dg de Khalifa Airways et de Khalifa Bank, il est le fils de Laroussi Khalifa, décédé en 1990. Ce dernier, ingénieur agronome, membre de l'Aln durant la Guerre de libération nationale (dans les services secrets!) a été, en 1962, ministre de l'Energie et de l'Industrie, puis ambassadeur à Londres, enfin Directeur général... d'Air Algérie... avant de se retrouver en prison de 1967 à 1969. Il lèguera, à son fils, une pharmacie... qui produira un médicament générique (le Synthol), le premier en Algérie. Le reste de la «saga» Khalifa est connu (une chaîne de télévision en France et une radio en Grande-Bretagne, et surtout à travers le «sponsoring» socio-culturel et sportif : Olympique de Marseille, JSK...), sauf que beaucoup s'interrogeaient déjà sur les origines exactes d'une aussi grosse fortune, apparue aux yeux de certains trop rapidement, reléguant le Groupe Cévital de Issâad Rabrab, l'autre milliardaire (300 millions de CA et 2500 salariés... et qui a mis, dit-on, trente ans pour bâtir son entreprise) loin derrière.

D'autant que ni la banque ni la compagnie aérienne, qui représentaient 95% de l'activité du groupe, n'étaient objectivement rentables. La suite est connue (Voir fiche Khalifa groupe / liquidation): Khalifa Rafik est aujourd'hui en fuite à l'étranger, en Grande-Bretagne (qui pose des conditions difficiles à respecter en contrepartie de l'extradition), recherché par Interpol (avis 2003/13596), accusé d'avoir transformé, entre autres, sa banque, avec bien des complicités ou des silences, en une gigantesque blanchisserie qui lui aurait permis de changer l'argent des épargnants (privés et publics) en devises et de l'envoyer à l'étranger.