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Leçon de Corée

par Mahdi Boukhalfa

L'Algérie a raté plusieurs virages politiques et commis des erreurs de stratégie économique, dans l'industrie, les finances et l'agriculture. C'est un fait aujourd'hui avéré. Mais, quand le passé rattrape le présent, il ne faut plus s'en inquiéter, mais faire son autocritique. Lundi à Alger, le représentant de l'une des cinq puissances industrielles mondiales, en particulier dans les TIC et les technologies innovantes, a en quelque sorte «tiré les oreilles» aux responsables algériens en rappelant qu'en 2006 l'Algérie «était le seul pays d'Afrique avec lequel la République de Corée avait signé un accord de partenariat stratégique». Un rappel, au vu du contexte économique actuel inquiétant pour les trois prochaines années avec une érosion accélérée des réserves de change, un prix du baril à oublier et un pays incapable de produire ce qu'il consomme, qui fait mal à entendre.

Les regrets sont forts et rappellent les erreurs qui font mal. Car le Premier ministre sud-coréen a mis le doigt là où cela fait mal : «les deux pays n'ont pas échangé suffisamment pour être à la hauteur de leur partenariat stratégique». Et, surtout, ce que les deux pays auraient pu réaliser depuis 2006. Or, cette phrase lancée avec malice et beaucoup de reproches par le Premier ministre sud-coréen à son homologue algérien Ahmed Ouyahia renferme la conviction qu'il y a eu tant d'occasions ratées pour aider l'Algérie à se développer, réellement, sur le plan industriel et au premier plan les TIC. Et il ne manquera pas de lancer une autre invitation aux responsables algériens pour rattraper le temps perdu, les occasions ratées, en exposant toutes les opportunités de coopération et de partenariat qui s'offrent aux deux pays dans des domaines industriels de pointe, mais surtout dans l'industrie manufacturière. Et il s'en vante, car il rappellera à ses interlocuteurs algériens que la Corée du Sud est sortie du sous-développement et est devenue un géant industriel grâce à la petite industrie manufacturière, les entreprises familiales, de petites unités de production qui, rassemblées, constituent un important tissu industriel qui fait vivre des centaines de milliers de familles, qui produit ce que le pays consomme et exporte le surplus.

C'est cet esprit simple d'entrepreneuriat à la limite familial, du compter sur soi appuyé sur des stratégies publiques à long terme et sans interférences malsaines du politique sur l'économique que le Premier ministre sud-coréen a vanté à Alger. Autrement, la Corée du Sud avait montré son intérêt pour l'Algérie, qui n'a pas su anticiper ce geste, à un moment économique important, juste avant la crise financière internationale des «subprimes», de la baisse des prix pétroliers de 2009, à un moment où politiquement il aurait fallu effectuer un virage économique courageux en libérant davantage le secteur manufacturier et ouvrir les portes aux IDE. La réaction de l'Algérie en 2009 avec une baisse de plus de 60% de ses recettes pétrolières (de 75 mds de dollars à moins de 40 mds de dollars) a été de mettre en place des verrous bancaires et financiers aux entreprises privées et, surtout, de fermer la porte aux investisseurs et entrepreneurs étrangers avec la fameuse règle 51/49% et le droit de préemption sur les entreprises. C'était alors le chant du cygne et les prémices de la crise économique qui s'annonçait pour le pays qui a raté tant de virages économiques depuis la crise financière de 1994. Jusqu'à quand ?