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La nouvelle génération

par El Yazid Dib

Est-elle à l'identique des autres ? A-t-elle le même mode de réflexion ? Si elle reste blâmable sur quelques écarts , est-elle capable envers tous les égards de remporter les défis qui s'imposent ?

Une chose est bien établie et certaine c'est qu'elle n'est pas crédule à satiété. Elle ne croit pas ceux que miroitent les miracles et renient ce que tentent de projeter les mystères de la providence. Toute sa foi est dans la vérité qu'elle aspire voir sine-die, sonnante et trébuchante. C'est une génération qui fait confiance à un clic pour pouvoir déverrouiller l'écran de sa future navigation. C'est là où se niche justement le monde qu'elle voudrait avoir, vivre et consommer. L'illusion du bien être melée à l'attente et au rêve.

Une nouvelle génération est déjà mise en place. Ses référentiels sont autres que ceux voulus par leurs aïeux. Un grand nombre d'opinions s'accordent pour dire que les temps ne sont plus les mêmes, les personnes également. La différence, chacun en la cherchant ira la trouver dans sa propre certitude. Pourtant rien n'est si sûr qu'un acte ou un agissement fait dans la flagrance. La preuve d'une éducation ou d'une valeur sociale reste le plus souvent visible dans la rue, dans la famille ou n'importe ailleurs.

Les études ou la persévérance à les poursuivre ne font plus partie de la trajectoire d'une réussite sociale. L'investissement dans l'esprit mercantile reste ainsi chez certains la priorité à le faire injecter dans le crâne de leurs rejetons. Il y a des enfants qui ne savent pas encore compter au moment où d'autres maitrisent parfaitement, sans sciences les bases de la taxation ou les différents régimes fiscaux. C'est la pratique de la débrouillardise qui fait que l'école n'est plus un créneau porteur comme l'est le souk ou la chaussée pour la revente de tel ou tel produit. Quand l'on se trouve par-devant La mollesse de la loi rajoutée à la facilité du gain toutes les opportunités illusionnistes de s'enrichir en bas âge deviennent à l'unanimité un concours national.

C'est tout à fait vrai car observable ; que les jeunes ont pris la tendance de ne croire qu'en l'immédiateté. Le futur pour eux n'arrive pas de si tôt, et que le temps tellement pressant, qu'il les presse pour savoir prématurément contourner ses mauvais alois. Paradoxalement, certains se fichent éperdument de tout calcul stratégique pour au moins tenter de projeter un semblant d'avenir. Ils se disent le temps, un jour saura le faire. Installés volontairement ou par défaut dans un monde virtuel trop envahissant ; ils s'y sentent en pleine liberté et l'exercent sans nulle modération.

Qu'en ?est-il de la maturité politique ? Rien. Aucun engagement à l'exception de quelques soubresauts passionnels constables auprès d'une infime minorité de lettrés. La politique semble avoir depuis belle lurette déserté leurs sentiers. Elle n'est présente que comme objet à digression ou un monstre à fuir. C'est de sa pratique qu'émaneraient les suspicions les plus terribles et les méfiances les plus redoutables. L'on ne fait plus confiance et ceci presque à l'instar de la grande masse ; en ceux qui sont chargés d'ordonnancer l'affaire publique.

Le jeune d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier. Le vieux également. Hier, il y avait des modes de réflexion conformes à la situation du temps et de l'espace. En ce jour plusieurs paramètres sont en jeu et font surtout un grand enjeu. Personne, sans égard aux fluctuations de générations n'arrive à penser comme l'autre. Chacun et selon ses commodités tend à exprimer son avis sans pour autant y mettre le moindre doute. La certitude aveugle et sans discussion emprisonne tout le monde. Celui qui croit en une chose, s'y cramponne opiniâtrement malgré parfois preuve contraire ou inscription en faux. Est-ce là encore une exactitude dans la pensée humaine ?

Dans le temps, il était quasiment interdit et frôlant l'illicite de jouer avec son enfant ou d'écouter la musique en présence de ses parents, alors que dire de se baigner, de tanguer ses hanches, de laisser ses effets intimes partout ou se laisser voir dans un état pris pour une indécence ? C'était de la gageure pour des cas dirais-je, de la niaiserie aléatoirement mal placée pour d'autres, mais avait tout de même un sens d'une certaine éthique opportunément admise. C'était par ce sens, par ces « interdits » que le comportement se dictait et s'accomplissait. Il n'y avait nul ressentiment ni de privation de liberté ni d'absence d'expression. Bien au contraire, la vie se faisait dans un cadre consensuel, un contrat social qui certes pesait par ses excentricités mais arrivait tout de même à se faire sans casse ni brimade et en pleine acception. Porter un pantalon usé, lacéré ou rapiécé était un signe flagrant de pauvreté et non pas un indice de surabondance ou de prétendue émancipation. Se faire un piercing à l'oreille ou au nez ressemblait à une malédiction familiale et non pas une libéralité très en vogue, pas plus que de faire choir son pantalon et s'empêcher volontairement de le relever. Nonobstant ceci et outre l'accoutrement qui demeure une conformité de temps, toutefois acceptable et tolérable ; l'outrecuidance est dans sa prise en charge totalement parentale. L'on n'habille plus les enfants, ils se font faire payer leurs fringues, à leur bon vouloir.

Dans le temps le sens de la responsabilité avait une connotation hautement morale. L'on ne rechignait pas à l'exécution de la promesse ni au respect de la convenance. La parole était le dit-on encore, un capital. Aucun besoin de recourir au subterfuge de l'embouteillage pour différer un rendez-vous ou se prévaloir d'un parachèvement tardif. L'heure avait ses raisons que la raison ne pouvait justifier le moindre report ou décalage. Mais comme l'heure est à la numérisation, elle demeure justifiable en plus de preuves digitales à l'appui. La responsabilité était aussi une conscience qui se supporte comme un fardeau porté au nom de tous. Outre celle qui pèse sur sa propre personne ; elle ne manquait pas de s'étendre à tous les domaines entourant celle-ci. De la propreté de l'extérieur de sa chaumière ou de sa menue demeure à l'esprit du bon citoyen qui s'il voulait se soûler ne jetait pas ses cannettes ou les cadavres de ses bouteilles dans la rue ou s'il voulait faire ses prières aurorales n'ameutait pas tout le monde. Le citoyen ne s'agglutinait pas dans les cites ou demeure tapi dans les ténèbres des cages d'escaliers, rendant le crépuscule banni à toute la gent féminine. La nuit appartenait comme le jour a quiconque. Si l'on évoque le désœuvrement ou le manque de distraction come motifs à cette réclusion dans la cité, l'on devine mal le comment vivait-on ce temps dans le passé. Y avait-il des cybercafés, des maisons de jeunes, des parcs Mall ? Rien de tout cela. L'oisiveté et le chômage existaient bel et bien en face d'un dénuement total et entier mais ne prenaient pas le dessus ni ne produisaient le spleen et la mélancolie.

La nouvelle génération, par principe n'en est pas une. Elle se moule dans l'une ou l'autre la précédant ou la suppléant. C'est un ensemble d'osmoses dont les ingrédients positifs que négatifs influent l'évolution. Une chaine dans laquelle un maillon remplace l'autre et ainsi de suite. Rien n'est à déplorer et personne n'est à blâmer car naturellement la société se reconfigure en fonction de nouveaux besoins et de nouvelles exigences. A la seule différence que tous les gens constatent c'est qu'en plus de l'émergence de nouveaux comportements, l'état d'esprit qui prévaut est carrément autre que celui d'antan. Le bonheur, s'il se concevait dans un abri et une survie ; il ne se contente plus maintenant d'un logement LSP ou promotionnel, d'une voiture à crédit, d'un registre de commerce, d'un compte en devises, d'un visa outre-atlantique, de diners poissonneux et de vacances estivales et hivernales.

Venons maintenant à la pratique de l'acte politique. Dans le temps, il ne s'exerçait que par ceux qui paraissaient en être les naturels détenteurs. Personne n'osait en dire mot ou en faire acte. Il paraissait tel un domaine que seuls les érudits ou les invétérés sont capables d'intégrer et savoir suivre tel qu'il devait les conjonctures et les péripéties factuelles. Qu'en est-il en ce jour ? Du rien, il se trouve que gens en sortent, des noms se construisent et deviennent des entités du moins pour ceux qui présument leur existence. Malgré cette audace, l'on ne voit pas encore d'innombrables jeunes se bousculer au portillon. La jeunesse ; branchée ailleurs à les yeux et la tête dans le même écran affiché vers l'ailleurs. Le désintéressement politique de la chose publique sauf dans le profit à tirer ou le gain à soutirer est quasi général chez cette frange sociétale. Certains cercles en mal de sainteté et de pragmatisme tiennent à n'inscrire le jeune que dans la case du recalé, de l'émeutier et du fauteur de troubles. Faudrait-il s'il le soit ou le fasse proscrire sa personne ou s'enquérir sur l'origine génésiaque pour de telles attitudes ? Il reste tout de même un pur produit de l'ecole et de la famille algérienne.

Les timides et chiches sondages révèlent que les jeunes fustigent toutes les formes classiques de l'expression politique qu'ils trouvent insuffisantes voire obsolètes pour rallier leur idéal à un destin national. La politique disent-ils ne s'intéresse pas à eux, ils n'ont pas contradictoirement à s'intéresser à elle. Autant le personnel politique est jeune autant la compréhension mutuelle s'installe et se fructifie. Dans les partis, ils ne sont là que pour arborer des teeshirts, densifier la foule ou accrocher des portraits. Rares sont ceux qui garnissent les premières loges dans les listes électorales. Pourtant toutes les lois de la république et ses discours officiels vont dans le sens d'une incitation massive pour que la jeunesse prenne d'assaut son devenir et investisse le giron politique encore monopolisé. Si l'on peut voter dès l'âge de 18 ans et avoir ainsi la capacité juridique et la responsabilité politique de décider de l'avenir de la nation, l'on doit avoir 40 ans pour être candidat aux présidentielles, 25 ans aux législatives et 23 ans aux locales. Alors que pour voyager seul l'on doit dépasser les 19 ans. Drôle de ségrégation de majorité. Sans oser débattre de cela, dirions-nous chaque mission a son âge et chaque âge exige sa maturité politique.

Le Conseil supérieur de la jeunesse consacré par la nouvelle constitution est une aubaine pour se pencher dans des études liées aux enjeux communs, aux préférences, aux besoins fondamentaux et aux valeurs des générations futures. C'est à travers un tel organe, plus dynamique et autant libre dans la pensée que doit porter la réflexion globale par ces jeunes et pour eux-mêmes. En faisant ainsi ; ils auront à par ricochet à définir le vieux de demain et marquer dans le long terme la nature de la prochaine génération. Quant au département ministériel dédie à la jeunesse, il est amené dans une politique générale de jeunesse, à revoir sa copie concernant les fonctions qu'il effectue à son égard lesquels ne doivent plus se limiter à ne voir en le jeune qu'un athlète, un footeur ou un simple joueur sportif. Le jeune est une composante plurielle et multiple. Il est dans le cœur de toutes les attributions étatiques. On doit le faire sortir des cybercafés, des coins de rues malfamées et des étals du marché informel pour le faire glaner un peu dans l'architecture du sort national. Le sien.

Autant dire que notre jeunesse ne fait pas totalement partie de la génération actuelle. Elle a quelques choses en legs de nos pratiques. Elle fait de son mieux pour essayer de comprendre un univers national qui n'était fait qu'en son absence, qu'elle subit tout en s'efforçant d'y apporter ses appétences et ses inclinations. C'est pour ces raisons que les hommes de demain dont l'embryon est à ensemencer aujourd'hui doivent provenir d'une symbiose de pensée. L'homme de demain sera un homme totalement universel, il ne verra pas du même œil les frontières ou les limites de l'identité. D'où la nécessité d'œuvrer à valoriser davantage l'ancrage identitaire et l'amour des constantes que nous qualifions de nationales. Il va sans dire que c'est de son implication que dépendra le contour d'impact de chaque génération.