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NAISSANCE ET VIE D'UNE CONSCIENCE (REVOLUTIONNAIRE)

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

La boîte et le fusil - Récit de Achour Raïs (préface de Mohamed Karim Tebbal). Casbah Editions, Alger 2018, 700 dinars, 180 pages



Naissance de la conscience révolutionnaire... non pas au niveau de l'élite, mais au sein de la classe populaire : celle des habitants de la Casbah d'Alger sous l'occupation coloniale et aux débuts de la guerre de libération nationale. Décrite au départ, sous forme de pièce de théâtre. Chronique d'une jeunesse mouvementée, tumultueuse, partagée entre modernité (surtout celle des occupants) et authenticité (liée beaucoup plus à l'idée nationaliste), mais aussi une jeunesse souffrante et lasse de la situation de laissée-pour compte créée par la colonisation.

Ce sont donc plusieurs histoires qui se croisent et s'entrecroisent : celle des petits cireurs armés d'une simple boîte (contenant cirage, brosses et chiffons mais appelée, par la suite, à transporter et à cacher les armes servant aux attentats) ; celle des (petits et adultes) porteurs de couffins des courses des vieilles dames européennes ; celle des travailleurs, surtout des dockers au contact du monde extérieur et des bateaux accostant au port ; celle des petits commerçants vivant de tout et de rien et pratiquant sans peur le crédit ; celle des artisans se suffisant de peu ; celle de quelques rares « bourgeois », plus ?aristo' que capitalistes, toujours accrochés à un certain style de vie ; celle des mauvais garçons et des truands dont les gangs (ceux de « P'tit boxeur », de « Hacène El Annabi », de « Mustapha Hamiche » puis celui de « Al Capone » , celui de « Said Square », celui de « Faucon »...), étaient craints et parfois admirés ; celle des jeunes désœuvrés , « goumènes » (bellâtres) en attente de « coups » ; celle des animateurs de jeux de hasard (cartes ou dés) ; celle des bars et du proxénétisme ; celle, aussi, des indicateurs et autres « collabos » indigènes d'une police toujours aux aguets... pour mettre à bas toute tentative de rébellion... tout en laissant les « Arabes » s' entre-déchirer et s'entre-tuer. Toute une société vivant presque en vase clos, presque ghettoïsée n'ayant que peu de rapports avec la population d'origine européenne (la population juive mise à part)... seulement au niveau des marchés (dont « Clauzel »...), au « Square Bresson » et « Place du Gouvernement »... au stade lors des rencontres phares de foot (surtout entre les clubs « musulmans » et les autres) et dans les salles de cinéma (pas toutes !)... Puis vint la lutte de libération nationale... l'organisation de la résistance, le recrutement de combattants, les combats des militants du Fln contre les agents du Mna, la mise au pas des gangsters et de truands, l'élimination des ?collabos'... mais aussi les descentes de police (coloniale) , les arrestations, les pires sévices, la torture à mort, la guillotine...

L'Auteur : Formé en art dramatique, diplômé du conservatoire d'Alger (classe de comédie en langue arabe) étudiant à l'Institut national du cinéma, comédien à la Radio algérienne et au Tna, acteur dans plusieurs films longs métrages, téléfilms et feuilletons... et professeur d'art dramatique au conservatoire d'Alger depuis 1978.

Extrait : « Dans cet Alger des lendemains de la Seconde Guerre mondiale, le chômage, l'exclusion constituent un terreau de choix pour la délinquance sous toutes ses formes. Les jeunes rejetés par le système scolaire, sans emploi ni perspectives, sont en admiration devant ces « durs » (ndlr : les truands), rêvant de devenir comme eux, être craints et respectés, voir les gens s'écarter de leur chemin à leur passage » (p 51.)

Avis : Pièce de théâtre avant de devenir récit ; récit pas assez romancé, d'une vie quotidienne « théâtralisé ». Difficile de s?y retrouver... car, pour bien d'entre-nous, nous sommes trop « dedans » (trop près) et pour les plus jeunes, ils seront trop « dehors » et « trop loin ». Bonne nouvelle : il paraît qu'il y a un film en préparation



Citation: « Quand on n'a pas vécu libre, il est difficile d'imaginer l'indépendance » (p 153)



L'éveil à la conscience nationale - Mémoires de Salah Mebroukine Hibr Editions, Alger 2018, 650 dinars, 233 pages.



Facile à lire tant la rédaction est fluide grâce à sa linéarité, simple, accessible... mais pas facile à faire ou à imiter comme parcours... A saluer.

C'est le récit d'un homme de la ville, d'un jeune homme de «bonne famille», c'est-à-dire ni bourgeoise, ni dénuée totalement de moyens ou de soutiens, ni ?intello' ni illettré, ayant suivi une scolarisation presque normale jusqu'au Cep... un Algérien moyen, quoi !... perdu dans la foule des quelques millions d'Indigènes survivant dans leur pays occupé par des étrangers, les Français.

C'est le récit de l'éveil d'une conscience nationale à travers les difficultés de la vie quotidienne (tout particulièrement après le décès accidentel du père, un ancien travailleur émigré qui, rentré au pays, avait « réussi »), les solidarités rencontrées (dont celle de Baya, la future épouse), les épreuves (comme les arrestations et les incarcérations... et les répercussions d'évènements capitaux comme ceux de mai 1945 ), les rencontres, le militantisme dans la clandestinité et la vigilance permanente, les déplacements risqués lors des campagnes électorales, les discussions entre camarades d'abord... puis avec des adultes déjà éclairés et engagés politiquement sur le terrain ou... dans les prisons de Bougie, d'Alger Barberousse, de Lambèse et d'Orléansville.

Des militants aux noms inscrits dans les mémoires : Mohamed Belouizdad, Ahmed (Ali) Mahsas, Messali Hadj, Mohamed Boudiaf, Cheikh Ali Chentir, M'hamed Yazid, Ferhat Abbas, Hocine Lahouel, Taleb Abderrahmane, Said Amrani, Omar Oussedik, Baki Boualem, Basta Abdelkader, Boulkeroua Moussa, Beni Ouali, Abdelhamid Benzine, Abdelhafid Boussouf, A. Kiouane, Safi Boudissa, Ferroukhi... et d'autres et d'autres.

C'est le récit de l'évolution politique du pays face à une colonisation s'entêtant à ne penser qu'à ses intérêts et à ceux des grands propriétaires et des leurs complices indigènes, tout particulièrement à travers un certain « apartheid » politique et des élections truquées... Ppa, Mtld, Aml, Oulémas, Udma, Sma, Pca, Os, Crua... Des sigles qui se sont soutenus et compris parfois, opposés souvent... mais tous, malgré tout, fondateurs quelque part de ce qui va se passer à partir de Novembre 54.

Condamné... il ne sera libéré que le 2 mars 1952... avec un carnet dit anthropométrique d'interdiction de séjour (de dix ans)... dans certaines grandes villes de France et d'Algérie, y compris à Bougie, sa ville natale. Il s'installera à Blida avec sa famille... Toujours nationaliste. Bien que déçu par les querelles internes (au Ppa - Mtld), les palabres et des activités déstabilisatrices face à une opinion française farouchement accrochée au statu quo, éludant la question inhérente à l'émancipation du peuple algérien... il savait que la lutte continuait. Sous d'autres formes ?

L'Auteur : Né le 17 janvier 1923 à Bejaia (ex-Bougie)

Extraits : « Lorsque toutes les tendances fusionnèrent en un mouvement unique, les Aml, pour s'opposer à l'ordonnance du 7 mars 1944 qui prétendait consacrer l'assimilation de l'Algérie à la France, on peut dire que l'année 1944 était incontestablement une date importante pour le peuple algérien unifié dans sa marche irréversible vers la liberté » (p 54), « De quoi parlions-nous dans ces assemblées de « djemaa » ? De la liberté, de l'indépendance, d'une Constituante souveraine, du suffrage universel, des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes ; commenter nos journaux et nos tracts. Pour le fellah, c'était des fadaises, des discussions dépourvues d'intérêt. Il fallait donc changer de thèmes et susciter les intérêts affectifs des paysans et circonscrire en tant que cible ce qui était la cause de leur manière d'être » (p 73), « Selon de nombreuses statistiques, jusqu'en 1870, l'administration française avait enregistré moins de deux cents demandes émanant d'Algériens musulmans qui ont sollicité l'obtention de la citoyenneté française » (p 79).

Avis : Une mine d'informations pour les historiens qui s'intéressent à la vie révolutionnaire des militants de base ... les maçons de la Révolution. Un oued en apparence tranquille mais aux crues inattendues et parfois meurtrières. La lecture facilitée par une écriture chronologique très fluide.

Citations : « Pour ces deux valeureux patriotes (ndlr : Aizel Rabah et Mohamed Belouizdad), le droit de commander avait, avant tout, pour corollaire, le devoir de respecter les droits de celui qui est appelé à se soumettre » (p 112), « La foi s'acquiert et ne s'impose pas .Une fois acquise, elle devient une adhésion profonde à la chose qu'on veut atteindre » (p 142). « La vie n'est ni un jour de fête ni un jour de deuil, c'est un jour de travail » (Mohamed Belouizdad cité, p 153),



AU FIL DES JOURS:

1/ Au Maroc, sur 4000 sites d'informations fonctionnels, seulement 853 sites d'informations sur cet effectif ont fait les démarches nécessaires pour se conformer aux nouvelles règles relatives à l'enregistrement des médias digitaux présents au Maroc.

Sur ces 853, seuls 314 ont finalement reçu l'autorisation du ministère de la Communication.

D'après les textes, en cas de non-respect du cahier des charges du ministère, les sites non conformes doivent désactiver leurs portails. Et en Algérie, où en sommes-nous ? Des milliers de sites fonctionnels mais pas aucune règle. On le voit aussi dans le secteur de l'audiovisuel, avec une loi (2014) encore inappliquée et une Autorité aux membres rémunérés, errant dans une coquille vide car sans moyens réglementaires et matériels. Toujours cette désastreuse manie de la « fuite en avant » , de « gouvernance par le vide », laissant (volontairement ?) perdurer des situations jusqu'au pourrissement, pour le plus grand bénéfice des tenants du « pouvoir » et de leurs alliés et autres soutiens... Ainsi, on peut accuser n'importe qui de n'importe quoi et n'importe quand... les fainéants et les tire-au-flanc (ou « tire-au-cul ») y trouvant leur compte. Tout particulièrement en temps de crise.

2/ La journaliste vedette de la chaine 3, Meriem Abdou s'est fait signifier la fin de son émission « L'Histoire en marche » (tous les jeudis à 17 h) au lendemain de sa protestation contre le traitement jugé anti-professionnel de la direction de la chaîne des manifestations du 22 février contre le cinquième mandat du président sortant.

Elle s'était indignée du traitement réservé par la direction de l'information de la chaîne des manifestations des citoyens sortis, la veille, dans plusieurs régions du pays, pour appeler le chef de l'Etat à renoncer à un cinquième mandat. La journaliste dénonce le fait que la direction a passé sciemment sous silence cet évènement contre toutes les règles de l'éthique journalistique.

« Un comportement qui foule aux pieds les règles les plus élémentaires de notre noble métier », dit-elle. Elle a alors annoncé sa démission de son poste de Rédactrice en chef membre de l'encadrement de la chaîne 3 mais qu'elle se consacrerait uniquement à son émission « L'Histoire en marche »... si on la laisse la conserver.

Ne vous offusquez pas ! Car, je vais dire « Bravo » (!?) aux (mauvais) gestionnaires. Par leurs attitudes et tons autoritaristes et les mesures de rétorsion qui engendrent et aggravent toujours des tensions et des crises... ils poussent au réveil des orgueils et à encore plus de rébellion... ce qui, immanquablement, amène des changements. La preuve ? Peu de temps après, le travail journalistique au niveau du secteur public s'est quelque peu (un tout petit peu !) libéré... ou ne tardera pas à l'être. Quant au secteur privé... « business is business », n'est-ce pas ?

4/ Un seul discours, le même ton, le même intervenant (un - très - haut responsable de la sécurité nationale), la même assistance, les mêmes images... mais deux textes... le même contenu avec cependant pour l'un, un passage qui a , juste après une large diffusion (internet n'attendant pas les autorisations de diffuser) « sauté ». Un second texte qui rend plus « soft » le discours alors assez autoritariste, accusant des « appels anonymes douteux en apparence prétendument en faveur de la démocratie » aux marches populaires contre le 5ème mandat... juste au moment où des centaines de milliers d'« égarés » (sic !) manifestaient dans les rues des villes et villages du pays... » vers des issues incertaines et dangereuses (re-sic !). Encore un autre grand mystère de la communication institutionnelle nationale.

5/ Mars et ses « Marsiens », l'histoire bégaie... Depuis fin février, avec les marches et manifestations populaires contre le 5ème mandat de Abdelaziz Bouteflika, c'est déjà le grand « retournement de veste » pour monter (ou remonter) dans le train du pouvoir. Ainsi, on voit (ré-) apparaître sur les plateaux de télés (surtout celles off-shore qui, elles aussi, ont revu leurs « écrans ») bien d'« anciens » alors bien muets et occupés à fructifier leurs « affaires » , qui viennent disserter sur les événements et, bien sûr, sur l'avenir du pays

6/ Les journaux français ont rectifié le tir au lendemain des marches populaires contre le 5ème mandat de A. Bouteflika... Au départ, on a beaucoup parlé et écrit sur les « milliers de manifestants »... alors que pour toute l'Algérie, pour une seule journée, le nombre de participants a dû friser quelques bons millions. Il y avait même une contradiction entre ce qui se disait et ce qui se voyait en images. Maintenant, ayant constaté la vigueur du mouvement et surtout son grand sens de pacifisme (mises à part les tentatives, de dernière minute, de « baltaguias » (casseurs appointés... dont l'« apparition » surprise aurait entraîné la mort de Hassan, fils de Youcef Benkhedda, le grand révolutionnaire, 2ème Président du Gpra après Ferhat Abbas) à Alger... comme par hasard juste à côté de la Présidence, de l'hôtel El Djazair... qui abrite des journalistes et des étrangers et de l'Entv), les infos et les commentaires sont réajustés. Il faut cependant s'interroger sur la désinformation, les stratégies diplomatiques n'expliquant pas tout. Des enveloppes ?