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Responsables ou froids de cœur ?

par El Yazid Dib

Constantine est derrière nous. L'hiver sera bientôt là. Que faire ? Eh oui, l'on voudrait tous que chacun fasse face à ses responsabilités. Celles-ci se situent le plus souvent, sinon en permanence, entre droits et devoirs. Il est vrai que la frontière entre eux est parfois, du moins chez certains esprits fuyards et évasifs, évasive et diluée. Ne pas se présenter devant l'urgence d'une actualité frappée de criminalité, de tragédie pluviale, de drame culturel est une irresponsabilité. Se taire par-devant une persistance orale ou médiatique et penser ainsi avoir résolu un problème en ne disant rien n'est-il pas en soi une négation de soi, voire une humiliation à son prétendu devoir moral ? C'est comme si vous lancez un salam et un mutisme sans égard vous fera sentir que c'en est là un rendu de salam. Non messieurs ! Le silence à ce niveau n'est ni une préventive mesure ni une probable tactique. C'est une insolence à l'encontre de la république. Les «on va voir», «on verra après» ne sont que des échappatoires et des gamineries.

L'irresponsabilité c'est lorsqu'un wali ne vous regarde pas en tant que citoyen mais comme une carte d'électeur ou un abonné statistique dans ses listings démographiques. Quand il offre une omra de sa poche pour atténuer, pense-t-il, la douleur de parents affligés alors que sa mission était de leur offrir gratuitement quiétude et sécurité. C'est lorsque vous frappez à une porte fermée, pourtant dite ouverte, et qu'aucun son n'y provient. C'est lorsque vous signalez une fuite d'eau publique et que le service de la robinetterie étatique fait la sourde oreille. Vous signalez une coupure électrique, un risque d'éclatement social, une trahison politique, une imposture managériale ou une parodie fonctionnelle et vos cris de cœur ou vos coups de gueule ne trouvent que ce silence assourdissant pour les contenir. C'est à l'identique de l'épicier qui ne vous rend pas la monnaie. D'une taxe dont vous ne tirez pas un reçu. D'une pluie qui tombe du ciel, arrosant la toiture et qui ne ruisselle pas. Inouïe cette complexité d'irréactivité que certains prennent pour attentisme, façon de mieux voir, mieux jauger, faire mûrir.

Pourtant tout est au bout d'une décision. Oui ou non. Ne dit-on pas, pour paraphraser Jacques Attali, que parmi les fondamentaux du chef, «le courage pour oser, la volonté pour résister au découragement» doivent céder le pas à l'hésitation et au report d'affaires ?

Les marées d'eau ou autres difformités sociales vécues cet été n'ont trouvé que des cris lancés notamment à travers les réseaux sociaux. Et pourtant vous en avez vous aussi. Même les technologies de l'information et de la communication tant flagornées, psalmodiées et vendues par des propos moribonds ne sont pas à l'aise. Aucune interaction. Juste les actions de leurs afficheurs pas plus. Présumer qu'ouvrir un site et y insérer une rubrique contact suffira à installer un dialogue n'est qu'une façade d'embellissement ou de faire croire que l'on est à la page. Ni Sonelgaz, ni Seal, ni Telecom, ni, ni? n'assurent un service de prise en charge. Alors que dire d'autres entités nanties de plus de gabarit, de plus d'attributions ?

Ainsi l'on voit un peu partout cette irresponsabilité gagner de jour en jour du terrain. Un ministre qui se verrouille, un wali qui ne guette que le mouvement, un maire qui fuit l'inondation, un député qui n'existe que dans les cortèges ministériels ne sont-ils pas dans une flagrante irresponsabilité ?

Si Yasmina Khadra me disait un jour : «Il y a des hommes qui nous émerveillent et d'autres qui nous affligent», à mon tour de dire qu'il y a parmi ces hommes, ceux qui nous font encore aimer le pays, d'autres qui nous le font haïr, le fuir tant qu'ils sont là, à nous régir. Excusez-nous de vous dire : vous êtes irresponsables !