Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Trump, l’Iran et le pétrole

par Akram Belkaïd, Paris

L’une des conséquences directes de la décision unilatérale prise par Donald Trump de retirer son pays de l’accord sur le nucléaire iranien concerne le marché pétrolier. En effet, le retrait américain du texte conclu en juillet 2015 signifie le retour, à court terme, du régime des sanctions contre la République islamique. Des sanctions comparables à ce qui existait dans les années 2000, voire à ce qui était en place entre 2011 et 2015.

Baisse de la production annoncée

Cela signifie d’abord que les compagnies pétrolières occidentales n’auront plus le droit d’investir en Iran mais aussi d’y opérer. Le principe d’extraterritorialité appliquée par Washington lui offre une large marge de manœuvre pour poursuivre n’importe quelle compagnie qui ne respecterait pas ses sanctions. Qu’un seul composant américain soit utilisé -on pense notamment aux pièces de rechange pour les sites de pompage- et les poursuites judiciaires seront menées.

Pire encore, qu’un seul dollar soit échangé entre les compagnies concernées et l’Iran et, là aussi, les sanctions s’appliqueront avec, à la clé, des amendes record et des peines de prison. Or, on le sait, les transactions pétrolières sont presque toujours libellées en dollars. Autrement dit, il faut donc s’attendre à ce que la production iranienne chute. Pour mémoire, la production iranienne était évaluée à 2,6 millions de barils par jour (mb/j) en 2011. Elle est ensuite tombée à 1,1 mb/j en 2013 et 1,4 mb/j en 2015. Ces derniers temps, l’Iran se rapprochait plus ou moins des 1,8 mb/j. Si les sanctions sont de nouveau appliquées -ce qui est fort probable, car on voit mal comment les Européens pourraient empêcher cela- cela signifie que Téhéran devrait voir ses pompages perdre au moins 1 mb/j.

On sait d’ores et déjà que la République islamique aura du mal à atteindre son objectif de 5,7 millions de barils par jour en 2020. Les ventes et les concessions accordées aux opérateurs étrangers risquent, en effet, d’être remises en cause. Selon des chiffres disponibles il y a un an, la NIOC, compagnie nationale iranienne, a estimé à 50 milliards de dollars les besoins en matière d’investissement dans son secteur. Question : qui sera capable ou qui aura le courage de les débourser (et de déclencher la colère de l’Oncle Sam) ? Certes, Téhéran a déjà anticipé ce genre de retournement en exigeant que les transactions pétrolières se fassent en euros. Mais, là aussi, rien ne dit que les sanctions pourront être évitées. Comment prouver que tout le matériel utilisé en Iran n’a pas été acheté en dollars ? Comment prouver que tel ou tel personnel n’a pas été rémunéré en billets verts ? Si la justice américaine décide de poursuivre les compagnies incriminées, il leur faudra beaucoup de temps et d’argent pour se défendre.

Fin de l’accord de l’Opep ?

Reste enfin la question de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Pour l’heure, cette dernière -qui doit se réunir en juin prochain- a retrouvé une certaine cohésion autour de l’accord de réduction de la production qui court jusqu’à la fin de l’année (grâce notamment à la collaboration russe en ce sens). Si le pétrole iranien disparaît du marché, que va-t-il se passer ? S’il n’est pas remplacé, l’or noir va flamber. S’il l’est, cela peut vouloir dire une nouvelle course à l’augmentation des pompages au sein du Cartel. Sans surprise, les monarchies du Golfe ont déjà annoncé qu’elles compenseraient les volumes qui viendraient à manquer. Au risque de faire chuter les prix ?