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Le schiste des zaouïas

par Mahdi Boukhalfa

Plus que jamais, l'Algérie compte sur son potentiel énergétique pour assurer l'essentiel de ses ressources financières. Maintenant que les cours de l'or noir sont à des niveaux déprimants attaqués de plus en plus par le recours des gros consommateurs aux énergies renouvelables, tous les discours officiels sur la nécessité de passer à une croissance économique tirée par l'industrie et l'agriculture et non par les hydrocarbures ne sont qu'un doux rêve. Les hydrocarbures, pour le gouvernement, sont au contraire le nerf de la guerre dans la phase économique actuelle, marquée par une crise financière sans précédent depuis les années 1990.

Et, pour éviter d'aller à l'endettement externe, le pays a choisi la voie contestable du financement non conventionnel pour assurer au moins le fonctionnement normal du pays en attendant la mise en place de la politique d'exploitation des énormes réserves d'hydrocarbures non conventionnelles, c'est-à-dire le pétrole et le gaz de schiste.

C'est à peu près la mission dévolue à Sonatrach et son patron, Ould Kaddour, pour irriguer dans les dix prochaines années le pays avec l'argent du gaz de schiste. La tournée du PDG de Sonatrach dans les grands bassins de production du pays notamment à In Salah n'a d'autre but que d'avoir le «quitus» des populations locales, dont les jeunes et la société civile, farouchement opposés à ce projet. Et, évidemment, recueillir l'accord formel des chefs de zaouïas de la région, une sorte de «bénédiction» qui permettra au groupe énergétique algérien de mener ses objectifs à bon port et, surtout, de pouvoir intégrer dans ces projets la société civile locale et, du coup, ouvrir grand les portes de l'exploitation des énormes gisements d'énergie non conventionnelle que recèle le sous-sol algérien.

Car le potentiel de l'Algérie est énorme, soit les troisièmes réserves mondiales de gaz de schiste, techniquement récupérables. A elle seule, selon un rapport de la Cnuced, l'Algérie détient 707 trillions de pieds cubes (Tpi3) de gaz de schiste, soit 9,3% des réserves techniquement récupérables mondiales. Elle représenterait plus de la moitié des RTR en Afrique. C'est énorme. Les autorités ne comptent pas passer à côté de cette manne énergétique, alors que le pays traverse une crise financière qu'il ne peut juguler ni maîtriser dans l'état actuel de son industrie, encore moins de son agriculture, qui exporte annuellement moins de deux milliards de dollars de biens. Or, la faiblesse de l'économie algérienne est là, elle ne parvient pas à produire et exporter autre chose que des hydrocarbures pour subvenir à ses besoins.

L'équation est simple : les exportations font la richesse des nations, car elles ne consomment que ce qu'elles produisent, le surplus est exporté. L'Algérie est loin de cet état de grâce. Elle doit donc aller «au charbon» qu'est devenu le gaz de schiste pour améliorer ses recettes d'hydrocarbures et faire face autant à une demande interne future en hausse constante en énergie, dont le gaz, et en même temps maintenir un niveau d'exportation raisonnable.

En un mot comme en mille : le pays a un besoin urgent et conséquent d'argent et l'exploitation du gaz de schiste est devenue autant une solution à la baisse croissante de la production d'hydrocarbures conventionnels, que le «plan B» pour sortir du marasme financier actuel et à venir. Ould Kaddour, le PDG de Sonatrach, a déjà eu le feu vert du gouvernement pour mener sa campagne pour les énergies non conventionnelles auprès des chouyoukhs des zaouïas locales, assises sur les troisièmes réserves mondiales de gaz de schiste.